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La notion d’intérêt direct dans les conflits d’intérêts

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 159 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 07/12/2022
    • de DESQUESNES François
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    L'article L1122-19 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation stipule qu'il « est interdit à tout membre du conseil et du collège d'être présent à la délibération sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d'affaires, avant ou après son élection, ou auxquels ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement ont un intérêt personnel ou direct. »

    Monsieur le Ministre peut-il expliciter la notion « d'intérêt direct » ?

    La disposition vise-t-elle uniquement un possible gain financier ou matériel dans le chef de l'élu ou de son parent ? Est-elle plus large ? Jusqu'à quelles limites ?

    Peut-il par exemple me préciser si un conseiller communal ou membre du collège qui, à titre totalement bénévole, préside un club sportif, est administrateur d'une ASBL ou encore membre d'une association de fait, peut participer à une délibération prenant une décision à l'égard de l'association dont il est membre ?

    La même personne, conseiller communal ou membre du collège, responsable bénévole dans une association, peut-elle participer à une décision dont son association pourrait, à l'avenir, être le bénéficiaire ? Par exemple lors de l'adoption un règlement communal prévoyant des primes annuelles aux associations locales ?

    Par ailleurs, si les conditions du conflit d'intérêts sont réunies, Monsieur le Ministre confirme-t-il que la personne doit quitter sa place avant même la présentation du point ? Le mandataire peut-il toutefois rester présent dans la salle du conseil communal en s'asseyant dans le public ?

    En réponse à une question écrite du 18/10/2010 du Député Michel Lebrun sur la notion de conflit d'intérêts, le Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, Paul Furlan, renvoyait à une circulaire du 22 mai 2008 de son prédécesseur. Cette circulaire est-elle toujours valide ? Le cas échéant, où peut-on la consulter ?
  • Réponse du 10/01/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    L’article L1122-19 du CDLD édicte des interdictions de siéger, à savoir de prendre part aux discussions et au vote, dans les situations énumérées où la présence du conseiller pourrait avoir une influence sur les autres conseillers, alors que ses intérêts sont en jeu.

    Dans les cas visés par cette disposition, le conseiller ne peut prendre part aux discussions et aux votes relatifs aux objets où il a un intérêt personnel direct, soit lui-même, soit ses proches. Pour rappel, ces interdictions sont de stricte interprétation. Mais, il faut regarder au cas par cas et avoir égard à chaque situation particulière.

    L’intérêt visé n’est donc pas quelconque, mais un intérêt dont les caractéristiques sont notamment d’être « direct et personnel ». Il doit donc s’agir d’un intérêt qui résulte directement et immédiatement de la décision prise et qui affecte exclusivement le patrimoine du conseiller ou de ses proches. Cette notion s’oppose à l’intérêt collectif qui résulte de la qualité d’habitant de la commune ou de l’appartenance à une catégorie d’habitants de la commune.

    Ainsi, ne peut siéger, pour cause d’intérêt direct et personnel, le conseiller lorsque la commune prend en location un local qui lui appartient, l’échevin, voisin immédiat d’un demandeur de permis de bâtir et qui est hostile au projet, lorsque le collège délibère sur le permis de bâtir ; le mandataire qui exploite une carrière lorsque la commune délibère sur les conditions d’exploitation; le conseiller, lorsqu’il est délibéré sur la suppression d’un chemin vicinal qui traverse sa propriété ; le conseiller titulaire d’un droit d’affouage sur des terrains communaux lorsqu’on en modifie le mode de jouissance.

    Au-delà de l’intérêt patrimonial, le Conseil d’État a aussi jugé que le conseiller qui a déposé une plainte contre un candidat à un emploi ne peut participer à la délibération qui le présente ou le nomme, car il a un intérêt direct à ce que cette personne ne décroche pas l’emploi convoité.

    Il en résulte qu’en l’absence « d’intérêt direct », un conseiller communal ou membre du collège qui, à titre totalement bénévole, préside un club sportif, est administrateur d'une ASBL ou encore membre d'une association de fait, peut donc valablement participer à une délibération prenant une décision à l'égard de l'association dont il est membre.

    Pour la même raison liée à l’absence « d’intérêt direct », la personne, conseiller communal ou membre du collège, responsable bénévole dans une association, peut participer à une décision dont son association pourrait, à l'avenir, être le bénéficiaire (par exemple lors de l'adoption d’un règlement communal prévoyant des primes annuelles aux associations locales).

    Je confirme que, lorsque les conditions du conflit d'intérêts sont réunies, la personne doit quitter sa place avant même la présentation du point. Outre le fait que le conseiller ne peut se trouver physiquement à la table du conseil communal, je recommande que le conseiller en situation de conflit d'intérêts quitte physiquement la salle du conseil communal, mais il n’y a aucune obligation en la matière.

    La circulaire dont l’honorable membre fait état est toujours valable, mais je l’informe qu’elle concerne plus spécifiquement les conflits d’intérêts dans les marchés publics passés par les pouvoirs locaux wallons. Or, la législation relative aux marchés publics a évolué depuis l’adoption de cette circulaire.

    In fine, au-delà des règles du CDLD, la prudence s’impose dans le chef d’un mandataire communal en ce qui concerne sa participation à des décisions auxquelles il aurait un intérêt. Il convient en effet de ne pas perdre de vue l’article 245 du Code pénal en cette matière qui traite de la prise d’intérêt.