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La révision de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 801 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/03/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le Parlement européen vient de réviser la directive relative à l'efficacité énergétique, en rendant obligatoire l'objectif de 11,7 % d'économies d'énergie d'ici 2030, et ce dans le but de contribuer à la réalisation des objectifs climatiques et d'indépendance énergétique de l'Union européenne.

    Cette nouvelle loi demande aussi aux États membres de réduire leur consommation totale d'énergie d'environ 1,5 % par an.

    Comme l'a souligné M. Timmermans, « Il faut maintenant que l'efficacité énergétique devienne un élément encore plus systémique de notre société, et cette directive révisée y contribue ».

    Il est aussi à souligner que cette révision a permis la création d'une définition officielle de la pauvreté énergétique et sur la responsabilisation des consommateurs.

    Compte tenu des récentes décisions sur le Plan Air Climat Energie à l'horizon 2030 (PACE 2030) et des difficultés rencontrés en Région wallonne par rapport aux aides à la rénovation, comment Monsieur le Ministre accueille-t-il cette révision de directive européenne ?

    Quel est son impact à la suite des nouveaux objectifs mis en place ?

    Qu'en est-il du défi que représente la réduction de consommation de 1,5 % par an ?

    La Région wallonne en est-elle capable ?

    N'y a-t-il pas un risque que nos politiques ne puissent pas suivre cette obligation de résultat notamment lorsqu'on regarde la progression vis-à-vis de l'isolation des logements et les primes de rénovation ?

    Monsieur le Ministre pourrait-il nous en dire plus concernant de la position de la Région wallonne concernant la pauvreté énergétique ?
  • Réponse du 08/05/2023
    • de HENRY Philippe
    L’urgence climatique rappelée par le GIEC et la volonté de sortir de notre dépendance énergétique soumise aux instabilités géopolitiques ont remis la sobriété énergétique sur le devant de la scène de l’action climatique. L’accord de ce 9 mars sur la révision en profondeur du cadre législatif efficacité énergétique entre le Parlement et le Conseil européens ne fut cependant pas facile à atteindre, et les textes pour le mettre en œuvre doivent encore être finalisés.

    1. L’ambition globale : réduire de 11.7 % la consommation et principe de primauté des économies d’énergie :

    S’il reste des incertitudes sur les détails, les grandes lignes de l’accord sont cependant connues, avec effectivement un effort global 11.7 % supérieur à ce que les états membres ont annoncé dans leurs plans Énergie Climat de 2019.

    Même si sa mise en œuvre ne sera pas facile, la Wallonie soutient l’ambition européenne en la matière et n’a pas attendu cet accord pour s’engager. Le Plan Air Climat Énergie qui vient de passer en 2e lecture a déjà anticipé le renforcement des contributions wallonnes par rapport au Plan Énergie Climat de 2019, pour atteindre une réduction de 55 % de nos émissions à l’horizon 2030. Il fixe nos principales balises en la matière et mentionne les mesures pour y parvenir.

    La réduction de notre consommation est un levier majeur pour la décarbonation et la sécurité d’approvisionnement énergétique.

    Et c’est le moins coûteux si l’on inclut tous les éléments dans la chaîne d’évaluation, vu qu’il réduit la dépendance et les investissements dans l’infrastructure énergétique. Tous les secteurs wallons contribueront conjointement à cet objectif (bâtiment, transport, industrie).

    L’objectif ambitieux en efficacité énergétique envisagé au sein du PACE est une réduction de la consommation finale énergétique de 29 % par rapport à 2005. Les 11.7 % de l’accord européen lorsqu’ils seront exprimés sous la même référence devraient être d’un ordre de grandeur assez proche.( Le référentiel pour exprimer les objectifs EE a beaucoup changé ces derniers temps. IL n’est donc pas aisé de s’y retrouver. L’accord conclu prévoit un effort complémentaire de 11.7 % par rapport au nouveau référentiel de projections 2020, c’est-à-dire aux 32.5 % du Clean Energy Package de 2019 vs les projections PRIMES 2007 pour la consommation de 2030. Le nouvel objectif serait donc théoriquement à 44.5 % de réduction vs Primes 2007. Comme les 32.5 % du CEP de 2018 correspondaient au niveau EU à 20 % de réduction vs la consommation réelle de 2005, 44.5 % devraient théoriquement correspondre à 27.5 % vs la conso de 2005. À valider bien sûr lorsque les chiffres détaillés des objectifs de la révision seront disponibles.) Les cadres européens et wallons sont donc alignés. Il faut maintenant en faire de même au niveau des détails.

    Pour réduire la consommation d’énergie, la directive introduit le principe d’analyse systématique des coûts-bénéfices avant toute décision d’investissement public ou privé d’une certaine ampleur dans l’infrastructure énergétique. Au-delà d’un certain seuil, le porteur de projet devra désormais démontrer qu’il n’existait pas d’alternative à moindre coût sociétal favorisant plutôt la réduction de la demande avant de justifier l’ajout d’une nouvelle infrastructure de production, fût-elle renouvelable.

    2. L’obligation d’économiser en moyenne 1.5 % chaque année :

    Première mesure de la révision, l’obligation pour les états membres de démontrer annuellement des économies d’énergie supplémentaires chaque année pour en moyenne 1.5 % de la consommation finale. Comme l’honorable membre l’a identifié, ceci correspond en fait à un doublement de ce qui figure actuellement dans le PACE, qui prévoyait pourtant un sérieux renforcement des économies effectivement engrangées ces dernières années.

    Il est dès lors urgent d’agir, mais sur le fond, pas dans le désordre et la précipitation. Les outils sont disponibles et clairement identifiés par secteurs dans le PACE, à nous de les activer correctement, en boostant l’ampleur et la vitesse d’implémentation, afin d’amener rapidement la réduction de consommation au niveau escompté.

    Le défi est de taille et nécessite un changement majeur de nos modes de gouvernance. Étant d’un naturel optimiste, je suis confiant que la Wallonie puisse, si elle le veut, s’en donner les moyens.

    Pour ce faire, je préconise que toutes nos décisions soient désormais évaluées sur base des critères suivants :
    - conformément au principe « EE 1st », toute décision doit être analysée à l’aune de son potentiel d’économie avant tout ;
    - l’action doit s’inscrire dans la durée, via des mesures structurelles cohérentes optimisant le retour sur les moyens disponibles, qu’ils soient publics ou privés ;
    - la sobriété doit être encouragée dans tous les secteurs, et l’efficience devenir la norme ;
    - un accent tout particulier doit être mis sur la collecte de données permettant de mesurer l’impact des mesures prises et de le relativiser avec les moyens impliqués.

    3. Lutter contre la précarité énergétique :

    Comme l’honorable membre le mentionne, la révision du cadre européen induit un autre défi, en exigeant désormais que parmi ces économies d’énergie imposées, priorité soit donnée à la lutte contre la précarité énergétique pour ne laisser aucun citoyen sur le carreau de la transition énergétique.

    La Belgique dispose déjà d’indicateurs en ligne avec les exigences européennes lui permettant de mesurer cette précarité. Le diagnostic est sans appel : un ménage wallon sur trois est exposé. Nous devons mettre en œuvre des mesures structurelles pour leur permettre d’accéder à un logement et à des conditions de vie décentes. Rénover leur logement pour réduire leurs charges énergétiques, mais aussi pour améliorer leur santé et leurs conditions de vie est donc ma priorité.

    Et c’est bien le but poursuivi par le renforcement et la simplification en cours des Primes Habitation et des prêts Eco et Rénopacks, qui sont le premier outil disponible. Le deuxième levier en la matière est la mise à disposition de logements sociaux conformes aux normes énergétiques. La bonne mise en œuvre du Plan de Rénovation des Logements des SLSP via la SWL décidé en juin 2020 est donc cruciale. Et enfin, nous devons renforcer et étendre le troisième pilier en la matière qu’est l’accompagnement individuel que les CPAS apportent via les programmes PAPE et MEBAR aux plus démunis.

    4. Réduction exemplaire de 1.9 % de la consommation des entités publiques et neutralité de leurs bâtiments :

    L’honorable membre a, il me semble, oublié de mentionner les autres grands défis qu’apporte cette révision européenne annoncée, dont le moindre n’est sûrement pas l’exemplarité des pouvoirs publics, qui vont, jusqu’au niveau le plus local, écoles et hôpitaux compris, devoir démontrer chaque année une réduction de leur consommation de 1.9 %, accompagnée de la rénovation au standard zéro émission de 3 % de leurs bâtiments.

    Cette obligation de rénovation est déjà prévue dans la stratégie long terme de rénovation des bâtiments wallons, qui vise la neutralité à l’horizon 2040 pour les pouvoirs publics. Et en effet, pour y arriver, le PACE et le PRW prévoient de nombreuses actions et soutiens structurels pour réduire cette consommation. Citons par exemple UREBA exceptionnel, RENOWATT, POLLEC, la Politique intégrée de la Ville, les Plans triennaux des pouvoirs locaux, le fonds Wallonie Santé de la SOGEPA, les Subsides Infrasport, et divers appels à projets.

    Par ailleurs, au niveau des bâtiments régionaux, une stratégie immobilière a été établie par le Département de la Gestion immobilière du Secrétariat général en vue de réduire ses consommations.

    Il n’existe pas encore, à ce stade, de cadastre centralisé des efforts publics. Cependant, le Groupe opérationnel « Bâtiments publics » de l’Alliance Climat Emploi Rénovation travaille sur l’identification des actions à mettre en place pour massifier les rénovations énergétiques et leur monitoring. Il nous faudra en effet développer avec nos collègues des pouvoirs locaux un outil de gestion globale de l’ensemble de leurs consommations (allant au-delà de leurs bâtiments) pour démontrer le respect de la réduction annuelle de 1.9 %.

    5. Audit, plan d’actions et rapportage obligatoires pour les entreprises :

    Enfin, pour induire la transition bas carbone de notre économie à moindre coût, l’audit et la mise en œuvre de ses recommandations rentables à 3 ans vont devenir obligatoires pour une grande partie des entreprises, ainsi que la communication de leur stratégie et résultats. Les data centers devront également publier leurs indicateurs de performance chaque année.

    Les incitants ne seront plus accessibles que pour les plus petites d’entre elles ou pour des actions à temps de retour bien plus long.

    6. En conclusion :

    Dès qu’elle sera publiée, la transposition des différentes mesures de cette nouvelle directive sera un des éléments clés pour soutenir la mise en œuvre concrète du PACE dans les années à venir. Mais nous savons d’ores et déjà qu’il nous faudra réduire nos besoins énergétiques deux à trois fois plus vite que ce que nous avons fait jusqu’ici.

    Pour faire face à l’arrêt d’approvisionnement de gaz russe, nous venons de démontrer collectivement cet hiver que nous pouvions temporairement réduire notre consommation de gaz de 15 % et notre consommation d’électricité de 10 %. Il nous faut maintenant le faire dans la durée.