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La prise en charge des consommateurs de drogues après les déclarations de Vincent Van Quickenborne

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 246 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/01/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Depuis l'année dernière, toute personne prise en flagrant délit de consommation de cocaïne se voit infliger une amende allant de 75 à 150 euros, soit 6 000 personnes en 2022. Dans l'émission « De Zevende Dag » sur la VRT le 15 janvier dernier, le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a annoncé sa volonté d'augmenter considérablement les amendes pour la consommation de drogues dures pour les passer à 1000 euros. « Celui qui peut payer 50 euros pour un gramme de cocaïne peut aussi payer les 150 euros », a-t-il déclaré. Le but avoué est de faire tomber le narcotrafic.

    On est en droit de se demander si les consommateurs de cocaïne jouent un rôle dans criminalité organisée à Anvers ou ailleurs. Une amende de 1 000 euros, est-ce dissuasif pour une personne dépendante ?

    Finalement, ces amendes ne sont-elles pas une double peine pour certains individus qui peinent déjà à se défaire de leur addiction et qui, pour certains, sont déjà tombés dans la précarité ?

    Il semble évident qu'il y a un manque de concertation entre la Justice, les maisons de justice, les services de médiation, les professionnels de la santé et les nombreuses associations compétentes. Sortir les plus fragiles de leur profonde assuétude est sans doute le meilleur moyen de faire diminuer de manière globale et substantielle la quantité de drogue qui arrivera dans notre pays. L'addiction nait parfois d'une consommation récréative. L'information et la prévention ont leur place dans le schéma étudié de A à Z.

    Quel regard porte Madame la Ministre sur l'annonce de Vincent Van Quickenborne ?

    Quelles sont les actions menées par la Wallonie en matière d'information et de prévention du public confronté à la consommation de drogues ?

    Quelles sont les actions menées par la Wallonie en matière d'accompagnement des personnes concernées, notamment quand elles se présentent de manière volontaire dans les hôpitaux ou auprès d'associations ?

    Une concertation entre les différents gouvernements du pays et les services compétents a-t-elle eu lieu ou est-elle prévue ?

    Que peut-on en attendre ?
  • Réponse du 07/03/2023
    • de MORREALE Christie
    La lutte contre les narcotrafiquants doit passer par des mesures d’une autre envergure que les amendes au consommateur final. Punir les personnes souffrant d’une dépendance ne va rien solutionner en matière de trafic de drogue. C’est d’ailleurs faire fi de la dépendance elle-même.

    Si la consommation de cocaïne est de plus en plus répandue en Belgique, elle revêt différentes formes selon la classe sociale qui la consomme. Les politiques d’amendes immédiates et élevées ne feront qu’accroitre les inégalités. Les consommateurs de cocaïne des milieux privilégiés qui consomment en lieu sûr n’auront pas de difficultés à échapper aux contrôles ni à payer les amendes.

    En revanche, cette approche touchera fortement les populations les plus fragiles ou les plus désœuvrées comme les personnes sans-abris, sans-papiers ou les jeunes de milieux défavorisés, notamment issus de minorités ethniques. Le mode de consommation par injection est plus présent chez les personnes plus précarisées. Ce mode de consommation est plus sujet à une interpellation policière surtout lorsqu’il est effectué en rue. Une politique répressive de rue qui se durcirait en matière de toxicomanie ferait en effet porter une double peine aux personnes dépendantes.

    J’ajouterai que la dépendance est une maladie qu’il faut pouvoir soigner et accompagner par des professionnels de santé. Le volet punitif n’a que très peu d’effets dissuasifs chez le consommateur. Et s’il y en a, ils sont à court terme.

    La lutte contre le narcotrafic doit se jouer à un niveau international et fédéral en favorisant les échanges d’informations entre les états et les polices. La désignation d’un commissaire national drogue va dans ce sens.

    Au niveau de la concertation entre les différents niveaux de pouvoirs, un accord de coopération pour une politique drogues globale et intégrée (2002) définit les principes d’une collaboration entre les différents ministères concernés. Cet accord de coopération fonde la Cellule générale de politique drogues (CGPD) et la Réunion thématique Drogues de la Conférence interministérielle Santé publique. La CGPD a été officiellement lancée en 2008. De nombreuses décisions sont prises de façons collégiales grâce à cette organisation.

    L’étude EVADRUG menée par BELSPO a permis de mettre en évidence une série de recommandations relatives à la gestion des politiques drogues en Belgique. Un groupe thématique de la CGPD se penche actuellement sur la mise en œuvre des recommandations de cette étude. Les principes de concertation entre les différentes entités seront dès lors renforcés. La place du nouveau commissaire national drogue dans cette organisation doit encore être définie.

    Concernant les actions menées en Wallonie, comme l’honorable membre le sait, depuis quelques années la Wallonie a développé une salle de consommation à Liège. Celle-ci a été renforcée budgétairement dès l’année 2022 pour porter le financement à 1 million d’euros.

    L’objectif de cette salle est de limiter la marginalisation des personnes souffrant d’addiction. En outre, cette dernière limite les consommations dans l’espace publique en permettant une consommation à l’abri des regards et sous le regard bienveillant d’un personnel qualifié. Aussi, elle permet également la récupération de seringues dans les rues, de mettre en œuvre toutes les politiques de prévention possibles et l’organisation de maraudes. C’est in fine, un processus très sécuritaire.

    À cet égard, nous avons demandé une évaluation de la salle de consommation afin de permettre, si nécessaire, des améliorations dans le processus. Si le débat sur l’utilisation d’une salle de consommation est toujours bien vif en Wallonie de la part de certains, il est à noter que leur utilisation et les évaluations internationalement positives remontent à plus de 30 ans. À titre de comparaison, Barcelone, pour une population de 1,62 million d’habitants, a créé depuis plus de 20 ans, 15 salles de consommation au cœur de la ville ainsi que des services mobiles d’intervention. Ces services sont maintenant très intégrés dans la communauté sans jamais plus créer de remous.

    Notons également qu’il existe en Wallonie des services bas seuil et de première ligne sur l’ensemble du territoire. Ces derniers sont disponibles afin de prendre en charge et d’orienter le consommateur vers des structures de soins et des hôpitaux.

    La concertation autour du patient est la base de la prise en charge de la personne dépendante dans les institutions. Les rencontres entre les différents professionnels qui gravitent autour de la prise en charge de l’usager de drogues et lui-même sont donc monnaie courante.

    La notion de trajectoire de soins et de suivi sans interruption pour la personne toxicomane est le modèle développé en Wallonie.