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La participation du public aux enquêtes publiques

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 287 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 16/01/2023
    • de GALANT Jacqueline
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'aménagement du territoire identifie l'enquête publique comme le processus qui permet à la population de s'exprimer à l'égard d'un projet qui pourrait attenter à la propriété d'autrui ou au bien commun.

    Malheureusement, sur le terrain, l'organisation de l'enquête publique relève souvent de la formalité administrative.

    Un simple affichage et des publications dans la presse papier sont réalisés pour inviter la population aux réunions citoyennes. Généralement, cela n'est pas suffisant.

    Faut-il mettre en place de nouvelles mesures concernant la publicité des enquêtes publiques ?

    Monsieur le Ministre a-t-il chargé son administration d'améliorer cela ? Le cas échéant, quelles lignes directrices lui a-t-il données ?

    Quelles améliorations procédurales ambitionne-t-il d'instaurer ? Une réforme est-elle en cours en la matière ?

    Comment implique-t-il les citoyennes et citoyens au cœur de la politique d'aménagement du territoire ?
  • Réponse du 01/02/2023
    • de BORSUS Willy
    L’enquête publique constitue un des éléments garantissant la participation du public dans le processus décisionnel. Depuis les dernières décennies, ce droit de la participation a fait l’objet de l’attention des législateurs tant internes qu’internationaux.

    Comme l’énonce la doctrine, « D’un point de vue strictement juridique, la participation du public constitue un régime d’exception en droit administratif : imposant une prise en compte plus grande, par l’autorité, des intérêts individuels des particuliers, elle implique par ailleurs une réduction du caractère traditionnellement unilatéral des actes administratifs. » (M. DELNOY, La participation du public en droit de l’urbanisme et de l’environnement, Larcier, 2007, p.9). Néanmoins, la décision finale revient à l’autorité légalement habilitée à la prendre : cette autorité prendra en considération les résultats issus de la participation du public, mais c’est bien elle qui doit décider, en tenant compte des différents intérêts en jeu, dans le respect de l’article 1er du CoDT, qui porte que « l’objectif du Code du Développement territorial (...) est d’assurer un développement durable et attractif du territoire. Ce développement rencontre ou anticipe de façon équilibrée les besoins sociaux, économiques, démographiques, énergétiques, patrimoniaux, environnementaux et de mobilité de la collectivité, en tenant compte, sans discrimination, des dynamiques et des spécificités territoriales, ainsi que de la cohésion sociale. (...) La Région, les communes et les autres autorités publiques, chacune, dans le cadre de ses compétences et en coordination avec la Région, sont acteurs, gestionnaires et garantes de ce développement ».

    Ce même article prévoit également que : « Les habitants et les acteurs publics et privés contribuent au développement durable et attractif du territoire, par leur participation à l’élaboration de ces outils, par le développement de projets et par les avis qu’ils émettent ».

    D’une manière indirecte, mais réelle, le CESE Wallonie, assemblée consultative régionale qui rassemble en un seul lieu les représentants des organisations patronales, syndicales et environnementales, et plus particulièrement en son sein le Pôle « Aménagement du territoire » représente différents segments de la population qui peuvent y défendre leurs intérêts. Il en va de même, à l’échelon local, des commissions consultatives communales d’aménagement du territoire et de mobilité.

    L’enquête publique et l’annonce de projet constituent deux possibilités pour le public de faire valoir ses observations, commentaires, ou réclamations sur un projet. L’enquête publique et l’annonce de projet ne sont pas de simples formalités administratives, c’est une étape importante du projet, et les opposants ne s’y trompent pas : certains qualifient même l’enquête publique de « mère de toutes les batailles ». Sur ce point, la réalité française diffère de la réalité wallonne. L’accomplissement de ces formalités engendre corrélativement une obligation de prise en compte par les autorités administratives avec pour corolaire une incidence sur la validité de l’acte administratif délivré en fin de procédure. Au demeurant, les critères sociaux ou environnementaux sont bien au cœur de la décision, c’est bien le sens de l’article D.I.1 du CoDT qui assigne à l’aménagement du territoire la fonction d’arbitrage entre tous les intérêts légitimes qui traversent la société.

    Pour les projets dont l’impact environnemental est plus important, la réunion d’information préalable ouvre au public la possibilité de s’exprimer et de proposer des alternatives, ou de mettre en évidence, le cas échéant, les points particuliers qui pourraient être abordés dans le l’étude ou le rapport sur les incidences environnementales. Ce mécanisme s’impose tout en amont des projets puisqu’il intervient avant le dépôt de la demande pour, précisément, nourrir le projet des attentions relevées par le public à l’occasion de cette réunion. Le demandeur doit d’ailleurs se justifier de la manière avec laquelle les observations et propositions d’alternatives suscitées par la réunion ont été intégrées dans son projet.

    En ce qui concerne l’information du public, la réunion d’information préalable, l’enquête publique et l’annonce de projet sont l’occasion de consulter l’avant-projet ou le projet, et, le cas échéant, l’étude ou le rapport d’incidences sur l’environnement, de s’informer, de demander des explications. Pour des outils planologiques d’importance régionale, d’autres formalités supplémentaires sont prévues comme les séances de présentation du schéma de développement du territoire ou encore l’insertion de documents consultables sur le site Internet du SPW TLPE. Certaines décisions sont également publiées pour assurer un très large spectre de diffusion.

    Enfin, les dispositions concernant l’accès à l’information en matière d’environnement permettent également au public de prendre connaissance des documents qu’il souhaite.

    En outre, notre arsenal juridique permet aux autorités qui le désirent d’adopter des formes de participation plus étendues que celles que les textes normatifs prévoient. Le corpus législatif est donc à considérer comme un socle minimum.

    La crise sanitaire a contraint les autorités et les porteurs de projet à tester de nouvelles modalités de participation du public. La possibilité pour le public de participer au processus sans être contraint de se déplacer semble avoir, dans certains cas, facilité et accru la participation. Le projet de CoDT adopté en première lecture prévoit donc d’élargir l’information accessible sur Internet, et de rendre obligatoire la possibilité d’envoyer une réclamation par courrier électronique. De même, l’avant-projet permet que les réunions d’information du public et les séances de présentation du SDT puissent être filmées et diffusées ensuite pour permettre à quiconque le souhaite de visualiser à distance, y compris pendant toute la période pendant laquelle des observations et des suggestions peuvent être formulées, la réunion tel qu’elle se déroule.

    Face au phénomène « NIMBY » et à la question de l’acceptabilité sociale des projets qui est de plus en plus compromise, il faut rappeler que c’est aussi le rôle intrinsèque d’une autorité publique de prendre ses responsabilités même dans un contexte non consensuel et de pouvoir être à même de trancher. Le sens de la législation wallonne est en revanche, dans cette perspective de permettre à cette autorité de le faire en parfaite connaissance de cause, nourrie par les avis ou commentaires issus de la participation citoyenne et éclairée par la consultation des instances spécialisées.