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La proposition de réforme du marché de l’électricité présentée par la Commission européenne

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 824 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/03/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Comme l'a mentionné Monsieur le Ministre dans sa réponse à ma question du 31 janvier 2023 au sujet de la réforme du marché de l'électricité, la Commission envisageait pour ce début d'année des changements susceptibles de contribuer à ce que les avantages du déploiement croissant de l'énergie renouvelable bénéficient aux consommateurs qu'ils s'agissent des grands consommateurs industriels, des PME ou des ménages.

    Il précisait aussi que les discussions intrabelges n'avaient pas encore démarré, mais que ses équipes étaient bel et bien prêtes afin de répondre présentes lorsque l'occasion se présenterait.

    Il apparait que l'occasion se présente enfin !

    Le 15 mars 2023, la Commission européenne a publié sa proposition de refonte du marché européen de l'électricité. La proposition de la Commission cible plusieurs mesures pour stabiliser les prix et assurer l'approvisionnement en électricité dans l'Union.

    La Commission européenne se concentre notamment sur la transparence vis-à-vis des consommateurs. Selon la proposition, ceux-ci devront recevoir des informations plus claires sur les marchés, avoir un plus grand choix de fournisseurs (tous devront proposer une option de fixation de prix à long terme afin d'éviter une brusque hausse) et être protégés contre les déconnexions.

    Les États membres devront ainsi établir des fournisseurs en dernier ressort afin qu'aucun consommateur ne se retrouve privé d'électricité.

    Le projet vise à améliorer l'accès des entreprises à des contrats et à des marchés à long terme plus stables, tels que les contrats d'achat d'électricité, les « contrats de différence » et les marchés à terme.

    La commission propose également de revoir les règles relatives au partage des énergies renouvelables. Les consommateurs pourront investir dans des parcs éoliens ou solaires et vendre l'excédent d'électricité solaire produite sur toiture à leurs voisins, et non plus seulement à leur fournisseur.

    Le Parlement européen et le Conseil doivent désormais discuter et adopter cette proposition avant son entrée en vigueur. Plusieurs pays souhaitent que celle-ci ait lieu avant les élections européennes de 2024. La commission pourrait par ailleurs proposer une réforme plus large du marché de l'électricité à l'avenir.
    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de cette proposition de la part de la Commission européenne ? Quel est son accueil de cette proposition ?

    Quelles sont les considérations de ses équipes face aux différentes suggestions notamment vis-à-vis d'une meilleure information sur les marchés, le choix des fournisseurs, et la protection contre les déconnexions ?

    Qu'en est-il vis-à-vis des contrats à long terme ?

    Quid de la position de la Région wallonne à propos de la révision des règles relatives au partage des énergies renouvelables ?

    Y a-t-il dès lors des pistes de réflexion à propos des potentiels investissements citoyens dans les parcs éoliens ?

    Pourrait-il nous en dire plus sur le début des discussions intrabelges au stade actuel des affaires européennes ? Quelles sont les perspectives pour notre Région ?
  • Réponse du 08/05/2023
    • de HENRY Philippe
    Je remercie l’honorable membre pour sa question et pour son suivi attentif des dossiers européens.

    J’ai bien entendu pris connaissance de la proposition de la Commission. Les discussions intrabelges ont démarré rapidement et les premiers messages des différentes entités vont dans le même sens.

    Nous saluons et soutenons globalement la proposition de la Commission et en particulier les objectifs sous-jacents :
    - accélérer les investissements énergétiques qui garantissent la flexibilité, la capacité et la sécurité d'approvisionnement. Cette flexibilité contribuera à l'intégration des énergies renouvelables ;
    - accroître la liquidité sur les marchés à long terme et renforcer les opportunités pour les acteurs du marché de l'énergie de s'engager et de se couvrir à plus long terme (par exemple, les différentes propositions sur le développement de produits et de contrats à long terme, le couplage du marché à terme sur les zones de soumission) ;
    - permettre à tous les consommateurs européens de bénéficier de la baisse des prix de l'électricité ;
    - mettre en place le cadre permettant aux consommateurs d'avoir le choix entre des prix abordables, stables et prévisibles et des prix plus dynamiques permettant une gestion de la demande.

    Cependant, nous analysons actuellement la manière dont tous les anciens et nouveaux instruments (AAE, CfD, marchés à terme, mécanismes de flexibilité, enchères, offre zéro) pourront être gérés et coordonnés pour fonctionner ensemble de manière efficiente ; l'offre et la demande de ces produits se chevauchent et la conception peut différer d'un État membre à l'autre.

    De nombreux points doivent être clarifiés et nous soulignons la nécessité d'assurer la cohérence entre les différents textes nouveaux et existants, notamment en termes de concepts, de vocabulaire, et la poursuite de la mise en œuvre des textes adoptés en 2019. En effet, plusieurs difficultés ont été identifiées, notamment, des contradictions entre des définitions ou des dispositions figurant dans d’autres directives ou encore l’incertitude sur l’articulation des mécanismes de soutien existants (comme les certificats verts) avec les « nouveaux » mécanismes que sont les « Power purchase agreements », les « contract for differences » ou encore les « two way contract for difference ». À ce propos, je tiens à signaler que le nouveau mécanisme de soutien wallon notifié à la Commission européenne, intitulé « mécanisme CPMA » se rapproche très fort du mécanisme recommandé par l’Union européenne, à savoir le « two way contract for difference », même s’il compense les différences de prix au moyen de certificats verts.

    Certains concepts comme les communautés d’énergie, le partage de l'énergie, les contrats à prix dynamiques, les consommateurs actifs ou encore la gestion de la demande viennent d'être mis en œuvre. Or la nouvelle proposition de la Commission modifie différents articles et concepts de cette législation. La directive « market design » a fondamentalement changé le marché de l’énergie. Il faudra sans doute du temps pour que la société intègre pleinement ces changements. Il n’est pas certain que modifier les choses à ce stade précoce soit la meilleure option.

    La proposition introduit aussi des nouveaux articles sur le fournisseur de dernier recours ou la protection contre les déconnexions pour les clients vulnérables alors que ces concepts existent déjà en Belgique et sans doute dans d’autres états membres. Cela devrait être pris en compte et la proposition ne devrait pas trop interférer avec les solutions de mesures existantes qui ont bien fonctionné dans les États membres.

    En ce qui concerne la protection contre les déconnexions, il appartient à l'État membre de préciser comment ce droit renforcé est mis en œuvre (par exemple en activant les services sociaux ou en autorisant une quantité minimale d'électricité). La Commission ne propose pas d'indications sur ce que les États membres doivent faire dans ces situations, mais une garantie supplémentaire serait fournie pour ce type de consommateur.

    Un volet important de la proposition vise les contrats à long terme. La proposition inclut une obligation de veiller à ce que les participants aient accès aux instruments qui réduisent les risques financiers afin d'entrer sur le marché des contrats d'achat d'électricité (PPAs).

    Ceux-ci constituent des instruments de marché utiles pour aider les investisseurs et les producteurs à rendre leurs investissements plus « bancables » et leur donner une perspective de revenus à plus long terme. Le contractant qui achète l'électricité via un PPA peut ainsi bénéficier de prix stables pour l'électricité renouvelable.

    La volonté d’obliger les fournisseurs à proposer des tarifs à prix fixe sur longue durée doit être maniée avec prudence. Le risque existe que les fournisseurs compensent cette contrainte par une augmentation ces tarifs pour se protéger contre le risque financier et le répercuter vers la clientèle.

    Toutefois, si la proposition comporte de nombreux ajustements, le mode de fixation du prix de l’électricité sur l’unité marginale n’est pas remis en question. Même si nous comprenons la nécessité d'agir rapidement et le fait qu'une réforme profonde du marché de l'électricité est irréalisable dans un délai aussi court, nous encourageons la Commission à procéder à une évaluation des systèmes de marché alternatifs pour les marchés (à court terme), dans lesquels les avantages et les inconvénients sont correctement analysés, afin d'éviter que les systèmes alternatifs ne faussent les signaux de prix, compromettant ainsi les avantages obtenus tant qu'à présent et augmentant éventuellement le coût global de la transition énergétique.

    En effet, la tarification marginale est problématique à la fois pendant la transition et une fois la transition terminée. Cela tient à deux raisons principales.

    La première est liée à l'ordre de mérite et aux effets de cannibalisation qui réduisent les bénéfices des producteurs utilisant des énergies renouvelables variables (ERV) à mesure que la transition progresse et évolue vers des prix marginaux proches des coûts d'exploitation et de maintenance des ERV, qui ne représentent qu’une très petite fraction des coûts de ces technologies sur leur durée de vie. Les gains exceptionnels actuellement élevés (en raison des flambées des prix des combustibles fossiles) des producteurs inframarginaux (en particulier les producteurs d'énergie renouvelable) et les recettes potentiellement en baisse à l'avenir pour la production d'énergie renouvelable (en raison de l'ordre de mérite et des effets de cannibalisation) sont les deux faces d'une même réalité.

    Un autre mécanisme, beaucoup moins discuté, est la dynamique sociopolitique déclenchée par la tarification marginale dans un contexte où la différence de coûts marginaux des technologies participantes est importante. Il a pleinement joué dans le cadre de la crise énergétique de l’année passée.

    Il est donc important de tirer des enseignements de l'expérience de la crise des prix de l'électricité en Europe, de comprendre ses moteurs structurels et la manière dont ils peuvent se reproduire pendant la transition, afin d'éviter des obstacles supplémentaires

    Les discussions en sont à leurs débuts, mais je ne doute pas qu’il suivra ce dossier attentivement et que nous aurons l’occasion d’en discuter de vive voix.