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L'état des lieux du "Green Deal"

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 444 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/02/2023
    • de MATHIEUX Françoise
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Mercredi dernier, la Commission européenne présentait son plan de compétitivité des entreprises. Son but, éviter que nos entreprises européennes se délocalisent aux États-Unis pour bénéficier d'une énergie moins chère et surtout des subsides américains prévus dans l'Inflation Reducation Act. En effet, les États-Unis ont prévu des subsides de près de 363 milliards de dollars pour les technologies vertes.

    Le but est donc de prévoir des législations claires que les entreprises peuvent anticiper et de miser sur la formation des employés en matière de technologies vertes.

    La Présidente de la Commission qualifie cette avancée de la plus grosse transformation industrielle de notre temps.

    Ces nouvelles mesures sont positivement accueillies dans le monde de l'industrie. Le nouveau président de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) craignait en effet une désindustrialisation en Europe due aux évolutions et subsides offerts aux États-Unis et dans d'autres pays comme la Chine et le Japon.

    Comment se positionne Monsieur le Ministre par rapport aux déclarations et à la ligne de conduite de la commission ?

    Comment se positionne la Wallonie par rapport aux propositions visant à soutenir les investissements dans les secteurs verts et les incitations à acheter durablement ?

    La Wallonie connait-elle des risques de délocalisation de certaines de ses entreprises dus à ces évolutions ?
  • Réponse du 17/03/2023
    • de BORSUS Willy
    La Commission a publié le 1er février une communication intitulée « A Green Deal Industrial Plan for the Net-Zero Age », qui présentait ses orientations pour répondre aux enjeux de la transformation verte de l’industrie, et en particulier pour apporter une réponse européenne à l’Inflation Reduction Act américain.

    Celles-ci s’articulent en 4 axes :
    - un environnement réglementaire prévisible et simplifié ;
    - une accélération de l’accès aux financements ;
    - l’amélioration des compétences ;
    - un commerce ouvert pour une résilience des chaines d’approvisionnement.

    Les propositions concrètes se focalisent à ce stade essentiellement sur les pistes de court terme, et notamment la transformation du Cadre Temporaire de crise en cadre temporaire de crise et de transition, qui permettrait d’ici à 2025 d’assouplir un certain nombre de règles en matière d’aides d’État.

    La Commission publiera en outre, le 14 mars prochain, un « Net-Zero Industry Act » visant à améliorer les conditions réglementaires pour le développement de la production des clean techs en Europe.

    Le Green Deal Industrial Plan for the Net-Zero Age a fait l’objet de premières discussions au niveau européen lors du Conseil européen des 9 et 10 février, ainsi que lors du Conseil Compétitivité de ce 2 mars, auquel j’ai participé au nom de la Belgique.

    Les pratiques des pays tiers en matière de subsides apparaissent de plus en plus agressives et déloyales. Il apparaît nécessaire d’apporter une réponse européenne coordonnée, ferme et sans naïveté. Les inquiétudes sont réelles pour la compétitivité européenne, mais les impacts potentiels sur nos industries doivent encore être analysés dans le détail. C’est une demande que nous avons adressée à la Commission.

    Les éléments de position défendus par la Wallonie à ce stade peuvent se synthétiser comme suit :

    - Premièrement, la Wallonie a toujours plaidé pour une politique industrielle européenne ambitieuse et s’appuyant sur des outils clairs de mise en œuvre. Assurer le leadership industriel de l’UE, son autonomie stratégique et sa compétitivité à long terme sont des priorités clés. À cet égard, on peut se réjouir que la Commission et le Conseil se saisissent de ce sujet dans un contexte de compétition mondiale croissante.

    - On peut toutefois regretter que la réaction de court terme prenne dans ce dossier le pas sur une vision de plus long terme, nécessaire pour répondre aux enjeux de transition de notre industrie. Cela se traduit par une multiplicité d’initiatives qui risque de nuire à l’efficacité de l’action.

    - La Wallonie est en outre particulièrement attentive à ce que les mesures proposées permettent de préserver à la fois l’intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrence équitables entre États membres et d’assurer un level playing field au plan mondial. Une surenchère de subsides n’est pas souhaitable, et se ferait au bénéfice des États qui disposent des moyens budgétaires les plus conséquents. Si une simplification d’un certain nombre de règles en matière d’aides d’État est souhaitable, les mesures visant à relever un certain nombre de plafonds ou à élargir les possibilités d’aide aux grandes entreprises apparaissent de nature à fragmenter le marché intérieur.

    - Nous plaidons dès lors pour le développement de solutions collaboratives et européennes, permettant de consolider le marché intérieur et les chaines de valeur européennes. L’amélioration des procédures relatives aux projets européens d’intérêt commun (IPCEI) et le développement d’un cadre plus favorable aux PME semblent à cet égard aller dans le bon sens, mais cela reste insuffisant.

    - La question du déploiement des technologies sur les marchés mériterait en outre une attention accrue (ne pas cibler l’action uniquement sur leur développement et leur production). La levée des barrières rencontrées par les PME pour l’adoption des clean techs et de business models durables est essentielle.

    - Le développement de « bacs à sable réglementaires » (regulatory sandboxes) et l’utilisation du levier des marchés publics verts sont des éléments positifs, qui nécessitent toutefois un cadre clair et simple d’utilisation, permettant d’assurer la sûreté juridique des activités. Ceux-ci doivent s’intégrer dans une approche intégrée de soutien à l’innovation.

    - Enfin, nous accordons une attention toute particulière à la place des PME dans l’économie européenne et à leurs besoins spécifiques. La Belgique plaide notamment pour un relèvement du plafond des aides de minimis à 500 000 euros.

    Nous n’avons à ce stade pas d’indications spécifiques sur des risques pour la Wallonie, mais y restons attentifs.

    Le démarchage d’entreprises à l’international à des fins d’investissements étrangers directs est une pratique commune, dans un contexte concurrentiel accru. À l’instar de nombreuses nations, États et Régions, les USA pratiquent ce démarchage depuis de nombreuses années. La prospection d’entreprises européennes par les États-Unis est donc actuellement très probable et peut-être encore davantage active que par le passé au vu des éléments liés à l’Inflation Reduction Act.

    Comme dans tous les pays européens, il est probable que des entreprises wallonnes aient été approchées de manière informelle par des organismes américains. La prospection et la thématique d’expansion à l’international étant de nature très confidentielle, les entreprises restent discrètes à ce sujet. L’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEx) n’a à ce jour pas connaissance de l’identité des sociétés wallonnes ayant été potentiellement approchées par les États-Unis récemment.

    Les entreprises veilleront par ailleurs à conserver ou à augmenter leurs parts de marché européen, d’autant plus si l’Europe met en place son Net-Zero Industry Act, comme annoncé par Mme Ursula von der Leyen à Davos.

    Enfin, dans le cadre de nos aides wallonnes à l’investissement qui interviennent dans des projets d’investissements en Wallonie, l’entreprise est tenue, pendant un délai de cinq ans à partir de la date d’achèvement des investissements, d’utiliser ceux-ci aux fins et conditions prévues, de ne pas les céder et de maintenir ceux-ci dans la destination pour laquelle l’aide a été octroyée. Les investissements en immobilisations incorporelles doivent être exploités dans cette même entreprise pendant au moins cinq ans à compter de l’octroi des incitants. L’activité économique doit être maintenue dans la région considérée pendant la période minimum requise.

    Je voudrais en outre souligner qu’au travers de nos stratégies Circular Wallonia et de spécialisation intelligente, le développement des technologies vertes figure parmi les priorités de la Wallonie, ce qui se traduit par des investissements conséquents soutenus notamment via le PNRR, le PRW, ou les Fonds structurels. Ces moyens permettront de structurer des écosystèmes forts en Wallonie, en mesure de se positionner dans ces dynamiques européennes.