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L'encadrement du contact des animaux avec les cours d'eau afin d'éviter de nouvelles formes de pollution

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 429 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/03/2023
    • de ANTOINE André
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Dans le cadre de la directive 2006/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau dont le but principal est d'atteindre un « bon état » de toutes les eaux communautaires en décembre 2015, un budget de 200 000 euros de la Région wallonne a été mis en place en faveur des éleveurs pour l'équipement des pâtures le long des cours d'eau.

    D'ailleurs, l'arrêté royal du 5 août 1970 portant sur la police des cours d'eau imposait déjà que les pâtures soient clôturées en bordure des cours d'eau, afin de les protéger de l'érosion ainsi que d'une pollution organique. Cette obligation fait cependant l'objet de dérogations pendant plus de 50 ans !

    Néanmoins, depuis ce 1er janvier 2023, les berges des cours d'eau de première, deuxième et troisième catégorie jouxtant une prairie doivent toutes être clôturées dans notre région.

    Bien qu'il existe plusieurs systèmes d'abreuvement autorisés pour permettre aux agriculteurs de continuer à utiliser ce cours d'eau, aucun de ces systèmes ne répond parfaitement aux besoins des agriculteurs en raison de leur coût élevé ou de la topographie du terrain à équiper.

    Une solution existe, recommandée par la FWA : l'aménagement d'un accès à l'eau permettant aux animaux de boire directement dans le cours d'eau sans piétiner dans le lit de la rivière, grâce à une descente aménagée et un accès stabilisé sur une longueur de 4 à 5 mètres.

    Madame la Ministre est-elle prête à aménager la réglementation en vigueur ?

    Par ailleurs, quelle est sa stratégie afin d'inciter les éleveurs, faute de moyens financiers, à clôturer leurs pâturages le long des cours d'eau ?

    À quelle amende s'exposent les plus récalcitrants ?

    Y a-t-il une période de sensibilisation ? Si oui, jusqu'à quelle date butoir ?
  • Réponse du 24/05/2023
    • de TELLIER Céline
    L’interdiction d’accès du bétail aux cours d’eau date des années 70. À l’époque, les anciennes communes avaient demandé et obtenu des dérogations à cette obligation représentant de l’ordre de 50 % du linéaire concerné. Aucune dérogation en Hainaut et Brabant wallon, mais un patchwork dans les trois autres provinces.

    Ces dérogations ont peu à peu diminué, d’abord en amont des zones de baignade dès la fin des années 90, puis dans les masses d’eau impactées par le nitrate d’origine agricole et en zones Natura 2000, surtout à partir de la législation de 2013 entrée en vigueur en 2015. L’accès du bétail était donc interdit sur les 3/4 des cours d’eau depuis lors.

    Le décret du 4 octobre 2018 a modifié le code de l’eau pour généraliser cette interdiction, soit couvrir le quart restant. Un des principaux arguments avancés par les juristes était, outre la complexité de la législation, le traitement discriminatoire entre citoyens qui n’était justifié par aucune raison technique.

    Il s’agit d’une mesure de valeur légale, votée par le Parlement en 2018, et non pas d’une réglementation. Le Gouvernement n’est pas habilité à modifier cette obligation décrétale que ce soit en termes d’aménagement ou de dérogation.

    L'interdiction d'accès du bétail aux cours d'eau sur la moitié des cours d'eau classés wallons date de 50 ans, et l'interdiction sur un quart supplémentaire des cours d'eau ainsi que sur les cours d'eau non classés en zone Natura 2000, en amont de zones de baignade et en masses d'eau impactées par les nitrates date, quant à elle, de huit ans.

    L'année 2023 n'est donc pas l'année d'entrée en vigueur d'une nouvelle mesure nécessitant une période de sensibilisation, mais la fin d'une dérogation qui avait été accordée à certaines communes.

    Il ne s'agit donc pas d'une imposition qui n'aurait pas laissé la possibilité aux agriculteurs de s'organiser avant sa mise en application.

    L’état de nos masses d'eau de surface n'est pas satisfaisant, la plupart sont affectées significativement par les pollutions agricoles et nous sommes sous le coup d'une mise en demeure de la Commission européenne qui nous reproche notamment l'insuffisance de mesures agricoles.

    Le principe de base du standstill ne nous permet donc plus aucune marche arrière.

    L'obligation de clôturer les prairies bordant un cours d'eau découle d'une nécessité de préserver la qualité de nos eaux en évitant notamment :
    - la destruction de la couverture végétale des berges, laissant ces dernières en proie à l'érosion ;
    - le piétinement emportant le sol des berges dans le fond du cours d'eau qui reçoit un apport massif de phosphore, principale cause de l'eutrophisation des cours d'eau ;
    - l'apport direct d'azote et de phosphore par les déjections animales ;
    - l'augmentation du risque de transmission d'infections et de parasites aux animaux, de préserver les berges de l'érosion et de préserver plus largement également la biodiversité.

    En traversant de manière continue les cours d'eau, les animaux en dégradent les berges, mettent en suspension des sédiments qui colmatent le fond des cours d'eau et altèrent la qualité biologique des cours d'eau et la possibilité de développement des micro-organismes.

    La directive 2006/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau impose aux États membres l'atteinte du « bon état » de toutes les eaux d'ici 2027. Ce n'est pas encore le cas en ce qui concerne la Wallonie. La législation concernant l'accès du bétail aux cours d'eau est donc très importante pour la qualité de nos cours d'eau et pour la biodiversité qu'ils abritent.

    Des dérogations existent pour les prairies à faible charge en bétail et différentes possibilités d'abreuvement des animaux sont d'ores et déjà prévues via des bacs fonctionnant par gravité, par éolienne ou par panneaux solaires, ou par pompe à museau.

    Il existe effectivement des contraintes à l'abreuvement du bétail. Ces contraintes sont similaires à celles rencontrées il y a longtemps sur les premiers cours d'eau classés et il semble qu'elles aient posé moins de problèmes à l'époque, alors que les solutions techniques proposées étaient moindres et se limitaient bien souvent à l'installation de simples abreuvoirs ne nécessitant pas d'appareillage spécifique.

    Le creusement de mare a également été encouragé, permettant à la fois d'abreuver le bétail et d'offrir un espace propice à davantage de biodiversité, celles-ci ont d'ailleurs été revalorisées dans le cadre de la nouvelle PAC.

    La solution avancée des rampes d'accès, préconisée par la FWA, a fait l'objet d'une visite de terrain avec des agriculteurs. Elle a été soumise à l'administration pour évaluation.

    L’article 42 du code de l’Eau prévoit que « Les terres situées en bordure d'un cours d'eau non navigable à ciel ouvert et servant de pâture sont clôturées au plus tard le 1er janvier 2023 de manière à empêcher toute l'année l'accès du bétail au cours d'eau. Lorsqu'un passage à pied sec est impossible dans ou à proximité immédiate des pâtures situées de part et d'autre du cours d'eau, des barrières peuvent être installées dans les clôtures situées en bordure de ce cours d'eau afin de permettre une traversée à gué. Ces barrières peuvent être ouvertes le temps nécessaire à la traversée du cours d'eau. Le pâturage est organisé de manière à réduire la fréquence et le nombre de traversées. ».

    La « solution » des rampes d’accès proposée par la FWA a été abandonnée dès les modifications de législation de 2013 entrées en vigueur en 2015, modifications qui permettaient néanmoins le maintien de ces structures si elles avaient été réalisées avant. Ces rampes ont été testées et promues par la plupart des contrats de rivières dans les années ‘90 et un peu au début des années 2000. Les conclusions étaient sans appel : elles sont inefficaces. D’une part, tous les effluents et donc le nitrate, le phosphore ou les bactéries fécales se retrouvent in fine dans le cours d’eau. D’autre part, elles deviennent très rapidement des bourbiers et lieux de bousculade pour le bétail néfastes pour la santé du bétail, et ces infrastructures se dégradent très rapidement sous la pression conjuguée du bétail et des cours d’eau, surtout si ces derniers connaissent des crues importantes.

    Si cette option devait être réouverte, elle nécessiterait donc une modification décrétale, mais également des garanties effectives de maintien dans la durée des installations.

    Pour les incitants, il faut savoir que, lors de l’adoption de cette législation lors de la précédente législature, une aide financière avait été envisagée, mais elle n’a pas été mise en œuvre par le Ministre de l’Agriculture de l’époque suite entre autres à l’expérience de l’aide mise en œuvre en 2013, qui avait conduit à des charges administratives très lourdes pour des budgets et un nombre de demandes limités.