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La stratégie du Gouvernement wallon de valorisation d'une filière de la meunerie wallonne

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 470 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 06/03/2023
    • de ANTOINE André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    D'après Nature&Progrès, les moulins wallons ne représentent que 2 % de la meunerie belge et le pain que nous consommons en Belgique contient globalement moins de 8 % de céréales cultivés en Wallonie !

    Face à ces constats, une coopérative a vu le jour en 2018 sur le plateau de Herve : Histoire d'un Grain. Elle a pour objet principal la production et la transformation de céréales panifiables sur le territoire régional. Ils sont actuellement 350 citoyens lambda, boulangers et agriculteurs à leur emboiter le pas, réunissant sous une même bannière les différents maillons de la chaîne du pain.

    Autre avantage à cette collaboration : celui du prix de la matière première, qui reste relativement constant puisque ces grains ne s'échangent pas sur les marchés et ne sont donc pas sujets à la spéculation.

    Malheureusement, depuis ses débuts en 2018, le rendement n'est pas suffisant pour que l'activité soit pérenne. « Nous devons passer un palier pour atteindre un seuil de rentabilité : de 15 à 40 tonnes annuelles », précise Renaud Keutgen, cofondateur de la coopérative. Cet objectif devrait, selon les prévisions, être atteint endéans les trois ans, après un nouvel appel à coopérateurs lancé en début d'année et l'achat de deux moulins supplémentaires.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de notre filière céréales – meunerie – boulangerie ?

    Comment explique-t-il le niveau dérisoire de productions de farines wallonnes alors que nous sommes malgré tout une région céréalière ?

    Comment compte-t-il développer une authentique filière régionale ?

    Compte-t-il soutenir des projets industriels et, par conséquent, les différentes coopératives qui souhaitent revenir à des produits purement locaux ?

    Ne serait-il pas nécessaire d'élaborer un appel à projets pour favoriser l'émergence d'un véritable circuit court entre le blé, le moulin et le pain ?
  • Réponse du 27/03/2023
    • de BORSUS Willy
    En Wallonie (données 2021), la culture des céréales représente 185 576 ha soit 60 % des terres céréalières du pays et 25 % de la surface agricole utilisée (SAU) en Région wallonne. La production céréalière composée principalement de froment d’hiver (6 7% des terres céréalières) d’épeautre et d’escourgeon constitue une part importance de l’agriculture wallonne. Seulement 9 % de la production céréalière est destinée à l’alimentation humaine. Or des débouchés existent dans des secteurs variés tels que la meunerie, la boulangerie, et autres produits à base de céréales, ainsi que la production brassicole. L’ensemble de ces secteurs importe des quantités importantes de céréales, notamment de France et d’Allemagne.

    La Région wallonne comptabilise 5 moulins industriels spécialisés dans l’alimentation humaine dont trois d’entre eux sont certifiés bio.

    Contrairement à la meunerie industrielle, le secteur du circuit court en meunerie est en plein essor en Wallonie. Lors de sa dernière enquête du secteur en 2021, le Collège des Producteurs a estimé qu’il y avait plus d’une quarantaine de micro-meuneries « meules sur pierre » dans notre Région. Leur capacité de production reste cependant relativement faible et varie entre 50 et 250 tonnes/an. Selon les estimations, la filière artisanale wallonne représenterait un peu plus de 3 000 tonnes de farine, soit une augmentation de 40 % en 5 ans. La filière certifiée bio représenterait à elle seule plus de 1 600 tonnes soit 50 % de la production wallonne artisanale.

    Cette situation peut s’expliquer en partie par 5 facteurs :
    - (a) les normes internationales dictant la qualité et le prix des céréales ;
    - (b) l’exigence plus importante de la production de céréales alimentaires, les variétés de blé panifiable ont un rendement inférieur de 30 à 40 % à leurs homologues fourragers ;
    - (c) le prix des céréales alimentaires pas assez rémunérateur par rapport aux autres débouchés que pour susciter l’engagement des agriculteurs ;
    - (d) le risque de déclassement plus important dans notre pays (risque climatique un an sur 4 en moyenne) ;
    - (e) la structuration de la filière (nombreux petits dépôts de négoce, peu de stockage en ferme, etc.) et un choix variétal important (plus de 80 variétés différentes de blé) rendent la réalisation de lots homogènes (exigés par l’industrie) plus difficile en Belgique.

    En outre, les crises auxquelles doit faire face le secteur agricole belge (fluctuation des marchés internationaux, disponibilité en eau, dépendances aux intrants, et cetera) poussent le secteur à approfondir les questions entourant la durabilité de nos systèmes agricoles afin de développer des filières qui répondent mieux aux aspirations sociétales. L’engouement actuel pour ce type de filière est une bonne opportunité d’orientation du secteur.

    Le Gouvernement wallon soutient activement le développement de la filière céréalière pour l’alimentation humaine par des actions concrètes prévues au Plan de relance de la Wallonie et plus particulièrement :
    - le projet de recherche ValcerWal, coordonné par le CRAW qui vise à permettre une meilleure valorisation des céréales (froment, épeautre, blé dur et orge brassicole) wallonnes, en faisant davantage correspondre les attentes de l’industrie et des transformateurs en circuit court. La définition de critères de qualité adaptés au circuit court et au bio fait partie intégrante de ce projet ;
    - les appels à projets pour la relocalisation de l’alimentation durable lancés en 2022 ciblaient notamment la filière céréalière et doivent permettre le déploiement d’infrastructures de stockage et de transformation des céréales wallonnes à des fins alimentaires ;
    - ces infrastructures viendront compléter les Halls Relais Agricoles spécifiques pour cette filière comme le centre de stockage de céréales « Cultivaé » à Perwez – fonctionnel depuis 2021, le hall de stockage du Moulin de Ferrières en cours de construction et d’autres projet toujours en cours d’élaboration comme justement le projet « Histoire d’un grain » que l’honorable membre cite et qui a été sélectionné en 2019.

    Le Collège des producteurs réalise également des concertations entre acteurs de la filière (agriculteurs, négociants, meuniers, boulanger, et cetera) afin de développer des filières locales qui garantissent également des prix justes, rémunérateurs pour l’agriculteur. Il y a actuellement 5 filières labélisées Prix Juste Producteurs.

    En parallèle, le CEPICOP et Biowallonie accompagnent de nombreux agriculteurs bio et conventionnels dans leurs technicités pour répondre aux exigences de ce nouveau marché et Diversiferm accompagne une dizaine de nouveaux projets en micromeunerie, malterie ou distillerie chaque année.

    Parallèlement au développement d’une filière de production locale, la demande doit être stimulée par une communication appropriée. De ce point de vue, l’APAQ-W fait évoluer ses messages de promotion en faveur des intrants locaux qui peuvent alimenter le secteur de la boulangerie. Nous savons évidemment que la farine locale reste pour le moins minoritaire chez les artisans. Et l’Agence met évidemment en valeur leur savoir-faire. Mais au-delà de la promotion du savoir-faire d’un secteur qui continue de souffrir de la crise de l’énergie, des démarches sont en cours pour mieux valoriser les boulangeries ou autres acteurs qui utilisent les farines locales (identification et valorisation des artisans qui se distinguent par le recours aux intrants locaux). Le Collège des producteurs a d’ailleurs été associé à l’attribution d’un marché de communication pour l’année 2023. L’offre retenue prévoit bien la valorisation de la production locale. Enfin, un représentant de la production de farine locale est aujourd’hui présent au sein du Conseil d’administration de l’APAQ-W, ce qui facilitera à n’en pas douter l’évolution conjointe de l’offre et de la demande des produits de boulangerie issus de notre terroir.