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L'octroi de dérogations visant la régulation des corvidés

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 417 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 17/03/2023
    • de GOFFINET Anne-Catherine
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Lors de la dernière commission environnement, j'interrogeais Madame la Ministre sur les dérogations octroyées dans un but de régulation des corvidés. Je me permets de revenir vers elle pour les questions restées sans réponse.

    La Ligue royale belge de protection des oiseaux (LRBPO) souligne que les autorisations étaient précédemment accordées aux agriculteurs pour la protection de leurs cultures. Maintenant, il faut aussi compter sur les demandes de chasseurs pour protéger, je les cite, «leur» petit gibier pourtant res nullius.

    Cela lui semble-t-il raisonnable ?

    La loi sur la conservation de la nature (LCN) sur laquelle se basent les dérogations n'autorise d'y déroger que dans le cas de dégâts importants. Sommes-nous donc ici clairement dans ce cas pour le petit gibier ? Des adaptations liées à ces dérogations seront-elles intégrées dans le cadre de la potentielle révision de la LCN ? A ce propos, puis-je connaître l'avancement de ce gros dossier qui me semblait lors de sa dernière réponse, au ralenti ?

    J'aimerais aussi connaître sa position quant aux dires de la LRBPO dénonçant une chasse continue à la corneille vu la focalisation massive des dérogations sur cette espèce et le non-respect de directives européennes de protection de toutes les espèces d'oiseaux durant la migration de printemps, la nidification et la dépendance de leurs jeunes.

    Une étude indépendante sur les causes des dommages occasionnés ne pourrait-elle pas amener plus de clarté ?
  • Réponse du 12/04/2023
    • de TELLIER Céline
    Les dérogations pour réguler la corneille noire ont précédemment été octroyées en vue de protéger les cultures, mais aussi pour préserver la petite faune de plaine. Ce n’est pas un fait nouveau. La Loi sur la conservation de la nature le permet, puisque le motif de la protection d’espèces animales ou végétales sauvages peut être invoqué.

    Selon une synthèse réalisée par mon administration, et qui a fait l’objet de discussion au sein de la Section Nature du Pôle Ruralité, il ressort de différentes études scientifiques que :
    - plusieurs études spécifiques démontrent l’impact des prédateurs, dont la corneille, sur la productivité des espèces proies ;
    - l’incidence des corvidés est moindre que celle des mammifères, mais reste impactant pour certaines espèces menacées ou en mauvais état de conservation ;
    - la régulation des prédateurs a son utilité pour préserver des espèces en mauvais état de conservation. Dans ce contexte en particulier, la régulation de prédateurs est nécessaire en tant que mesure à court terme, le temps que les populations se redéveloppent ;
    - le mauvais état de conservation d’espèces de l’avifaune résulte principalement d’une dégradation de la qualité des habitats. Mais l’amélioration des habitats sans gestion des prédateurs serait insuffisante pour améliorer l’état de conservation d’espèces fragilisées, vu l’abondance de certains prédateurs.

    Selon l’étude bibliographique réalisée par le DEMNA, l’impact de la corneille sur la petite faune des plaines est donc bien avéré.

    Comme je le disais, l’étude montre que le mauvais état de la petite faune des plaines résulte aussi d’une dégradation de la qualité des habitats. Dès lors, il convient d’évaluer l’intérêt de réguler les prédateurs en complémentarité à celui d’améliorer les habitats. J’ai donc insisté auprès de mon administration sur l’importance de maintenir une certaine exigence en termes de qualité de l’habitat, en accompagnant la demande de détails quant aux mesures de gestion et d’aménagement du milieu naturel mises en œuvre en faveur de ces espèces dans la zone pour laquelle la dérogation est sollicitée.

    Ces exigences devraient permettre également de remettre en évidence l’importance de la restauration du réseau écologique et des milieux naturels.

    Comme prévu au sein de la législation, le Pôle « Ruralité » section « Nature », dont plusieurs associations de protection de l’environnement sont membres, devra rendre son avis sur les différentes demandes de dérogation. Je compte également sur cet organe pour examiner les demandes de dérogation de manière critique, notamment concernant la question des mesures de gestion et d’aménagement du milieu naturel mises en œuvre en faveur de la petite faune des plaines.

    Les dérogations visent davantage la corneille noire que d’autres espèces de corvidés étant donné leur impact à la fois sur les cultures et sur la petite faune des plaines. Je tiens également à rappeler que, selon les données sur l’état des populations de corvidés, la corneille noire reste l’espèce la plus répandue et la plus abondante dans nos campagnes, ce qui explique logiquement qu’un plus grand nombre de dérogations concerne cette espèce.

    Comme déjà mentionnés, les dégâts sont provoqués à de multiples cultures (céréales de printemps, maïs, pois, tournesol, MAEC, ensilage, céréales d’hiver …). L’ensemble des périodes sensibles aux dommages pour ces différentes cultures couvrent en effet la période de nidification de l’espèce. Ces dommages sont relayés par de multiples intervenants du monde agricole et ne se limitent pas à la Wallonie, puisque les régions limitrophes rencontrent les mêmes problèmes. Les dommages occasionnés ne sont pas remis en cause. À ce stade, le financement d’études complémentaires n’apparaît donc pas comme indispensable. Une action aux périodes critiques, qui correspondent à la période de nidification de la corneille noire en accord avec l’article 9 de la Directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages, apparait appropriée.

    En tant que Ministre du Bien-être animal, j’ai également insisté sur l’importance de la limitation de la régulation aux endroits où cela est strictement nécessaire. Le contrôle de la mise en œuvre sur le terrain afin de limiter la souffrance de ces oiseaux est également très important. J’ai également rappelé l’importance d’éviter de réaliser les destructions d’oiseaux, quand cela est possible, surtout durant la période de dépendance des jeunes.

    À terme, la réponse à apporter devra être plus systémique, notamment à travers une réflexion sur l’amélioration des habitats. Des études devraient également permettre de diminuer les dégâts aux cultures de maïs imputés aux corvidés. Pour les prochaines années, la révision de la loi sur la conservation de la nature permettra une simplification légale de la procédure. De nombreux autres points sont à discuter dans le cadre de cette révision qui traite de bien d’autres enjeux, ce qui explique qu’elle soit en cours d’élaboration. Ainsi, cette adaptation du cadre légal permettra une délivrance plus rapide des dérogations tout en veillant au respect des conditions qui doivent encadrer leur délivrance. Une réflexion est également en cours, au niveau de l’administration, par rapport aux possibilités de modification de l’arrêté du Gouvernement wallon fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux.