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Le baromètre de maturité numérique des entreprises wallonnes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 412 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 14/02/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 26 janvier, l'Agence du numérique publiait le baromètre de maturité numérique des entreprises wallonnes dans 3247 entreprises du territoire entre 2020 et 2022, notant une évolution globalement positive sur plusieurs aspects relatifs à l'inclusion du numérique dans les entreprises.

    Les patrons sont désormais 45 % à être convaincus de la plus-value du numérique, contre 35 % en 2020. Les entreprises investissent plus massivement les réseaux sociaux avec 55 % d'entreprises inscrites.

    Mais le rapport pointe que la formation numérique n'est pratiquée que dans 22 % des entreprises, en recul de 10 % par rapport à 2020. La Fondation Roi Baudouin révélait en 2021 que quatre Belges sur 10 sont à risque d'exclusion numérique. Je cite, « 40 % de la population belge a de faibles compétences numériques. Un chiffre qui monte à 75 % chez les personnes avec des faibles revenus et un niveau de diplôme peu élevé. »

    Les entreprises engagent des personnes qui n'ont pas toutes les mêmes facilités d'accès au numérique. Elles ont un rôle à jouer dans la transition numérique auprès des publics plus fragiles. La compétitivité des entreprises est également affectée, avec les entreprises en difficulté pour recruter des profils qualifiés dans le déploiement des technologies.

    Quelle appréciation Monsieur le Ministre fait-il de ce rapport ?

    Quelles mesures a-t-il initiées pour favoriser la formation numérique au sein des entreprises ?

    Connaît-il la part des formations qui sont dispensées sous la forme d'ateliers thématiques au sein des entreprises afin de permettre aux personnes d'appliquer concrètement des notions numériques ?

    Des mesures sont-elles appliquées pour encourager ces dispositifs ?
  • Réponse du 06/03/2023
    • de BORSUS Willy
    À la lecture du baromètre 2022 de maturité numérique des entreprises wallonnes, l’investissement dans la formation continue ressort bien comme un point d’attention important pour poursuivre la digitalisation de notre économie.

    Or il s’agit d’un enjeu majeur pour la croissance en Wallonie puisque l’acquisition de compétences numériques dans le chef des travailleurs est une des clés permettant aux entreprises de maintenir et de développer leurs activités dans un contexte global de digitalisation de l’économie qui impacte, à des degrés divers, l’ensemble des métiers.

    Le préalable à la mise en place d’actions efficaces est de comprendre les causes du manque de formations numériques à destination des travailleurs. Et il y a avant tout des raisons contextuelles qui permettent de comprendre cette situation :
    - il y a d’abord les différentes crises, notamment sanitaires, qui expliquent la baisse de la formation au numérique au cours des deux dernières années. Nos entreprises, frappées de plein fouet, ont dû gérer l’urgence, organiser le télétravail et parer aux évolutions nécessaires de leurs business models, et cetera. La priorité était, et nous pouvons le comprendre, ailleurs ;
    - ensuite, l’honorable membre le sait, 94 % de nos entreprises emploient moins de 5 travailleurs. Or dans des petites structures, il est extrêmement difficile de disposer, en interne, de profils spécialisés en informatique ou en nouvelles technologies. Cela se confirme dans les chiffres puisque seulement 31 % des entreprises wallonnes disposent d’au moins un spécialiste du numérique au sens large (et parfois à temps partiel), si l’on considère également le marketing digital et la gestion des sites web. En envisageant uniquement les profils IT au sens strict (programmeurs, gestionnaires de projet IT, analystes de données, spécialistes en cybersécurité), ce taux tombe en moyenne à 18 %, avec bien sûr de grandes disparités en fonction de la taille de l’entreprise ;

    En d’autres mots, les entreprises, surtout si elles sont de petite taille, internalisent peu les compétences IT (manque de temps et de ressources) et ont davantage le réflexe de la sous-traitance pour les projets de numérisation.

    En parallèle à ces raisons contextuelles, d’autres raisons expliquent le manque de formation numérique en entreprises :

    3. Le baromètre nous indique que 55 % des dirigeants ne sont pas convaincus que le numérique représente une opportunité stratégique et 1/3 de ceux-ci considèrent « qu’aucune transformation numérique n’est nécessaire dans leur activité́ ». Pour les entreprises concernées, la question du développement des compétences numériques en amont n’est donc pas perçue comme une nécessité ;

    4. L’offre de formations numériques doit être rationnalisée et mieux communiquée :
    - en effet, elles sont parfois inadaptées aux petites structures : format trop long, impossibilité de consacrer suffisamment de temps à la formation, nécessité d’avoir plusieurs travailleurs à former en même temps pour être rentable, et cetera ;
    - en outre, les outils et ressources utiles dont ont besoin les TPE et PME diffèrent de ceux nécessaires aux grandes entreprises. Pour une petite structure, le défi est souvent humain avant d’être technologique. Or, les experts dans les matières numériques sont surtout orientés sur la technique ;
    - enfin, les aides existantes sont sous-exploitées, notamment parce que les chèques-formation ne sont pas toujours visibles ni connus des dirigeants ou parce que le coût de la formation doit être avancé avant d’être remboursé en partie, ce qui peut constituer un frein pour certaines entités.

    Sur la base de ces constats et avec l’objectif de lever ces freins, nous développons une stratégie de développement des compétences numériques de base (DigComp) des travailleurs, avec 3 pistes d’actions concrètes et complémentaires :

    4. Sensibiliser les dirigeants afin qu’ils se saisissent du numérique comme opportunité pour développer leur activité, notamment via le développement des compétences de leurs collaborateurs. Des actions spécifiques à destination des entrepreneurs et des décideurs seront portées sur les années 2023 et 2024 ;

    5. Compléter la boîte à outils à disposition pour mettre à disposition de ces décideurs les ressources utiles pour gérer les défis humains qu’implique la digitalisation, avec notamment :
    - une nouvelle expertise « Capital humain » pour compléter les chèques entreprises « maturité numérique » pour permettre d’accompagner l’entreprise dans l’élaboration d’un plan de développement des compétences adapté au projet de transformation numérique en cours ;
    - la mise à disposition d’une version du digital skills scan adaptée aux TPE et PME, pour permettre aux dirigeants et responsables RH d’identifier la meilleure solution pour le maintien de l’emploi des travailleurs : formation, coaching, repositionnement, et cetera ;
    - la centralisation des ressources à disposition : catalogue de formation, aides à la formation et outillage pour aider les entreprises à allier défis humains et numériques.

    6. Co-construire un programme avec et pour les PME/TPE en capitalisant sur le programme pilote « Upskills Wallonia » et en associant en amont de la réflexion quelques dirigeants expérimentés et représentatifs des besoins exprimés et des freins constatés, avec l’objectif d’identifier et de développer des ressources adaptées aux besoins et aux spécificités des plus petites structures wallonnes.

    Enfin, concernant la problématique des femmes dans les métiers du numérique, je partage le constat qu’il y a trop peu de femmes dans les filières d'études scientifiques dites STEAM (Science, Technology, Engineering, Arts and Mathematics). Par conséquent, on déplore également une véritable pénurie de talents féminins dans les secteurs du numérique.

    Ainsi, les femmes ne représentent que 18 % des experts digitaux en Belgique (source Agoria, 2020). Dans le dernier top 100 des professions de Statbel, on trouve seulement 15 % de femmes parmi les ingénieurs, 19 % parmi les informaticiens, et seulement 16 % parmi les managers TIC, et, enfin, à peine 18 % de conceptrices de logiciels.

    Pour aller au-delà des constats posés par les différentes études de l'UNESCO, de l'ONU et des cabinets-conseils, la Wallonie a lancé le projet Gender qui comportait quatre volets :
    - une campagne de sensibilisation Wallonia Wonder Women pour diffuser les rôles-modèles féminins de la tech en Wallonie avec un focus sur les secteurs culturels plus matures numériquement que la moyenne des entreprises tout en ayant une part importante de femmes dans leurs effectifs ;
    - une recherche universitaire en partenariat avec l'ULiège (LENTIC et EGID) faisant l’état de l’art et le benchmark des modes de management propices à l’évolution favorable des carrières féminines au sein d’environnements professionnels technologiques essentiellement masculins ;
    - l'organisation du premier événement « Femmes et numérique » en Wallonie à l'intention de tous les acteurs de développement économique afin de lancer les actions de sensibilisation des dirigeants d'entreprise sur le terrain ;
    - la sensibilisation des dirigeants d'entreprises régionaux sous forme de colloques, séminaires et collaborations avec les fédérations sectorielles (UWE, Agoria, et cetera) et les associations de dirigeants de personnel par rapport aux problèmes de genre et à leurs impacts sur la croissance et la rentabilité des entreprises.

    Ces actions ont connu un beau succès sur le terrain et certaines d’entre elles seront quoi qu’il arrive relancées, notamment au niveau de la sensibilisation des filles et des femmes aux études et métiers du numérique dès l’école primaire. En effet, il est crucial de casser les stéréotypes de genre, de faire évoluer les mentalités et de favoriser l’inclusion des filles et des femmes dans la société numérique afin de promouvoir la complémentarité des genres en entreprise.