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L’intégration du biocarburant et du e-fuel dans la stratégie wallonne de sortie des moteurs thermiques

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 826 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/03/2023
    • de JANSSEN Nicolas
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Les biocarburants durables et les e-fuels sont des alternatives aux carburants fossiles traditionnels. Sachant que l'ensemble des pays européens se dirige vers une interdiction de la vente de moteurs thermiques en 2035 et la généralisation des moteurs électriques, il me semble nécessaire d'accorder, dans notre stratégie, une attention particulière aux autres carburants, renouvelables ou synthétiques, afin de faciliter au maximum cette transition.

    Le transport professionnel lourd est particulièrement affecté par celle-ci. Vu la difficulté des véhicules lourds à se tourner vers l'électrification, il est impératif de soutenir les PME du secteur du transport et de la logistique, notamment en promouvant, à côté de l'électrique et de l'hydrogène, le développement des biocarburants durables issus de déchets et résidus pour assurer la transition de la mobilité lourde.

    Quelles sont les actions concrètes prises par le gouvernement en ce sens, comme voulu par la DPR, et en faveur du développement d'une filière de production de biocarburants de 2e génération, produits à partir de déchets organiques locaux ?

    Quelles sont les mesures prévues afin d'augmenter les investissements de la Région wallonne dans la recherche et le développement des carburants synthétiques et biocarburants ?

    Sachant que les chercheurs actifs dans le domaine sont demandeurs d'un cadastre de la biomasse en Wallonie (cultures, déchets de cultures, déchets forestiers, déchets organiques…), Monsieur le Ministre coopère-t-il avec sa collègue, la Ministre de l'Environnement, sur l'établissement d'un tel recensement ?

    Qu'attendons-nous pour œuvrer à un signal fort au secteur du transport et aux entreprises productrices de carburant renouvelable en établissant un plan stratégique qui accélérerait la transition vers le transport lourd ?

    Comment voit-il concrètement la mise en place d'une infrastructure de recharge régionale pour fournir du biocarburant et du e-fuel réellement durable ?

    Le cadre réglementaire favorisant l'usage de ces carburants est-il presque finalisé, en concertation avec ses homologues fédéraux et régionaux ?
  • Réponse du 08/05/2023
    • de HENRY Philippe
    J’aimerais rappeler que l’interdiction des véhicules thermiques en 2035 concerne uniquement les voitures et les camionnettes. L’interdiction ne porte pas aujourd’hui sur les poids lourds et les motos.

    Concernant les poids lourds, leur électrification sera effectivement plus compliquée tant du point de vue du moteur que de la disponibilité du réseau électrique. En effet, contrairement aux voitures qui restent immobiles plus de 95 % du temps, les poids lourds se déplacent constamment vu leurs fonctions intrinsèques. Ces véhicules nécessitent donc des bornes de rechargement très puissantes afin de permettre une autonomie acceptable (300 km) en un temps de rechargement raisonnable (20 min).

    Afin d’éviter de déstabiliser le réseau, des véhicules lourds fonctionnant à l’hydrogène sont une solution alternative et ce sont également des véhicules non thermiques (l’hydrogène alimente une pile à combustible).

    Les carburants alternatifs, comme le biométhane, peuvent aussi être des solutions plus appropriées pour les véhicules lourds. Vu le contexte actuel et la complexité des nouvelles technologies, je suis aligné avec l’honorable membre, il faut développer plusieurs solutions en parallèle.

    L’extension de l’utilisation des matières organiques pour la production d’énergie comporte une série de risques et ne peut se faire de façon illimitée. Le Gouvernement, dans le cadre de politiques européennes, travaille pour réguler ce secteur.

    Néanmoins, la production de biogaz est un secteur qui fait partie de la transition énergétique et des aides sont disponibles pour favoriser son expansion.

    Par exemple, plusieurs aides sont dédiées à la biomasse qui constitue un élément important de stabilisation du mix énergétique à construire, ceci en raison de son caractère renouvelable et possiblement local.

    A ce stade, on fixe le cadre qui permet de s’assurer que la production régulière de bio-carburants ne provoque pas des effets néfastes : limitation de la part des cultures dédiées aux bio-carburants pour éviter les conflits d’usage de la terre, éviter la spéculation foncière vu la possible concurrence avec les cultures vivrières, imposer des pratiques culturales respectueuses de l’environnement et des sols afin d’éviter la perte de biodiversité, la perte de la qualité des sols, et la déforestation.

    Actuellement, les aides à l’investissement du SPW-EER et FEADER subventionnent les investissements dédiés à la valorisation énergétique en carburant synthétisé à partir de biomasse. Trois projets pionniers de production locale de biométhane sous forme de carburant (bioCNG) - Exemple : https://www.rtbf.be/article/taverneux-faire-son-plein-de-biocng-a-la-ferme-10837475, https://www.valbiom.be/outils/lunite-de-biomethanisation-de-la-roche-madou - par biométhanisation ont ainsi été soutenus en Wallonie.

    Plusieurs appels à projets concernant les carburants synthétiques et biocarburants ont été lancés par le Fédéral (Exemple Fonds de Transition énergétique dont biocarburants : Fonds de transition énergétique | SPF Économie (fgov.be), mais pas spécifiquement par la Wallonie.

    Mais il faut quand même noter que quelques projets wallons concernant les biocarburants à partir d’algues ou l’obtention de molécules plateformes via la biométhanisation ont été financés dans le cadre d’appels multithématiques.

    Le secteur privé, comme pour l’étude Gas.be, a fait réaliser un cadastre des intrants pour la production de biométhane. Le SPW-TLPE (via la convention Facilitateur biomasse énergie terminée) et le SPW-ARNE (via la convention BioMaSER) ont contribué au cadastre de ces intrants. Le SPW-TLPE travaille sur la mise à jour des études de potentiel pour le volet biomasse énergie.

    La législation cadrant les critères de durabilité et de gaz à effet de serre des biocarburants est traitée au niveau fédéral. La Wallonie s’occupe de transposer quant à elle les critères pour les autres biomasses énergie.

    Pour les actions à venir, nous le référons au PACE 2030 (https://energie.wallonie.be/fr/21-03-2023-plan-air-climat-energie-2030.html?IDC=8187&IDD=168395) adopté ce 21 mars 2023.

    Notons que le Plan mentionne que le système actuel de soutien au gaz à bas impact en carbone (biométhane) passe par le soutien à la production d’électricité renouvelable. Cela signifie qu'il faut produire absolument de l'électricité à partir du biométhane produit. Cela a plusieurs désavantages : la méthodologie est complexe ; la seule utilisation rentable/possible du biométhane est la cogénération (l'utilisation dans des chaudières ou pour produire du bio-CNG sont trop couteuse, car non soutenue) à cause de cette méthode de soutien. Cela favorise très peu le développement de la filière biométhane.

    Pour ces raisons, le soutien à la production de biométhane injecté sur le réseau doit sortir du cadre des certificats verts (qui est une aide à la production d'électricité) via un soutien direct spécifique à déterminer.

    Une démarche du même type doit pouvoir être établie avec le gaz de synthèse. En conséquence, le PACE identifie une mesure visant à créer le cadre légal pour les biogaz en lien avec le cadre et le calendrier européens et évaluer l’opportunité d’un mécanisme de financement de la production de biogaz, biométhane et gaz de mine, non restreint à la production d'électricité, et le cas échéant le mettre en place.

    Cette action sera développée sans entrer en concurrence avec l'usage premier nourricier des terres agricoles

    En outre, le PACE annonce que les biocarburants de deuxième et troisième génération font partie de la solution de diversification des sources d’énergie. Ils n'utilisent pas de denrées alimentaires comme les céréales ou les betteraves pour leur fabrication, contrairement à ceux de la première génération. Cette deuxième génération est issue de source lignocellulosique (bois, feuilles, paille, etc.) à partir de processus techniques avancés. Leur fabrication se réalise via des procédés comme la pyrolyse et la gazéification de la biomasse.

    Ces procédés permettent de mieux prendre en compte le problème de la limitation des surfaces agricoles, et d’exploiter un éventail de cultures beaucoup plus large que celui de la gamme alimentaire. Ils peuvent exploiter les résidus de la sylviculture, les déchets organiques en plus des cultures plus classiques comme la luzerne ou le miscanthus. Le PACE ambitionne comme mesure de soutenir les projets pilotes pour la production de biocarburants de 2e génération (et produits à haute valeur ajoutée) et la recherche pour la production de biocarburants de 3e génération, dans le respect des critères de durabilité et sans rentrer en concurrence avec la fonction nourricière première des terres agricoles.