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La promotion ou l'interdiction de l'agrivoltaïsme en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 659 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 10/02/2023
    • de ANTOINE André
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Pour atteindre les objectifs climatiques européens et garantir son indépendance énergétique, la Belgique doit installer un maximum de panneaux solaires d'ici 2030, sans pour autant sacrifier ses terres agricoles. Ce défi, plusieurs de nos voisins tentent de le relever depuis plus de 10 ans grâce à une innovation technologique, l'agrivoltaïsme, que la Wallonie, manifestement, rechigne à utiliser.

    Or, selon différents experts, 30 % des besoins wallons en électricité pourraient être couverts en convertissant 1 % des terres agricoles de la Wallonie à l'agrivoltaïsme.

    Objectif raisonnable dès lors que l'on mesure la piètre qualité de certaines parcelles agricoles ou de prairies délaissées pour différentes raisons, sans compter les bandes de terrains agricoles enherbées pour répondre aux impositions agroenvironnementales de l'Union européenne.

    En Wallonie, 12 hectares de terres agricoles sont artificialisés chaque année au profit de l'urbanisation, de l'éolien ou encore de zones économiques. Pas étonnant, dès lors, que le moindre projet de parc photovoltaïque entraîne une levée de boucliers. Et si l'agrivoltaïsme (ou agriPV) était la solution ? Testée dans des vignes, des vergers ou des champs en France, en Italie et en Allemagne notamment, cette innovation faire cohabiter, sur un même terrain, un élevage ou des cultures avec des panneaux photovoltaïques, qui se partagent alors le rayonnement solaire. Moins rentable, car moins densément fourni en panneaux qu'une centrale photovoltaïque au sol, un hectare d'agriPV produit quand même 50 à 100 fois plus d'énergie qu'une même surface dédiée aux agrocarburants.

    Pourtant, le moment est idéal pour passer à l'agrivoltaïsme. Au-delà de l'urgence climatique et énergétique, les prix du photovoltaïque sont également au plus bas. Quant aux besoins en électricité, ils ne feront qu'augmenter, y compris dans les exploitations agricoles. « Nous allons assister à une électrification progressive du matériel agricole », confirme Frédéric Lebeau, professeur à l'ULiège. Autres avantages pour l'agriculteur : les panneaux solaires jouent le rôle d'abri pour les cultures ou les animaux en cas d'aléas climatiques (canicule, sécheresse, vent, grêle, et cetera), constituant en outre un complément possible de revenu.

    Si plusieurs projets agriPV ont déjà vu le jour en Flandre, la Wallonie, elle, est presque au point mort en la matière. Une circulaire, entrée en vigueur début 2022, interdit pour l'instant toute installation. Résultat, un seul parc agrivoltaïque – autorisé avant cette circulaire – est actuellement en construction au sud du pays, à Wierde. « Sur une terre de pâturage, donc non cultivable », précise Pierre de Liedekerke, cofondateur d'Ether Energy.

    Ajoutons pour compléter ce bilan photovoltaïque terrestre, les projets de Braine-l'Alleud avec 19 hectares de panneaux photovoltaïques, de Brugelette, Oneux ou encore à Moha.

    Comme toute innovation, l'agrivoltaïsme requiert des arbitrages pour équilibrer son impact sur les différentes parties prenantes. Vaut-il mieux privilégier des panneaux horizontaux ou bifaciaux ? Sur des terres de pâturage ou de culture ? « Il faut se mettre autour de la table pour identifier le système le plus pertinent pour notre climat et notre territoire, insiste Frédérique Lebeau. Il faut pouvoir garantir la liberté de culture et quantifier la limite acceptable pour préserver la fonction agricole ». En France par exemple, l'agriPV ne doit pas entraîner de perte de revenu pour un agriculteur. « Chacun doit y trouver son intérêt. Les agriculteurs belges pourraient par exemple bénéficier d'un point de charge gratuit pour leur matériel et leurs clients, ou même devenir distributeurs d'énergie », conclut le professeur.

    Pour toutes ces raisons et au vu de nos objectifs climatiques d'ici 2030, ne faut-il pas revoir la circulaire de 2022 en la nuançant et en la complétant pour permettre une coexistence harmonieuse entre agriculture et production d'énergies renouvelables ?

    Le Gouvernement wallon compte-t-il adopter un cadre décrétal adapté pour favoriser l'agrivoltaïsme ?
  • Réponse du 16/03/2023
    • de HENRY Philippe
    La problématique de l’agrivoltaïsme est étudiée par mes services, lesquels ont rencontré un large panel d’acteurs intéressés, dans le monde agricole, des énergies renouvelables et des organisations environnementales.

    Cette problématique concerne bien sûr également au premier chef mes collègues Céline Tellier et Willy Borsus, responsables des permis.

    Des réflexions sont en cours en vue d’adapter la circulaire de janvier 2022. Ces réflexions doivent encore faire l’objet de discussions au Gouvernement. Il me semble en effet possible de rendre la circulaire plus favorable au photovoltaïque en zone d’activité économique et dans les friches industrielles, ainsi que dans des zones certes affectées à l’agriculture au plan de secteur, mais qui dans la pratique ne sont plus utilisées ni utilisables pour l’agriculture.

    Par contre, je pense que le développement de réels projets agri-voltaïques en Wallonie, utilisant des terres réellement utiles à l’agriculture, est à considérer avec beaucoup de prudence à ce stade. D’une part, parce que dans un premier temps la priorité doit être mise sur les toitures et sur les zones artificialisées. D’autre part, parce qu’en Wallonie le prix du foncier agricole est galopant et exorbitant. Le foncier agricole est sous forte pression dans notre Région. Il souffre d’un manque historique de régulation et les prix sont chez nous devenus complètement déconnectés du retour sur investissement basé sur les productions agricoles.

    Je pense néanmoins bon que la Wallonie reste inscrite dans des réflexions transrégionales, dans des projets de recherche sur l’agrivoltaïsme, qui est une pratique assez nouvelle. Mais à ce stade, je serais très prudent par rapport à un développement significatif de l’agri-PV dans notre Région.