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L'impact de la Politique agricole commune (PAC) sur la viticulture

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 512 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/03/2023
    • de FLORENT Jean-Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Suite à la réforme de la PAC, il me revient du terrain une difficulté spécifique au secteur de la viticulture, que je souhaiterais partager avec Monsieur le Ministre.

    Parmi les mesures reprises dans la politique agricole, la règle BCAE5, qui vise à lutter contre l'érosion des sols, mettrait la viticulture wallonne en difficulté. En effet, le nouveau référentiel GISER utilisé pour calculer la sensibilité à l'érosion fait apparaître qu'une bonne partie des parcelles de vignes sont à sensibilité élevée, très élevée ou extrême.

    Pour les parcelles en sensibilité élevée, si elles sont enherbées, il n'y a pas de souci. Par contre, pour les très élevées, et les sensibilités extrêmes, il faudra soit diminuer la longueur de pente en coupant la parcelle et en implantant un autre couvert (impensable vu les investissements), soit assurer un enherbement et ajouter une bande antiérosive de 9 m ceinturant la parcelle. Ceci vaut pour les nouvelles parcelles.

    Cela pourrait contraindre l'implantation de vignes en Wallonie. Pour les parcelles extrêmes existantes, il est interdit de renouveler la culture sans découpage de la parcelle.

    Monsieur le Ministre a-t-il été sensibilisé à ce problème ?

    Que met-il en place pour soutenir le développement de la filière viticole en Wallonie ?

    Confirme-t-il avoir la possibilité d'octroyer des dérogations si plus de 75 % de la surface de l'exploitation est concernée par ces 3 catégories de sensibilité ?

    Une promotion de techniques culturales permettant un enherbement est-elle prévue ? Ce qui permettait de concilier les contraintes du référentiel GISER et le développement de la filière.
  • Réponse du 13/04/2023
    • de BORSUS Willy
    Le nouveau référentiel utilisé pour calculer la sensibilité à l’érosion a été développé par les universités de l’ULg Gembloux AgroBiotech et UCLouvain avec l’appui d’un bureau d’étude.

    Ces travaux encadrés par mon Administration ont généré le développement d’une carte de gestion permettant de cibler les parcelles considérées comme « sensibles à l'érosion » en condition de pluie intense survenant sur sol nu. Sur ces parcelles, seules celles comprenant des couverts réputés sensibles à l'érosion sont concernées : les cultures de printemps en sensibilité élevée et très élevée, une partie des cultures d'hiver en sensibilité très élevée, certaines cultures permanentes jugées peu couvrantes.

    Concrètement, la culture de la vigne reste autorisée sur parcelle à sensibilité élevée et très élevée moyennant un enherbement minimum entre les lignes.

    Le labour et l’implantation de cultures sont proscrits sur les parcelles présentant une sensibilité extrême à l’érosion.

    Les cultures pluriannuelles en place au 1er janvier 2023 - dont les vignes - bénéficient bien entendu d’une dérogation. Elles devront toutefois être converties en prairies permanentes ou assimilées au plus tard au moment de leur destruction ou de leur dégradation naturelle.

    En fonction du niveau de risque de la parcelle, les contraintes varient, mais dans chaque cas, l’agriculteur a le choix entre plusieurs mesures : découpage de la parcelle, pratiques agricoles, techniques de lutte contre l’érosion, bande antiérosive ceinturant la parcelle. Si elles sont déjà en place, elles seront prises en compte pour valider le respect du cahier des charges de la BCAE 5.

    Cette mesure, héritée du Règlement européen, constitue une contrainte. Je ne suis bien entendu pas resté insensible aux craintes soulevées par le monde agricole face à cette mesure.

    En effet, lors de la réception de la cartographie par les premiers agriculteurs, il est clairement apparu un écart entre la situation de terrain et la modélisation qui en est faite via la cartographie. J’ai donc immédiatement pris les décisions suivantes :
    - rappeler que j’avais déjà négocié deux ans de « mise en œuvre » (sous forme d’avertissement, pas de sanction) ;
    - mais que j’allais plaider devant la Commission pour que 2023 soit considérée comme une année « blanche », et donc considérer 2024 et 2025 comme étant les 2 années de « mise en œuvre » ;
    - la mise en place d’un Groupe de Travail « Erosion », composé des syndicats agricoles (FWA, FJA, FUGEA, BB, UAW et UNAB), de l’Administration (cellule GISER, OPW, DPEAI) et de mon cabinet.

    Néanmoins, il reste possible de maintenir l’activité sur une parcelle en sensibilité extrême à l’érosion à condition de réduire le niveau de sensibilité, c'est-à-dire en réduisant la taille de la parcelle, et en appliquant le cahier des charges correspondant :
    - en sensibilité très élevée : 8 interlignes végétalisées sur 10 complété par une bande anti-érosion de 9 m de large ;
    - en sensibilité élevée : à la même condition ou en présentant 3 interlignes végétalisés sur 10 complétés par une bande anti-érosion de 9 m de large ceinturant la parcelle.

    La possibilité d’octroyer des dérogations tel que prévue dans le plan stratégique PAC a été traduite dans les arrêtés relatifs à la PAC adoptés récemment par le Gouvernement.

    L’implantation de bandes enherbées est soutenue par le programme agroenvironnemental en Wallonie depuis 1996 avec de nombreux mélanges de types « tournières » disponibles sur le marché.

    Ce soutien financier a été élargi dans le cadre de la nouvelle PAC.

    S’il opte pour l’option « Bande anti-érosive », l’agriculteur a le choix entre :
    - une bande annuelle éligible à l’Eco-régime Maillage écologique (675 euros/ha et par an) ;
    - une bande pérenne MAEC « Tournière enherbée » (1 100 euros/ha et par an) ;
    - voire éventuellement une MAEC « Parcelle aménagée » soumise à approbation par un conseiller Natagriwal (1 600 euros/ha et par an).

    Il est par ailleurs utile de rappeler que plusieurs études ont mis en évidence les bénéfices de l’enherbement entre les lignes de vignes au-delà de la réduction du risque de ruissellement et d’érosion et donc de transfert des produits phytopharmaceutiques, avec une diminution de l’usage et une meilleure dégradation de ceux-ci et des effets positifs sur la qualité de la vendange et des vins produits et sur l’état sanitaire de la vigne.

    Le vignoble de Nouvelles dans la Province du Hainaut fait l’objet d’une gestion intégrée dans le cadre d’un projet inédit, et encadré par le professeur Jijakli (ULg Gembloux Agro Biotech), avec une protection biologique intégrée et l’utilisation de substances naturelles et d’agents de lutte biologique, mais aussi une plantation à l’alsacienne, avec des rangs plus espacés, les inter-rangs enherbés et un désherbage mécanique dans la ligne.

    Ces sujets seront traités, avec d’autres, dans un groupe de travail mis sur pied récemment (la première réunion est prévue en avril) pour faire évoluer les cahiers des charges liés aux 4 AOP/IGP vitivinicoles wallonnes. La protection des sols, notamment via l’installation d’un couvert, sera un des critères de durabilité envisagés pour ces 4 cahiers des charges et dans les cahiers des charges à venir.

    Concernant le soutien au développement de la filière, j’alloue depuis 2016, une subvention annuelle à l’Association des Vignerons de Wallonie de 60 000 euros. Le programme d’actions de cette subvention se base principalement sur la promotion des vins wallons avec des actions de communication. Grâce à cette subvention, l’Association peut également valoriser les vins wallons au travers des appellations protégées ou agir au niveau européen via la Confédération européenne des Vignerons Indépendants (CEVI).