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L'enquête nationale du Bonheur 2023

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 342 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/03/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Les résultats de l'Enquête nationale du Bonheur 2023 menée par l'assureur NN et l'UGent ont été publiés le 16 mars. Avant la crise du Covid, les Belges obtenaient une note moyenne de 6,7 sur 10. Depuis, ce score a chuté, jusqu'à atteindre le point le plus bas (6,2) lors de la deuxième vague en décembre 2020. Bonne nouvelle : elle est maintenant en hausse pour la première fois.

    Paradoxalement, chez les jeunes (18 à 34 ans), on observe toujours une diminution des émotions positives. Alors que nous avons presque tous le sentiment que la crise sanitaire est derrière nous, le résultat est étonnant, car, selon cette même enquête, ce sont justement les jeunes qui avaient enregistré la plus forte augmentation du bonheur l'année dernière.

    Quel regard porte Madame la Ministre sur ces nouvelles statistiques ?

    Comment analyse-t-elle la diminution des sentiments positifs chez les jeunes ?

    Quelles actions compte-t-elle mettre en place pour y remédier ?

    Une coordination avec la Fédération Wallonie-Bruxelles est-elle envisageable ?

    Quels sont les moyens humains et financiers disponibles ?

    De manière plus globale, que peut mettre en place la Wallonie pour accompagner les citoyens vers un mieux-être psychosocial et améliorer leur sentiment de bonheur ?

    Quelles infrastructures et structures peuvent remplir ce rôle ?
  • Réponse du 13/04/2023
    • de MORREALE Christie
    À l’échelle de la Belgique, la crise sanitaire liée à la Covid-19 est à la fois venue exacerber les problèmes préexistants, mais a aussi créé une nouvelle forme de détresse psychologique (Rens et al., 2021). En effet, les troubles anxieux et dépressifs étaient particulièrement élevés dans la population en 2020 et 2021 (Sciensano, 2021). Parmi la population générale, certaines catégories ont été plus affectées par ces problèmes, dont les populations précaires (Rea & Racapé, 2021). Une étude belge récente met en lumière la baisse du recours et/ou de l’accès aux soins de santé et aux services sociaux des populations précarisées, ce qui a pu aggraver la situation de santé et sociale d’un certain nombre de personnes (Geurts & Favresse, 2022).

    En Belgique, l’impact de la crise sanitaire liée à la Covid-19 sur la santé mentale a été considérable : augmentation de la prévalence de l’anxiété (19% en 2022 contre 11% en 2018) et de la dépression (16% en 2022 contre 9,5% en 2018) (Sciensano, 2022). En Belgique, les études menées démontrent que certaines populations telles que les adolescents, les jeunes adultes et les femmes, mais également les professionnels de la santé ont été plus particulièrement impactés par la crise (Service universitaire de Promotion de la Santé – RESO, in press).

    Les mesures de confinement, de distanciation sociale et la crainte du virus ont altéré la qualité des contacts sociaux et du soutien social, mais également l’accès aux soins de santé comme en atteste l’Enquête de Santé menée par Sciensano en 2020-2021 (Berete et al., 2020).

    En lien avec ces questions, j’ai lu avec intérêt la première publication de l’étude BELHEALTH, qui est un projet qui a débuté en septembre 2022, dont l’objectif principal est d’examiner l’impact de multiples sources de stress sur la santé et le bien-être de la population adulte de Belgique. Pendant deux ans, Sciensano publiera tous les trois mois un rapport.

    Ce projet permet de suivre un grand groupe de Belges, une cohorte, au fil du temps. Suivre le même groupe de personnes pendant une période donnée est une approche essentielle pour mieux comprendre les facteurs ayant un impact sur la résilience ou qui pourraient avoir un impact négatif sur la santé mentale.

    En octobre 2022, moment où les questionnaires ont été complétés, une partie importante de la population belge souffrait de problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, la dépression et une faible satisfaction de vie. Les préoccupations les plus fréquemment rapportées par la population sont maintenant liées aux prix de l’énergie et à la guerre en Ukraine. En outre, il existe une association entre le niveau d’inquiétude ressenti par rapport aux différentes crises actuelles et l’anxiété généralisée et la dépression.

    Ces chiffres sont bien entendus inquiétants. Ils montrent que des actions doivent encore être entreprises pour améliorer la santé mentale des Belges et, pour ce qui nous concerne, des Wallonnes et des Wallons. L’amélioration de la santé mentale passe par l’amélioration des services d’aide ou d’accompagnement et de soins en santé mentale. Mais cela passe également par un travail autour de ce qu’on appelle les « déterminants » de la santé mentale.

    En effet, améliorer la santé mentale des citoyens nécessite la mise en place de mesures dépassant la sphère de la santé mentale, bien en amont de leur état de santé lorsque celui-ci se détériore, au cours de l’accident de santé ou encore, après celui-ci, pour éviter toute rechute. Il est, en effet, nécessaire de prendre en compte et d’améliorer leur situation sociale et le contexte de vie. Des facteurs tels qu’avoir accès à un emploi, à une formation, du soutien social, des loisirs, disposer d’une sécurité financière sont des facteurs contribuant à protéger et prévenir la survenue de trouble de la santé mentale.

    En termes de soins en santé mentale, je voudrais rappeler ce qui est déjà mis en place et ce qui est en train de se développer pour répondre à la situation.

    Comme déjà mentionné, le projet de décret santé mentale a été adopté en deuxième lecture le 17 mars 2023 en vue de la demande d’avis au Conseil d’Etat, et passera ensuite en troisième lecture au Gouvernement avant d’aboutir devant le Parlement wallon.

    Ce décret vise, entre autres, à faire face à la situation que je viens de décrire. Il modifie le cadre légal de plusieurs opérateurs en santé mentale (services de santé mentale, maisons de soins psychiatriques, initiatives d’habitations protégées, plateformes de concertations en santé mentale …). Il met en place un plan stratégique des soins en santé mentale, en complémentarité du Plan de promotion de la santé : ce plan coconstruit avec les acteurs de terrain vise à adapter la politique de santé mentale aux besoins de la population.

    En effet, il précisera les thématiques, objectifs stratégiques, publics cibles et milieux de vie prioritaires ; les objectifs transversaux à suivre pour l'ensemble de ces points ; la concertation et les collaborations avec les acteurs et les entités publiques dont la contribution est nécessaire à l'atteinte des objectifs, qu'ils relèvent d'une compétence régionale ou d'un autre niveau de pouvoir; les modalités d'évaluation et de suivi, notamment les critères et indicateurs, afin d'évaluer le degré de réalisation du plan et d’envisager son amélioration, de manière continue, dans un processus itératif et qualitatif. Au moins tous les cinq ans, une évaluation du plan est organisée par le comité de pilotage.

    Concernant les acteurs déjà présents en Wallonie, huit réseaux adultes/adultes âgés et enfants/adolescents regroupant différents secteurs (santé mentale, sociale, logement, emploi) s’organisent par territoire pour répondre à l’ensemble des besoins en santé mentale de la population.

    Chaque réseau remplit 5 fonctions, à savoir : détection précoce - screening - orientation, diagnostic, traitement, inclusion dans tous les domaines de la vie et échange et valorisation de l’expertise pour les réseaux enfants et adolescents (validation du guide par la Conférence Interministérielle Santé publique, 2015 (http://www.psy0-18.be/images/Guide_0-18/GUIDE-EA_definitif_20150330.pdf)) ; prévention - promotion - détection précoce – dépistage et diagnostic; équipes ambulatoires de traitement intensif (problèmes psychiques aigus et chroniques); réhabilitation psycho-sociale, unités intensives de traitement résidentiels spécialisés et formules résidentielles spécifiques pour les réseaux adultes (Mistiaen et al., 2019).

    Ces réseaux sont financés par le Fédéral à partir du gel de lits hospitaliers. Ils organisent aussi le déploiement des psychologues de premières ligne et spécialisés conventionnés qui vise à favoriser l’accès des soins de santé mentale à l’ensemble de la population. La Wallonie, au travers de l’AViQ et de mon Cabinet, suit l’ensemble des travaux et soutient ses acteurs intégrés au sein de ces réseaux, dans le cadre de la politique menée par la Conférence interministérielle Santé.

    Il s’agit d’une dynamique collégiale, partagée par toutes les entités et à laquelle participent également le secteur du handicap pour le double diagnostic ou les internés, mais aussi la Fédération Wallonie-Bruxelles, avec l’ONE et l’Aide à la jeunesse. Nos administrations francophones ainsi que le SPF Santé publique ont signé à cet égard un protocole d’accord pour soutenir le travail de réseau des acteurs de terrain, à leur niveau également.

    En Wallonie, le centre de référence en santé mentale a quant à lui pour mission d’offrir un soutien aux acteurs des soins de santé mentale (acteurs de première ligne, institutions et Services de santé mentale), d’assurer le suivi des pratiques et des initiatives, de s’impliquer dans la recherche et dans la diffusion d’information, d’assurer la concertation et le suivi des pratiques et des initiatives.

    Je voudrais également rappeler les efforts fournis pendant les crises pour renforcer les opérateurs en santé mentale. Les moyens du Plan de relance ont en effet permis de soutenir l’augmentation des ressources dans les soins de santé mentale et spécialisés en assuétudes. Comme l’honorable membre le sait, c’est à l’échelle de la Wallonie, plus de 180 équivalents temps pleins qui sont venus renforcer les services agréés et actifs en Wallonie, sans compter les moyens injectés par le Fédéral dans les équipes mobiles ou les psychologues de première ligne. Tous ces moyens injectés par la Wallonie sont une nouvelle fois prolongés en 2023.

    Il s’agit donc de favoriser le passage d’une culture de soin (cure) à une culture de bien-être (care) à travers les services qui valorisent la santé positive, via des pratiques axées sur les forces et le développement de compétences personnelles et collectives. Renforcer d’une part la littératie en santé et d’autre part les compétences psychosociales dans la population sont en ce sens deux leviers efficaces.

    Dans son article intitulé « Why health promotion matters to the COVID-19 pandemic, and vice versa? », Van den Broucke (2020) démontre à quel point la promotion de la santé est une réponse solide, evidence based (Le concept d’evidence based en promotion de la santé est défini comme « l’utilisation d’informations issues de la recherche et des études systématiques pour identifier les déterminants et les facteurs qui influencent les besoins en santé ainsi que les actions de promotion de la santé qui s’avèrent les plus efficaces pour y remédier dans un contexte et auprès d’une population donnés » (OMS, 2021)), efficace (maintenir la soutenabilité du système de soins), à la fois globale (approche systémique) et spécifique (adaptée aux différents groupes de populations).

    C’est pour répondre à ces préoccupations que le Gouvernement wallon a adopté en septembre dernier la programmation 2023-2027 en Promotion de la santé en ce compris la prévention.

    Depuis 75 opérateurs ont été agréés sur le territoire wallon dont 36 (presque 1 sur 2 !) se sont engagés à travailler dans l’axe de la santé mentale et du bien-être.

    En effet, au-delà du soin, c’est effectivement la recherche de bien-être que demande la population, après avoir traversé une succession de crises.