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Les risques de conflits d'intérêts dans l'octroi des subsides APE dans les ASBL

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 322 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 17/03/2023
    • de DISABATO Manu
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Les aides APE sont accordées à une série d'associations ou d'institutions publiques pour leur permettre d'engager des personnes et soulager leur budget.

    Pour bénéficier de ces aides, un demandeur d'emploi doit "ne pas se trouver ni dans les liens d'un contrat de travail, ni dans une relation statutaire et n'exercer aucune activité d'indépendant à titre principal". Sauf erreur de ma part, la loi ne fixe pas d'incompatibilité entre le destinataire du subside (CA de l'ASBL ) et son principal bénéficiaire (employé).

    Il me revient que le conseil d'administration d'une asbl travaillant dans le secteur socio culturel serait composée, depuis le 5 novembre 2010, quasi exclusivement (3/4) de membres directs de la même famille, et que l'engagement du seul travailleur de cette asbl, payé depuis des années grâce aux aides APE est ... le mari de la présidente du Conseil d'administration. Les prestations de ce travailleur se feraient par ailleurs essentiellement à domicile.

    Madame la Ministre trouve-t-elle normal qu'un tel conseil d'administration, bénéficie annuellement de subsides de plusieurs dizaines de milliers d'euros, fixe le revenu de son permanent, contrôle ses prestations et vote le budget annuel d'une association qui est censée ne poursuivre aucun but lucratif ?

    Est ce qu'un tel cas de figure est possible ou interdit par la législation ?

    Par ailleurs, de manière générale, je souhaiterais savoir quelles sont les règles pour la sélection des postes soutenus par le mécanisme des APE et éviter tout conflit d'intérêt ? Existe-t-il des règles interdisant de telles pratiques ? Comment l'administration vérifie-t-elle la conformité de l'utilisation de ces aides ?

  • Réponse du 26/04/2023
    • de MORREALE Christie
    Afin de répondre de manière complète à la question de l’honorable membre, un rappel de la réglementation s’impose.

    Les employeurs qui bénéficient du dispositif APE sont tenus de respecter une série d’obligations, qui relèvent à proprement parler des politiques d’emploi et de la raison d’être du dispositif, à savoir :
    - maintenir leur volume global de l’emploi de référence ;
    - maintenir le nombre minimum de travailleurs pour lesquels la subvention est octroyée, c’est-à-dire un nombre minimum de « travailleurs APE ».

    Ces obligations font l’objet d’un contrôle annuel et mènent, en cas de non-respect, à une récupération par le FOREm des montants trop perçus. Le coût effectivement supporté par l’employeur pour ses travailleurs APE, qui ne peut être inférieur au montant de la subvention, fait également l’objet d’un contrôle annuel et d’une récupération en cas de trop-perçu.

    À côté de cela, pour bénéficier de la subvention APE, les employeurs doivent respecter une série d’obligations, fixée par l’article 43 du décret. De manière non exhaustive, les employeurs sont tenus :
    - d'occuper les travailleurs pour lesquels la subvention est octroyée dans les liens d'un contrat de travail conforme à la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, conclu à temps plein ou à temps partiel au moins égal à un mi-temps;
    - d'octroyer aux travailleurs pour lesquels la subvention est octroyée une rémunération au moins égale à celle octroyée pour des travailleurs qui exercent la même fonction ou une fonction analogue, ou correspondant à la rémunération fixée par les autorités compétentes ou les conventions collectives d’application ;
    - de respecter les dispositions de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs et de l'article 144bis de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988 ;
    - de respecter leurs obligations légales et réglementaires en matière d'emploi et de sécurité sociale et en matière de comptabilité ;
    - de disposer des autorisations, du matériel et des locaux nécessaires au bon déroulement de leurs activités subventionnées ;
    - d’affecter les travailleurs pour lesquels la subvention est octroyée aux activités d’intérêt général pour lesquelles la ou les décisions de subventions avaient été octroyées dans le cadre de l’ancien dispositif APE, ou à l’avenir pour les activités répondant aux besoins sociétaux prioritaires identifiés dans des appels à projets.

    En cas de non-respect de ces obligations, le Gouvernement est habilité à :
    - suspendre tout ou partie de la subvention pendant un délai permettant à l'employeur de se conformer aux obligations non rencontrées ;
    - demander le remboursement de tout ou partie de la subvention, proportionnellement aux infractions constatées ;
    - retirer la décision d'octroi de la subvention ;
    - retirer la décision d'octroi de la subvention et demander le remboursement de tout ou partie de l'aide.

    En cas d’infraction, la Commission Interministérielle (CIM), composée de représentants du Ministre-Président et de chaque Ministre du Gouvernement wallon, d'un représentant du Ministre-Président du Gouvernement de la Communauté française et d'un représentant du FOREm, analyse le dossier complet, et remet un avis préalable à toute sanction qui sera le cas échéant exécutée par le FOREm.

    Il convient enfin de rappeler que, pour entrer dans le champ d’application du décret APE, les employeurs du secteur non-marchand doivent réaliser des activités qui répondent aux conditions cumulatives suivantes :
    - ont une utilité publique ;
    - n’ont aucun but lucratif ;
    - satisfont des besoins sociétaux qui, autrement, n’auraient pas été rencontrés ou ne l’auraient été que partiellement.

    Ces principes réglementaires s’appliquent dans le cas de figure que l’honorable membre évoque, et s’il suspecte certains abus, il peut en informer directement mes services.

    Il faut d’abord noter que la subvention APE n’est, évidemment, pas octroyée à un conseil d’administration en vue de leur permettre de maximiser leurs bénéfices. Elle l’est à un employeur, afin de couvrir partiellement le coût des rémunérations d’un ou de plusieurs travailleurs, pour pérenniser les emplois créés grâce au dispositif APE et permettre la réalisation d’activités d’intérêt général.

    Dès lors que l’emploi est maintenu, que l’activité d’intérêt générale est réalisée et que l’employeur respecte les autres obligations réglementaires fixées par le décret, il n’y a rien d’anormal. Si ce n’était pas le cas, que la subvention APE était utilisée à des fins de réalisation de profit ou que d’autres abus étaient constatés, que ce soit par le FOREm ou l’Inspection, le dossier devrait être soumis à la CIM et une sanction pouvant aller jusqu’au retrait de la subvention avec demande de remboursement pourrait être décidée. À titre d’information, des sanctions ont par le passé été décidées, entre autres raisons, du fait que les activités d’une ASBL poursuivaient manifestement un but lucratif.

    Enfin, quant à sa demande relative aux règles en vigueur pour la sélection des postes soutenus par le mécanisme APE, il convient de rappeler qu’il n’y a, actuellement, pas d’octroi de nouveaux postes APE, à moins que cela n’ait été prévu par un autre décret ou une autre réglementation – je pense par exemple aux plans cigogne.

    De nouvelles subventions pourront à l’avenir être octroyées, visant la création d’emplois en réponse à des besoins sociétaux prioritaires identifiés. Celles-ci le seront sur la base de montants récupérés en cas de non-respect des dispositions réglementaires, aux termes d’une procédure d’appels à projets organisés par le FOREM. Pour être admissibles aux appels à projets, les employeurs devront répondre aux mêmes conditions et respecter les mêmes obligations que les employeurs qui bénéficient aujourd’hui du dispositif APE, rappelés ci-avant. Ces éléments seront vérifiés lors de l’instruction de chaque dossier.