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Les drones au service de l'agriculture

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 466 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 06/03/2023
    • de BELLOT François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les drones ont un potentiel pouvant servir à l'agriculture, notamment aux tâches de semage et de pulvérisation.

    Un entrepreneur soutient cette hypothèse. Le drone « DJI Agras T30 » a été créé. Il pèse 25 kilos et peut atteindre les 80 lorsqu'il est chargé. Cet appareil peut semer 200 m2 en quelques secondes. Il peut être automatisé et couvrir jusqu'à 10 hectares par heure grâce à sa vitesse de 25 km/h.

    On constate un obstacle non négligeable à l'avènement de cette technologie dans notre agriculture. Pour faire voler un drone au-dessus des champs, une analyse de risques détaillée à l'administration fédérale, la Direction générale du transport aérien, est requise. La Belgique n'est pour l'instant pas équipée ni pour lire les demandes, ni pour les traiter et les valider.

    Puisque la DGTA ne s'active que trop peu, l'UCLouvain a indiqué sa disponibilité pour tester le recours au drone dans des cultures de ses fermes universitaires.

    L'utilisation d'un drone permet d'agir sur une parcelle occupée sans endommager la culture qui s'y trouve ; l'usage du drone peut identifier les zones où apparaissent les maladies ou dépérissements, pour ensuite ne traiter par pulvérisation curative que les zones impactées.

    Qu'engage Monsieur le Ministre afin de favoriser l'arrivée de ces facilités technologiques pour nos agriculteurs wallons ?

    Initie-t-il des contacts avec tous les acteurs concernés ainsi qu'avec le Fédéral, pour sa compétence ?

    L'utilisation du drone ne devrait pas se limiter aux semis, mais bien aller jusqu'à permettre des pulvérisations de produits phytosanitaires. Cela permettrait d'en limiter l'utilisation et d'en mettre les bonnes doses aux bons endroits. Or, pulvériser depuis les airs n'est pas légal en Belgique.

    Au vu de la plus-value pour les agriculteurs et pour l'environnement que pourrait constituer cette opportunité du recours au drone, que défend-il pour la Wallonie à ce sujet ?
  • Réponse du 17/03/2023
    • de BORSUS Willy
    En Belgique, l’usage des drones est régi par l’arrêté royal du 8 novembre 2020 (publié au Moniteur belge du 18 novembre 2020) portant exécution du règlement d'exécution 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l'exploitation d'aéronefs sans équipage à bord.

    Cet arrêté définit 3 catégories, nommément « ouverte », « spécifique » et « certifiée » en fonction du niveau de risque identifié. Avec un poids maximum au décollage de 78 kg et compte tenu de son usage (pulvérisation), tout un chacun est en mesure d’appréhender qu’un drone comme le « DJI Agras T30 » représente un niveau de risque très élevé nécessitant une analyse de risque détaillée préalable. Celle-ci est évaluée par l’administration fédérale (Direction générale du transport aérien). La compétence étant fédérale, il n’appartient donc pas à un ministre régional de se positionner sur ces questions sur les modalités et la vitesse de traitement de ces demandes.

    L’usage des drones en agriculture n’en reste pas moins en pleine expansion. On voit ainsi apparaître régulièrement de nouveaux acteurs, produits et services. L’intérêt de ces applications est souvent bien réel. Les drones permettent par exemple de suivre le développement des cultures, d’identifier des problèmes de levée, de croissance, d’adventices, de maladies, de dégâts de gibier et ainsi d’appréhender efficacement la variabilité intra-parcellaire (détection des zones de stress (a)biotiques). Cette information permet ensuite une modulation de doses / une pulvérisation différenciée au sol. Le niveau de modulation possible reste quant à lui fonction du niveau d’équipement (par exemple, la disponibilité d’un système de positionnement RTK au niveau du tracteur d’épandage ou non). Les drones sont aussi pertinents dans un contexte de recherche, d’expérimentations en petites parcelles et pour la sélection variétale (phénotypage).

    Si l’usage des drones pour certains usages spécifiques ne souffre également plus de discussion (cf. le suivi des inondations en 2021), l’intérêt économique reste cependant quant à lui encore à démontrer pour la plupart de ceux-ci et dans le cadre de l’agriculture en Wallonie. C’est notamment le cas pour la pulvérisation qui peut probablement se justifier dans des conditions de reliefs escarpés où l’emploi d’autres moyens (comme les tracteurs) est plus complexe, voire impossible, mais se justifie probablement moins dans le contexte de l’agriculture wallonne. À ces questions de rentabilité économique s’ajoutent également d’autres limites et interrogations (autonomie des drones, contraintes liées aux géozones, dérive et niveau de protection liés à une pulvérisation à une hauteur plus élevée).

    L’usage des drones et la pertinence de cet usage doivent donc être évalués au cas par cas en tenant compte également de la complémentarité d’autres outils comme l’imagerie satellitaire. En effet, compte tenu de la plus grande proximité avec la cible, la résolution spatiale (taille de pixels) des drones (de l’ordre de quelques centimètres) est plus grande comparativement aux satellites (présentant le plus souvent des tailles de pixel supérieures au mètre) et autorise plus de précision. Cette résolution spatiale avantageuse est contrebalancée par une surface d’acquisition significativement plus réduite. Là où un vol de drone peut fournir des images de l’ordre de quelques centaines d’hectares, on se situe bien souvent de l’ordre de plusieurs centaines de km² pour les images satellitaires dont la qualité (en termes de résolution spatiale, temporelle et spectrale) ne cesse de s’améliorer également. Une seule image issue du satellite Sentinel-2 permet par exemple de couvrir l’ensemble de la Wallonie.

    Afin de favoriser l'arrivée de ces facilités technologiques pour nos agriculteurs wallons, de nombreuses initiatives sont mises en œuvre au CRA- W et de façon plus large en Wallonie pour promouvoir l’utilisation des drones et de façon plus large l’agriculture numérique / le « smart farming ».

    Citons à titre d’exemple, le projet « Duratechfarm » de la fiche 142 du Plan de Relance de la Wallonie (PRW) mené au CRA-W par l’unité Productions végétales. Ce projet vise à surmonter les appréhensions des agriculteurs face aux nouvelles technologies et à établir des références techniques et économiques en intégrant le « smart farming » (en ce compris des solutions basées sur les drones) au sein d’une exploitation conventionnelle et Bio.

    Ce projet a également pour mission d’être une vitrine globale du « smart farming » en Wallonie. Il vise également à réaliser un bilan de la situation actuelle du « smart farming » en abordant les freins à son déploiement et les opportunités créées afin que le secteur puisse avoir une vue d’ensemble et puisse établir des stratégies particulières en fonction des exploitations.

    Les drones sont également fréquemment utilisés, de manière plus segmentée, dans le cadre de différents projets de recherche du CRA-W. Ils servent notamment à caractériser la variabilité intra-parcellaire et la modulation des intrants en conséquence, mais également à faire le lien entre des observations au sol et des images satellitaires. Les résultats de ces projets de recherches en agriculture numérique sont fréquemment restitués vers les agriculteurs wallons au travers de la participation à des foires agricoles (p. e. Foire de Libramont, Foire de Battice).

    D’autres initiatives existent comme WalDigiFarm, association créée en 2019 avec le soutien de Digital Wallonia. WalDigiFarm est une initiative d’acteurs du secteur agricole et du secteur numérique en Wallonie avec pour ambition de lever les freins à l’usage du numérique dans le monde de l’agriculture en général, et dans celui des productions végétales en particulier. Le CRA-W est partenaire de cette association et contribue fréquemment à ses activités.

    La problématique est souvent évoquée dans divers groupes de travail, citons le GTCOWAL (Groupe de travail commun d'observations de la terre des services publics wallons) et le GTEO (Groupe de Travail mixte – services publics, sociétés privées, universités et centres de recherche- en Observation de la Terre) auxquels le CRA-W contribue également. Le GTEO organise à titre d’exemple en partenariat avec ID2MOVE le 18 avril 2023 un « showcase des recherches et solutions en imagerie drone » (https://www.issep.be/gteo/).

    Le CRA-W répond fréquemment également aux sollicitations de la presse quant à l’utilisation des drones en agriculture (voir par exemple le dossier drone publié dans le journal « Le Soir » du 27 juin 2022).

    Quant à la question savoir si des contacts ont été initiés avec tous les acteurs concernés ainsi qu'avec le Fédéral. La réponse est indéniablement positive au niveau wallon compte tenu des initiatives précitées (DuratechFarm, Waldigifarm, GTEO, GTCOWAL, et cetera).

    Au niveau du Fédéral, des initiatives se développent également. Citons par exemple le « Belgian Civil Drone Council », une plateforme de consultation nationale du secteur des drones qui réunit toutes les parties prenantes des secteurs public et privé.

    En ce qui concerne ce que nous défendons pour la Wallonie par rapport à l’usage des drones, comme précédemment mentionné, le recours à ceux-ci doit être évalué au cas par cas et être apprécié avec la rigueur scientifique et technique d’institutions comme le CRA-W. Les projets comme ceux de la fiche 142 du plan de relance de la Wallonie et la pérennisation dans le temps de ceux-ci permettront d’affirmer ou d’infirmer (ainsi que de quantifier) cette plus-value pour les agriculteurs et l’environnement.

    À titre d’exemple, reprenons la proposition « l'usage du drone peut identifier les zones où apparaissent les maladies ou dépérissements, pour ensuite ne traiter par pulvérisation curative que les zones impactées ». Le CRA-W, travaille sur ce sujet avec la détection spot spraying et la pulvérisation ultra localisée (4 cm). Il est difficile d’être plus précis même avec un drone et, surtout, les capacités de batteries et de cuves sont beaucoup trop limitées. De plus, avec un drone, un traitement de l’image est nécessaire, ce qui prend du temps et qui rend les traitements moins efficaces.

    En ce qui concerne les semis, l’utilisation du drone nous parait problématique : qu’en est-il de l’enfoncement des graines dans le sol, des quantités de semences énormes à embarquer, du roulement des graines sur le sol, et cetera.

    Une évaluation continue intégrant les dimensions agronomique, économique, environnementale, technologique, est nécessaire pour faire progresser l’utilisation du drone en agriculture. Certaines utilisations du drone sont prometteuses : en viticulture sur pentes escarpées, en détection des maladies, et cetera, mais chaque utilisation potentielle demande une évaluation rigoureuse.

    Un autre élément important est que l’on ne transige pas avec la sécurité aérienne. On peut aisément imaginer les dégâts que pourrait engendrer la perte de contrôle d’engins comme le « DJI agras T30 » de par son poids, mais également de par la dangerosité des produits transportés. Le passage par une analyse de risques (SORA) se justifie par conséquent.