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La décision du Gouvernement fédéral de réduire le financement des titres-services.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2006
  • N° : 21 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 23/11/2006
    • de de LAMOTTE Michel
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Emploi et du Commerce extérieur

    Il a beaucoup été question du titre service, ces dernières semaines, et le sujet est au centre de nombreuses manifestations d'inquiétude, voire de mécontentement.

    Le Gouvernement fédéral a donc décidé de réduire sa contribution dans le financement du titre service. Pour rappel, l'utilisateur achète chacun de ces titres au prix de 6,70 euros, pour une heure de prestation (le plus souvent d'une femme de ménage). Le système implique forcément un financement public, puisqu'il s'agit de régulariser, dans la plupart des cas, des situations de travail au noir et d'offrir à ces femmes de ménage un contrat de travail et une couverture sociale en bonne et due forme.
    Le Fédéral a annoncé son intention de réduire de 21 à 20 euros sa contribution dans chaque titre service. Soit dit en passant, les Collègues fédéraux de Monsieur le Ministre sont distraits (je n'oserai dire « portés sur l'intox »), puisqu'ils incluent souvent dans cette contribution la part payée par l'utilisateur. En réalité la contribution publique se limite à 14,30 euros et subirait donc un coup de rabot d'un euro.

    La mesure se fonde, de manière avouée, sur des nécessités purement budgétaires. Le Gouvernement fédéral table sur une réduction de dépenses d'une quarantaine de millions d'euros, une goutte d'eau pour remettre à flot le budget fédéral après le cafouillage que l'on a connu du côté de l'administration des Finances !

    Au début de la législature, le Gouvernement fédéral avait décidé de reprendre la main et de relancer lui-même, sous une forme mieux adaptée, le dispositif du titre service, après une période expérimentale peu concluante. Il table d'ailleurs sur cette mesure pour contribuer à l'objectif ambitieux de 200.000 nouveaux emplois créés dans le courant de la législature 2003-2007. Le titre service aurait ainsi permis la création ou la régularisation de 30.000 emplois, ce qui n'est pas rien.

    Ce n'est pas pour autant que les Régions, et notamment notre Région wallonne, n'ont pas voix au chapitre, je suppose que Monsieur le Ministre en conviendra. Il leur revient déjà d'agréer les entreprises qui entendent s'inscrire dans le système du titre service.

    Au fil des mois, ce dispositif s'est intégré aux politiques régionales de réinsertion et de remise à l'emploi de publics faiblement qualifiés. Depuis des années, notre pays se distingue par un taux d'emploi beaucoup trop faible et très éloigné de l'objectif de 70 % de la population active fixé au Sommet de Lisbonne. Cette guerre contre le chômage et le sous-emploi appelle une mobilisation générale et une concertation permanente de tous les niveaux de pouvoir, en particulier des Ministres chargés des politiques de l'emploi aux échelons fédérés et fédéral.

    Je demande donc à Monsieur le Ministre s'il avait été consulté quant à ce rabotage du titre-service (et je pose d'ailleurs une question de même nature à sa collègue Marie Arena au sujet du congé éducation, dont le Fédéral a décidé de réduire l'enveloppe pour les mêmes raisons d'économie budgétaire).

    L'homologue bruxellois de Monsieur le Ministre, Benoît Cerexhe, a, pour sa part, déjà exprimé un très vif mécontentement. Il souligne les efforts et les moyens déployés par le Gouvernement de Bruxelles-Capitale pour promouvoir le titre service, et qui ont permis de passer de 400 unités à peine en 2004 à 130.000 unités vendues au bilan arrêté en août 2006. A ses yeux, la décision du Gouvernement fédéral porte ombrage aux politiques de réinsertion des publics fragilisés développées à Bruxelles.

    Il est vrai qu'au cours des derniers mois, des voix se sont élevées, surtout dans le monde politique flamand, pour s'inquiéter de l'emballement des dépenses liées au titre-service, un dispositif en quelque sorte victime de son succès. Le Ministre fédéral de l'Emploi, Peter Vanvelthoven, s'était demandé tout haut si le financement public, à sa hauteur actuelle, ne constituait pas un effet d'aubaine pour une série d'entreprises recourant à de la main-d'œuvre « titres-services ». Bon nombre des entreprises concernées se disent, au contraire, un peu « serrées » et menacées en cas de réduction de la contribution publique.

    Dernièrement, les employeurs et les organisations syndicales se sont mobilisés pour manifester sous les fenêtres du Cabinet de M. Vanvelthoven. Le mécontentement s'est accru depuis qu'il est question de revoir la déductibilité fiscale accordée aux utilisateurs et d'accroître leur quote-part dans le coût du titre-service.

    Quelle est, à ce sujet, l'analyse de Monsieur le Ministre ? Ne pense-t-il pas que ces mesures risquent de compromettre le succès et l'efficacité de ce dispositif ? Dispose-t-il de chiffres permettant d'évaluer la capacité du secteur à amortir cette perte de financement ?

    Monsieur le Ministre trouvera peut-être aussi l'occasion de nous livrer un petit bilan du succès rencontré par le titre service à l'échelle wallonne, en nombre d'utilisateurs, de titres négociés, d'entreprises agréées et de personnes remises au travail.
  • Réponse du 11/12/2006
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Au cours du mois de septembre 2006 (les chiffres pour le mois d'octobre ne sont pas encore disponibles), 896.783 titres-services ont été achetés par des ménages wallons, sur un total de 3.384.258 à l'échelle du pays. Soit une proportion de 26,5%. Depuis janvier, la Région wallonne a progressé, en part relative, de plus de 2%, puisqu'à cette date, elle représentait 24,4%.

    Mais l'important, c'est que cette progression se traduise aussi en chiffres absolus. Ainsi, la comparaison de la situation de janvier à celle d'aujourd'hui permet d'enregistrer une progression de 36% en 9 mois seulement !

    Autre donnée significative, entre septembre 2005 et septembre 2006, le nombre d'utilisateurs inscrits a doublé en Wallonie. Aujourd'hui, plus de 100.000 personnes sont inscrites.

    Concernant la décision du Fédéral de réduire son intervention de 1 euro par heure, aucune concertation préalable n'a eu lieu avec les Régions.

    D'une manière générale, Monsieur Vanvelthoven, Ministre Fédéral en charge de l'Emploi, a été interpellé à de nombreuses reprises au sujet de la ratification de l'accord de coopération du 19 juin 2004 relatif à cette matière. Ce texte prévoit en effet trois choses :

    - tout d'abord, il assure la transmission des dossiers des entreprises des Régions vers le Fédéral, afin d'assurer le relais administratif entre les dispositifs régionaux, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2003, et le dispositif fédéral, entré en application au 1er janvier 2004 ;

    - il implique ensuite les organismes régionaux de l'emploi, donc dans notre cas, le Forem, afin qu'ils assurent une information particulière sur cette mesure auprès des demandeurs d'emploi ;

    - enfin, il prévoit que le Fédéral doive consulter les Régions s'il souhaite modifier la liste des activités finançables à travers cette mesure.

    Conformément aux procédures légales, l'élaboration d'un projet de décret portant assentiment à ce texte a été proposé au Gouvernement.

    Ce projet de décret a, en toute logique, été soumis au Conseil d'Etat qui a remis un avis négatif quant au troisième volet de l'accord de coopération, estimant que la mesure « titres-services » relève exclusivement des compétences du Fédéral et qu'en conséquence, l'avis des Régions ne peut être requis dans le pilotage de cette mesure.

    A plusieurs reprises, le Ministre de l'Emploi du Gouvernement fédéral a été interpellé afin que soit instaurée une concertation entre les différents niveaux de pouvoir qui permette de prendre en considération les politiques d'emploi développées par les Régions quand celles-ci peuvent être concernées par la mesure titres-services, et ce, en respectant l'avis du Conseil d'Etat. A ce jour, aucune réponse n'est parvenue à la Région wallonne.

    Concrètement, aujourd'hui, quelle est la situation ? Des entreprises sont-elles menacées de fermeture ? Des emplois sont-ils menacés ? Actuellement, non. On le sait, à partir d'un certain moment, que d'aucun fixait après trois ou quatre années d'activités, les 21 euros n'allaient plus suffire pour les employeurs ayant développé des politiques d'emplois durables. Amener le niveau de remboursement à 20 euros raccourcit toutefois encore l'échéance.

    Cette nouvelle décision va fragiliser les employeurs ayant du personnel accumulant déjà une certaine ancienneté, cela va sans doute amener une certaine « frilosité » dans les entreprises, ce qui n'est évidemment jamais positif. A court terme, il n'y a cependant pas de danger sur l'emploi.

    Il faut relever par ailleurs qu'une enveloppe de 7 millions d'euros est proposée par le Gouvernement fédéral pour intervenir dans les frais de formation des employeurs, cette somme étant susceptible d'amortir indirectement la diminution de l'intervention publique.

    Donc, la décision du Gouvernement fédéral de réduire son intervention de 1 euro semble, dans l'immédiat, irrévocable.

    Les Régions doivent être attentives aux modalités qui seront déterminées par le Fédéral pour répartir la somme des 7 millions d'euros. La situation socio-économique des entreprises actives en Région wallonne peut privilégier le niveau de qualification des travailleurs et la durabilité des contrats comme critères déterminants dans la distribution de cette somme.

    Dès que le nouveau Gouvernement fédéral sera en place, courant 2007, il y aura lieu de demander à ce que ce dossier soit remis sur la table, afin que des solutions pérennes soient trouvées