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L'application du décret-programme du 3 février 2006.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2006
  • N° : 22 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 20/11/2006
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à DAERDEN Michel, Ministre du Budget, des Finances, de l'Equipement et du Patrimoine

    Il semble que la position restrictive quant à l'interprétation du décret-programme du 3 février 2005 aboutisse de manière aberrante à pénaliser une famille d'agriculteurs en ne permettant pas de les faire bénéficier du taux réduit de droit de succession pour leur entreprise, et ce, à l'encontre de la ratio legis des dispositions décrétales wallonnes.

    C'est pourquoi, je souhaiterais soumettre un petit « casus » à Monsieur le Ministre …

    Une exploitation agricole sise en Région wallonne et comprenant une universalité de biens (cheptel, vif, cheptel mort, droits aux baux, …) appartenait à la communauté et/ou au patrimoine commun existant entre les époux A et B, résidant depuis toujours en Région wallonne. En effet, Monsieur A et Madame B étaient mariés sous le régime légal et cette exploitation faisait partie du patrimoine commun et/ou de la communauté.

    Le 30 juin 2005, les époux A et B ont cédé la moitié indivise de l'exploitation à leur fils C moyennant paiement d'un prix de vente. Ainsi, depuis cette cession, l'exploitation appartiendrait donc pour moitié indivise au patrimoine commun existant entre les époux A et B et pour l'autre moitié indivise à C.

    En date du 13 juin 2006, Madame B décéde. Sa succession est dévolue conformément à la loi. Ainsi, dans la déclaration de succession, la moitié de l'exploitation agricole, dépendant du patrimoine commun ayant existé entre les époux A et B, serait reprise à l'actif de la succession pour une moitié.

    Le taux réduit prévu par l'article 60 bis, § 1er , 1°, du Code des droits de succession pour la Région wallonne est-il d'application pour la transmission d'entreprise par voie successorale dans ce cas ? En supposant que toutes les conditions d'application pour bénéficier du taux réduit soient réalisées, …

    Néanmoins, la circulaire de l'administration fiscale stipule: « On déduira du texte de l'article 60 bis, § 1er , 1°, qu'une transmission portant sur une fraction des biens servant à l'entreprise (ex. _ de l'entreprise) ne peut en principe bénéficier du taux réduit. ».

    Faut-il en déduire que le taux réduit prévu par l'article 60 bis ne serait pas d'application car la succession de Madame B ne concerne pas l'exploitation agricole dans son ensemble (le patrimoine commun était seulement propriétaire d'une moitié indivise de l'exploitation) ?

    Ainsi, la part de la défunte dans l'exploitation agricole (soit _ ) serait donc taxée au droit de succession plein, sans compter que la moitié de l'exploitation agricole, moitié cédée le 30 juin 2005, tombe sous le coup de l'article 108 du Code des droits de succession et sera ainsi taxée.

    Qu'en pense Monsieur le Ministre ? Cette interprétation est-elle correcte ?

    Si tel est le cas, l'on ne peut que s'interroger sur l'opportunité de cette réglementation. En effet, si les époux A et B n'avaient pas cédé la moitié de leur exploitation agricole, cette dernière serait dévolue sur la base successorale au taux réduit de 0 à 3 %. Situation pour le moins paradoxale lorsque l'on sait que l'intention du législateur était justement de promouvoir la transmission des entreprises aux plus jeunes sans les pénaliser. Nous aboutirons ici à un résultat tout à fait inverse si on suit la position restrictive.

    En effet, si les époux A et B n'avaient pas cédé la moitié de leur exploitation à leur fils, ils auraient pu bénéficier du taux réduit de 0 à 3 %, alors que, dans le cas présent, le quart de l'exploitation agricole (quart dépendant de la succession de Madame B) et la moitié du prix de cession (en vertu de l'article 108 CS) seront soumis au taux progressif plein !

    Mais, ne pourrions-nous pas considérer que, suite à la cession de l'exploitation agricole du 30 juin 2005, il existerait alors non pas une universalité, mais bien deux universalités (la première relevant de la communauté entre A et B, la seconde relevant du patrimoine propre de C), chacune de ces deux universalités étant composée de biens indivises.

    Autrement dit, si la communauté existant entre les époux A et B possède la moitié indivise du cheptel vif, la moitié du cheptel mort et la moitié des droits aux baux, ne doit-on pas considérer que cette communauté est titulaire d'une universalité (au sens de l'article 60 bis), même si cette universalité est associée à une autre universalité (celle dépendant du patrimoine de C) ? Ainsi, l'article 60 bis serait alors d'application dans le cas d'espèce.
  • Réponse du 05/04/2007
    • de DAERDEN Michel

    L'Honorable Membre évoque la réglementation particulière wallonne visant à favoriser la transmission d'une entreprise, tant sur le plan des droits de donation que sur le plan des droits de succession.

    Ainsi, cette réglementation comporte actuellement les instruments suivants :

    - d'une part, la transmission d'une entreprise à titre gratuit pour cause de mort est visée par l'article 60bis du Code des droits de succession ;
    cette disposition, initialement introduite dans ce Code par l'article 2 du décret wallon du 17 décembre 1997 (modifié quant à l'exigence de personnel et à l'imputation des dettes, par un autre décret wallon du 16 décembre 1998), a été fortement rénovée par le décret du 3 février 2005 (applicable aux décès intervenus à partir du 1er janvier 2005) et, surtout, par le décret du 15 décembre 2005 (applicable aux décès intervenus à partir du 1er janvier 2006) ;

    - d'autre part, la transmission d'une entreprise à titre gratuit à la suite d'une donation entre vifs, est visée par les articles 140bis à 140octies du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe ;
    ces dispositions, initialement introduites dans ce Code par l'article 67 de la loi fédérale du 22 décembre 1998, a également été fortement rénovée par le décret du 3 février 2005 (applicable aux donations notariées intervenues à partir du 1er janvier 2005) et, surtout, par le décret du 15 décembre 2005 (applicable aux donations intervenues à partir du 1er janvier 2006).

    En matière d'exploitation d'une entreprise par une personne physique, ces deux décrets ont entraîné de forts assouplissements du régime antérieurs. Ainsi,

    - le décret du 3 février 2005 a introduit un taux réduit de 0 % applicable aux transmissions de petites et moyennes entreprises indépendantes, au sens européen des termes (règlement 70/2001 du 12 janvier 2001), tout en incluant dans le champ d'application du taux réduit de 0 % ou de 3%, les entreprises dont la main d'œuvre est composée d'indépendants familiaux, les créances, les certificats d'actions, les petits groupes au sens de l'article 16 du Code des sociétés, les droits réels et les activités forestières (pour les donations) et les charges et offices (pour les droits de succession) ;

    - le décret du 15 décembre 2005 a approfondi et simplifié les obligations fiscales en matière de transmission d'entreprise, en parachevant ainsi le mouvement amorcé par le décret-programme du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative de la Région wallonne ; à ce titre, ce dernier décret a généralisé le taux réduit de 0 % ; il a également simplifié la procédure applicable à l'obtention et au maintien du taux réduit ; il a en outre admis complètement les holdings exerçant une activité économique à l'échelle du groupe ; il a enfin harmonisé les législations applicables à la transmission d'entreprise, tant en droits de succession et de mutation par décès qu'en droits de donation.

    Au regard de ces décrets, un éclairage sur un cas d'application concret est demandé.

    Ce cas pose en réalité plusieurs problèmes.

    1 Tout d'abord, il convient de souligner que, avant le décès de Madame B, la situation de l'exploitation agricole semble avoir été la suivante :

    - Monsieur A: 1/4 en indivision (communauté légale entre A et B);
    - Madame B : 1/4 en indivision (communauté légale entre A et B);
    - Fils C : 1/2 en indivision.

    De ce fait, à la suite du décès de Madame B, sachant que, selon l'énoncé de la question de l'Honorable Membre, sa succession est dévolue conformément à la loi (pas de testament), la part du _ de Madame B dans l'exploitation sera attribuée en usufruit à Monsieur A et en nue-propriété au Fils C.

    De plus, comme Madame B est décédée le 13 juin 2006, la législation applicable est clairement l'article 60bis du Code des droits de succession, après modification par les décrets du 3 février 2005 et du 15 décembre 2005.

    2. L'article 60bis, § 1er, 1°, du Code des droits de succession ouvre explicitement le droit au taux réduit de 0 % en cas de transmission d'une entreprise exploitée par une personne physique, pour tout droit réel sur des biens composant une universalité de biens, une branche d'activité ou un fonds de commerce au moyen desquels le de cujus (Madame B, en l'occurrence), seule ou avec d'autres personnes, exerçait, au jour du décès, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale ou une charge ou office.

    Au vu de ce texte légal, en supposant que toutes les autres conditions d'application de l'article 60bis du Code des droits de succession ont remplies, je ne vois donc pas ce qui permettrait d'exclure l'octroi de ce taux réduit au vu du simple fait que Madame B exploitait l'entreprise avec son mari et son fils. D'ailleurs, vous remarquerez que, lors du décret du 15 décembre 2005, applicable en l'espèce, on a pris de soin d'ajouter dans cette dernière disposition les mots « seul ou avec d'autres personnes ».

    3. Il faut souligner que le point 21 de la circulaire n° 18/2006 (AAF 15/2006 - Dos. E.E./L. 150) du 13 septembre 2006 (circulaire téléchargeable sur le site internet www.fiscalite.wallonie.be), applicable en l'espèce, énonce en réalité ce qui suit :

    « 21. Sur base du texte du décret wallon du 15 décembre 2005, la donation portant sur une fraction des biens servant à l'entreprise (ex : donner _ de son entreprise) peut bénéficier du tarif réduit.
    Il n'est par contre pas question d'admettre le taux réduit lorsqu'il s'agit de la donation d'un droit réel (même en pleine propriété) sur CERTAINS biens de l'universalité ou de la branche d'activité. Pour avoir accès au taux réduit, il doit donc alors s'agir d'une donation d'une quotité indivise sur l'ensemble de l'universalité ou de la branche d'activité, sur l'ensemble des biens qui compose cette universalité/branche d'activité. »
    Ainsi, vous remarquerez que l'hypothèse exclue du bénéfice du taux réduit vise le cas où, par testament, l'exploitant lègue certains biens de son exploitation à un héritier et lègue d'autres biens à une autre personne (à moins que le legs ne vise en réalité une branche d'activité) ; ainsi, si l'exploitant lègue l'immeuble de la ferme à un de ses fils et les terres agricoles à un autre fils, il n'y a plus de legs de l'universalité de biens composant l'entreprise mais deux legs de biens qui, étant isolés, ne forment plus une entreprise dans le chef de chacun des héritiers.

    Ainsi, tant en droits de donation qu'en droits de succession, le taux réduit est ouvert dès lors qu'il s'agit d'une donation ou d'un héritage d'un droit indivis portant sur une quotité de tous les biens de l'entreprise.

    Or, dans le cas que vous soulevez, il ne s'agit nullement d'un legs portant sur certains biens de l'entreprise, mais il s'agit d'un héritage portant sur un droit indivis sur l'entièreté des biens de la succession de Madame B et, partant, sur l'entièreté des biens composant l'entreprise.

    Le bénéfice du taux réduit est donc ouvert dans le cas d'espèce, sans qu'il faille pour autant passer par une interprétation assez complexe visant à identifier autant d'universalités de biens composées de biens indivis qu'il y aurait d'exploitant.

    4. Enfin, je tiens à souligner que la Cellule fiscale de la Région wallonne reste bien entendu à la disposition de l'Honorable membre, si ce cas concret devait encore donner lieu à d'autres difficultés d'application ou d'interprétation.