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La lettre adressée à la Commission européenne concernant l'interdiction de nouveaux projets fossiles

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 707 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/02/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Les combustibles fossiles sont la principale cause de l'urgence climatique, responsables de près de 80 % de toutes les émissions de dioxyde de carbone depuis le début de la révolution industrielle.

    Une centaine d'élus européens a demandé à la Commission européenne d'interdire aux groupes énergétiques de l'UE de lancer de nouveaux projets fossiles face au « péril climatique ».

    Concrètement, cette lettre demande à la Présidente de la Commission européenne de proposer d'urgence une législation européenne qui empêcherait toute nouvelle exploitation d'énergies fossiles par des majors européens et qui empêcherait de fait le secteur financier européen de fournir des services financiers à ce type de projet et aux entreprises qui ne renonceraient pas à développer ce type de projet.

    Cette lettre demande aussi, de manière ambitieuse, que la Présidente de la Commission européenne défende publiquement l'idée d'un traité de non-prolifération des énergies fossiles — projet soutenu notamment par le Parlement européen, plusieurs scientifiques, ainsi que l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

    Rappelons ici que l'idée d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles est une idée internationalement reconnue, qui propose que les pouvoirs publics mettent fin à l'exploration de nouvelles réserves et à l'exploitation de nouveaux gisements pour empêcher la prolifération des combustibles fossiles nuisibles, et protéger les travailleuses et les travailleurs ainsi que les collectivités face à la catastrophe climatique.

    Quelle est la réception de cette initiative par les soins de Monsieur le Ministre  ?

    Soutient-il cette initiative ?

    A-t-il pris connaissance à cet égard du rapport de l'ONU sur les écarts entre les besoins et les perspectives en matière de production ?

    Quelle est son analyse ainsi que ses sensibilités face aux idées qui y sont exprimées ?

    Soutient-il en ce sens la Déclaration Lofoten d'août 2017 ?
  • Réponse du 29/03/2023
    • de HENRY Philippe
    Concernant la proposition visant à interdire les nouveaux projets fossiles, il faut rappeler que cette initiative ne fait que répondre aux préoccupations du GIEC qui dans son dernier rapport soulignait que si l’on souhaite limiter la hausse de la température à 1,5°C, il faut réduire l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz respectivement de 95 %, 60 % et 45 % en 2050 comparé à niveau de 2019. Par ailleurs, une partie substantielle de stocks d’énergies fossiles existants devra être laissée sous terre.

    L’Accord de Paris de 2015 avait clairement défini la nécessité que l’ensemble des flux financiers soient compatibles avec l’objectif de réduction. La lutte contre le dérèglement climatique nécessite donc d’éviter l’expansion et le financement de nouveaux projets de combustibles fossiles ainsi que l’activation d’un déclin maîtrisé de la production.

    La Déclaration de Lofoten d’aout 2017 reprend ces éléments. Elle est soutenue par plus de 500 organisations. La déclaration appelle à la fin de l'expansion des combustibles fossiles et à une baisse contrôlée de la production en ligne avec les limites climatiques de l’accord de Paris.

    En conséquence, l’action de la lettre adressée à la Commission européenne est en ligne avec nos obligations climatiques. De ce fait, j’ai bien entendu une certaine sympathie pour cette action. On peut reconnaitre qu'une transition complète loin des combustibles fossiles prendra des décennies, mais aussi que ce changement est une chance plus qu'un fardeau. Nous sommes dans une difficulté profonde avec la crise climatique. Nous devons donc commencer par ne pas creuser ces difficultés plus profondément.

    J’ai également pris connaissance sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de production de gaz et de pétrole signalés dans le Production Gap Report de 2021. Le dossier révèle qu’en dépit d’ambitions de plus en plus fortes pour protéger le climat et d’engagements à zéro émission nette, les gouvernements prévoient de produire en 2030 une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle compatible avec la limitation du réchauffement de la planète à 1,5 °C. En particulier, les plans et les projections de production des gouvernements conduiraient à une augmentation d’environ 240 % du charbon, de 57 % du pétrole et de 71 % du gaz en 2030 par rapport à ce qui serait compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C.

    Il faut noter que dans les conclusions de ce rapport, il est dit que les Gouvernements ont un rôle essentiel à jouer. Cela comprend la mise en œuvre de mesures destinées à assurer l’abandon rapide, organisé et équitable des énergies fossiles. On peut également souligner la nécessité de mettre fin aux subventions et aux autres types d’aides en lien avec les combustibles fossiles et davantage soutenir un développement bas-carbone.

    Ces sujets sont aussi au cœur des discussions des 2 dernières COPs avec de faibles avancées. Les enjeux de la fin des énergies fossiles sont d’une importance capitale pour le futur de notre planète et ils doivent mener à une réflexion globale non seulement sur la fin des énergies fossiles en tant que telles, mais aussi sur la manière dont la transition doit être faite, dans une vision d’équité et justice sociale.

    En conclusion, la déclaration de Lofoten de 2017, le Production Gap Report de 2021, les derniers rapports des groupes de travail du GIEC en 2022 et maintenant les actions européennes nous permettent de plus en plus de constater la nouvelle ampleur que cette problématique prenne. On retrouve bien évidemment cette volonté dans les recommandations et lignes de force du PACE 2030.