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La pénurie annoncée de lithium

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 389 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/12/2022
    • de BELLOT François
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    En juin, j’interrogeais Monsieur le Ministre concernant l'obstacle du prix du lithium au développement de la mobilité électrique. Sa réponse du 31 août dépeignait une situation idéalisée.

    Lors de l'événement annuel de Toyota Motor Europe, le CEO du Toyota Research Institute, Gill Pratt, a expliqué qu'il n'y aura pas assez de lithium à court terme pour les batteries de voitures électriques.

    Il a ainsi souligné que selon l'AIE, si toutes les politiques dans le monde deviennent réalité, il y aura un manque de mines par un facteur de 2. Et il faut s'attendre à ce que les prix restent élevés.

    Toyota suggère de calculer « combien de voitures à haut carbone on peut remplacer en fonction de l'approvisionnement limité ». Je constate que ce n'est bien sûr pas la direction prise par des politiques du « tout électrique » comme réponse au changement climatique. Tant Toyota que Honda semblent se diriger vers la production de modèles hydrogène.

    Je m'interroge quant à la faisabilité d'une flotte de véhicules faisant la part exclusive à l'électrique alors même que la pénurie d'un des composants des véhicules électriques paraît programmée.

    La Wallonie au travers de son Plan de relance investit dans l'amélioration des réseaux, le placement de bornes électriques et la production d'énergie renouvelable.

    Monsieur le Ministre a-t-il réalisé une étude et une analyse de la mobilité future en fonction des approvisionnements indispensables en terres rares et métaux semi-précieux sans quoi l'électrification sera ralentie quand les investissements qu’il a retenus seront réalisés ?

    Le lithium allant se faire trop rare, comment travaille-t-il sur cette absolue antinomie existante entre le plan d'électrification de la flotte wallonne qu’il établit et la réalité bien différente des faits confirmée par les professionnels du secteur ?

    N'est-il pas problématique de développer un plan qui ne pourra pas être concrétisé en l'état ?

    Enfin, quelle stratégie d'inclusion des véhicules à hydrogène réserve-t-il ?
  • Réponse du 19/01/2023
    • de HENRY Philippe
    Je remercie l’honorable membre d’autant plus qu’il met le doigt sur un problème majeur que l’on élude souvent au niveau européen. Le focus a souvent été mis sur le lithium et ses formidables capacités électrochimiques.

    Trop souvent même serais-je tenté de dire. La fée lithium est vue comme solution pour tout : les voitures électriques, le stockage domestique, le stockage pour les applications mobiles, le stockage de masse pour équilibrer le réseau. Cela sans compter que le lithium reste nécessaire dans certains processus industriels, la production de verre, la production de céramiques, l’industrie pharmaceutique.

    Je crains que le potentiel lié au lithium ne devienne rapidement un cauchemar pour la transition. Pas parce que l’usage du lithium soit une erreur, c’est indéniablement un élément essentiel à la transition. Mais c’est bien la course effrénée au lithium qui l’est sans doute. Il arrivera un jour où la demande excèdera l’offre. Et là, inutile de lui faire un dessin.

    Je vais dissocier sa question en deux axes. D’abord, a-t-on fait des prospectives sur l’avenir du parc ? Oui, mais sur base des prévisions liées aux obligations européennes. Obligations qui misent tout sur les véhicules à batterie. On doit donc plutôt tracer une courbe réaliste en tenant compte de l’obligation de 2035.

    Au-delà, y aurait-il eu des alternatives ? Je pense que l’hydrogène est une piste qui revient à la mode même si elle pose d’autres problèmes, mais plutôt logistiques. Pour faire simple : les stations.

    Par contre, là où je suis plus critique, c’est sur le fait que l’on fait trop confiance à une architecture de batterie peu adaptée.

    Elles sont grosses, relativement lentes à charger et présentent certains défauts sur la durée.

    En outre, on semble vouloir faire de l’autonomie une clé de la réussite de la transition. Alors que la technologie actuelle est nettement plus adaptée pour des petits véhicules avec une faible autonomie.

    C’est donc un exemple d’effet « lock in » par excellence qui se produit.

    Alors qu’il aurait probablement été essentiel de continuer le développement technologique sur d’autres architectures et d’autres modes de gestion des batteries. On peut penser, sans être exhaustif, aux batteries au sodium, aux batteries ZEBRA, aux batteries de type « solid state », à la charge par induction, à l’échange de batteries, aux batteries au zinc, …

    Je suis donc surpris par ce que l’honorable membre dit en me voyant développer une stratégie antinomique avec les signaux du secteur. Si j’écoutais ces signaux, je devrais encore mettre un accent plus important sur cette électrification à marche forcée.

    Je l’ai déjà signalé à cette tribune et je reste persuadé qu’il faut avoir un développement réaliste, loin des effets d’annonce de la Flandre et de certains pays voisins. Et ce, même au risque d’être la victime de critiques parfois acerbes de certain de ses collègues.

    Je suis certain que les investissements qui seront faits seront nécessaires, mais suffisants pour tenir une trajectoire réaliste. La clé étant de réactualiser la réflexion de manière permanente plutôt que de se projeter dans un futur totalement incertain. Trop d’études se sont cassé les dents sur le volet prospectif.

    Et dans cette réflexion, il sera essentiel de ne pas se coincer unilatéralement dans une seule technologie. Je vais même oser parler du biométhane ou de l’hydrogène. Mais ce n’est pas à moi, Ministre de l’Énergie wallon à assurer le risque, mais bien aux constructeurs d’oser la diversification.