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L’usage du produit de la vente de bâtiments par les fabriques d’église et les communes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 247 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/01/2023
    • de DISPA Benoît
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Le décret impérial du 30 décembre 1809 (article 37 et 92) et la loi du 4 mars 1870, consacrent l'obligation pour les communes de pourvoir aux bâtiments affectés au culte (presbytères, églises et chapelles paroissiales), que ces bâtiments soient propriétés de la commune ou de la fabrique.

    La vente de ces biens immobiliers par les fabriques d'église qui en sont propriétaires est fréquente. Le produit de la vente de ce type de bien doit être réinvesti dans d'autres immeubles ou en titres et ne peut pas être affecté au fonctionnement du culte. Ces avoirs financiers sont donc considérés comme des avoirs indisponibles. Seuls les intérêts, loyers ou fermages qu'ils produiraient peuvent être utilisés dans la cadre de la participation au déficit de l'exercice du culte.

    Ne serait-il pas judicieux de permettre aux fabriques ou communes disposant de ce type de biens immobiliers d'utiliser, par convention avec la commune ou la fabrique concernée, le produit de la vente pour des travaux nécessaires afin d'assurer le maintien ou la réfection des lieux de culte ?
  • Réponse du 06/03/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    La question de l’utilisation du produit de la vente des biens de fabriques d’église pour participer aux travaux de rénovation des édifices du culte afin de soulager les communes n’est pas nouvelle. Elle est d’autant plus pertinente dans une situation de crise économique synonyme de difficultés financières pour les communes.

    En vertu des articles 37 et 92 combinés du décret du 30 décembre 1809, les communes ont l’obligation de suppléer à l’insuffisance des revenus des fabriques d’église pour ce qui regarde les dépenses nécessaires à l’exercice du culte ainsi qu’à l’entretien, la restauration et la reconstruction des églises et des presbytères.

    Selon certains auteurs (Caroline Sagesser, « La Fabrique d’église en Belgique – Perspective historique » In Les Fabriques d’églises en Wallonie – De Napoléon au 21e siècle, Editions Vandenbroele, 2017, p24.), l’intervention communale dans les grosses réparations était à l’origine une intervention subsidiaire « L’obligation relative aux grosses réparations devait se lire en lien avec les articles du décret qui concernaient les réparations : celles-ci étaient de la responsabilité des marguilliers, qui devaient en référer au conseil lorsque la dépense excédait une certaine somme fonction de la taille de la paroisse. Ce n’est qu’en cas d’insuffisance de fonds qu’une délibération du conseil devait avoir lieu à ce propos et être envoyée au préfet. Celui-ci pouvait ordonner que les réparations soient faites aux frais de la commune. L’intention première du décret était ainsi de faire jouer un principe de subsidiarité. »

    Il faut bien constater que l’intervention communale automatique pour les grosses réparations est devenue la norme.

    Pour autant, Il faut garder à l’esprit que dans la très grande majorité des cas, les édifices du culte relèvent de la propriété des communes. Comme tout propriétaire, elles sont donc responsables d’y réaliser et d’y financer les grosses réparations et les fabriques d’église les frais d’entretien.

    Deux circulaires de 1967 et 1983 du ministre de la Justice abordaient déjà cette problématique du réemploi du produit des ventes des biens privés des Fabrique d’église. Ainsi, la circulaire du 12 mai 1967 disait : « Il en résulte que les fabriques d’église ne peuvent donc être obligées à aliéner, à ces fins, tout ou partie de leur patrimoine immobilier ou mobilier, elles ont seulement l’obligation d’y affecter leurs revenus.

    Cependant, il ne peut être perdu de vue que la situation financière de certaines communes est très difficile et que cette situation appelle une décision qui ne peut pas toujours être un refus.

    Aussi, lorsqu’il s’agit de travaux indispensables à effectuer aux églises et aux presbytères situés dans des communes qui ne peuvent que très difficilement se procurer les ressources nécessaires pour supporter les coûts de tels ouvrages, j’estime qu’il y a lieu, en principe, d’accueillir les demandes des fabriques d’église tendant à pouvoir aliéner une partie de leur patrimoine en vue de l’exécution des travaux dont il s’agit.

    Cette façon de procéder n’est en contradiction ni avec l’esprit ni avec la lettre du décret en cause, celui-ci ne comportant d’ailleurs aucune interdiction formelle sur ce point.

    Toutefois, il convient de n’accueillir les demandes de l’espèce que si le patrimoine des fabriques d’église a une certaine importance et après un examen approfondi des possibilités financières des administrations intéressées. En effet, toute diminution du patrimoine des fabriques d’église et, partant, des revenus qui en proviennent est de nature, dans beaucoup de cas, à entraîner, dans l’avenir, une augmentation corrélative des subsides communaux nécessaires pour équilibrer les budgets des fabriques d’église ».

    L’honorable membre constate dès lors que la problématique se posait exactement dans les mêmes termes il y a plus de 50 ans. Ma réponse serait d’ailleurs la même que celle du Ministre de la Justice de l’époque.

    La réalisation (transfert d’un droit réel sur bien) d’un bien privé de la fabrique d’église pour utiliser le produit afin de réaliser des travaux sur un édifice du culte peut aussi avoir un impact négatif sur l’intervention de la commune à l’ordinaire. Facialement, cela réduirait l’intervention communale à l’extraordinaire, mais cela peut augmenter l’intervention communale annuelle à l’ordinaire. En effet, le produit des droits personnels consentis sur les biens immobiliers (loyers, fermages …) sont valorisés dans le budget de la fabrique d’église et viennent ainsi réduire le déficit à couvrir par la commune.

    Il est donc nécessaire de peser le pour et le contre de chaque opération et de leur rentabilité à court, moyen et long terme afin de prendre des décisions qui ne soient pas contreproductives.

    L’opposition au réemploi du produit des ventes n’est pas forcément l’apanage des fabriques d’église, mais peut également émaner des évêchés qui, si leur autorisation n’est pas requise légalement, gardent une grande influence sur le fonctionnement des fabriques d’église et gardent un pouvoir indirect qui est leur pouvoir d’approbation des comptes et budgets des fabriques d’église tel que prévu dans le CDLD.

    Cette question est bien entendu un des éléments en cours de réflexion quant à une future réforme du régime légal du temporel des cultes.