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La catégorisation des espaces naturels et leur degré de protection

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 455 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 24/03/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Site naturel, zone naturelle, parc naturel, parc national sont des terminologies qui sèment parfois le trouble dans l'esprit des citoyens, surtout quand des projets industriels sont évoqués et que des enquêtes publiques sont organisées.

    Bien qu'il soit toujours question d'environnement et de biodiversité, s'il existe différentes terminologies, c'est qu'elles couvrent chacune des spectres différents. Pour chacune d'elles, on se doute qu'il y a des prérogatives différentes également.

    Madame la Ministre peut-elle rappeler ce que couvre chacune des appellations ?

    Qu'est-ce que cela représente à l'échelle de la Wallonie ?

    Quel est le degré de protection de chacune d'elles ?

    Est-ce que certaines activités ou certains projets sont d'office exclus sur certains de ces territoires ?
  • Réponse du 31/05/2023
    • de TELLIER Céline
    La question de l’honorable membre me donne l’opportunité d’aborder de manière plus large les différents statuts de protection qui visent à préserver la biodiversité sur le territoire wallon. L’appellation « site naturel » ne correspond à aucune définition légale, et dès lors, ne peut être définie. Les appellations « zone naturelle », « parc naturel », « parc national » sont définies par un ensemble de textes légaux. Afin de répondre de manière exhaustive à cette question liée à la terminologie des différents statuts de protection, sont reprises ci-dessous les appellations suivantes : « réserve naturelle agréée », « réserve naturelle domaniale », « zone humide d’intérêt biologique », « réserve forestière », « cavité souterraine d’intérêt scientifique », « site de grand intérêt biologique », « réserve intégrale », « site classé », « site Natura 2000 ».

    Au niveau wallon, la législation de base du droit de la protection de la nature est la Loi du 12 juillet 1973 sur la Conservation de la Nature telle que modifiée par des décrets wallons successifs afin, entre autres, d’assurer la transposition des Directives européennes « Oiseaux » et « Habitats ». Cette loi, ci-après dénommée « LCN », ainsi que ses nombreux arrêtés d’exécution, est regroupée sur le portail environnement de Wallonie. Outre la LCN, de nombreuses autres législations sectorielles contribuent à la préservation du patrimoine naturel. Nous citerons en particulier le CoDT (supra, Chapitre V - Urbanisme), la législation relative au permis d’environnement (supra, Chapitre VIII - Etablissements classés), la législation relative aux espèces exotiques envahissantes, la législation relative aux pesticides, à l’eau, aux bois et forêts (infra, Chapitre XII - Bois et Forêts), le CoPat (supra, Chapitre VI - Protection du patrimoine immobilier), la réglementation en matière de conditionnalité agricole, et cetera.

    La description que Monsieur le Député voudra bien trouver ci-dessous distinguera les aires protégées en vertu de la LCN, des aires protégées prévues par d’autres législations. Il est à noter qu’actuellement un projet de révision de la LCN est porté par mon Cabinet, pour répondre entre autres, à un objectif de simplification des appellations d’aires protégées.

    1. Aires protégées en vertu de la LCN :

    Ces aires protégées ont un degré de protection fort étant donné l’objectif prioritaire de conservation de la nature.

    Réserve naturelle :

    Dans le but de sauvegarder les territoires présentant un intérêt pour la protection de la flore et de la faune, des milieux écologiques et de l'environnement naturel, ces territoires peuvent être érigés en réserves naturelles, intégrales ou dirigées ou en réserves forestières.

    Une réserve naturelle peut être :
    • soit agréée, c’est-à-dire gérée par une personne physique ou morale autre que la Région wallonne et reconnue par le Gouvernement wallon à la demande du propriétaire des terrains et avec l’accord de leur occupant ;
    • soit domaniale, c’est-à-dire érigée par le Gouvernement wallon et située sur des terrains appartenant à la Région wallonne, pris en location par elle ou encore mis à sa disposition à cette fin.

    La procédure de création ainsi que le régime de protection applicable aux réserves naturelles sont prévus par les articles 6 à 19, 41 et 43 de la LCN, l’arrêté ministériel du 23 octobre 1975 établissant le règlement relatif à la surveillance, la police et la circulation dans les réserves naturelles domaniales en dehors des chemins ouverts à la circulation publique et par l’AERW du 17 juillet 1986 concernant l'agrément des réserves naturelles et le subventionnement des achats de terrains à ériger en réserves naturelles agréées par les associations privées.

    L’arrêté de création de chaque réserve naturelle précise les contours de celles-ci et le régime de protection et de gestion applicables. Les réserves naturelles sont créées pour une durée minimale de 20 ans.

    À ce jour, les réserves naturelles agréées ont une superficie de 4.351 ha et les réserves naturelles domaniales de 13.121 ha (y compris celles en attente de publication au Moniteur belge, mais déjà approuvée par le Gouvernement en décembre 2022).

    Réserve forestière :

    Leur procédure de création et le régime de protection sont réglementés par les articles 6 et 20 à 24, 41 et 43 de la LCN et par l’arrêté royal du 2 avril 1979 établissant le règlement de gestion des réserves forestières. Une réserve forestière est une forêt ou partie de celle-ci protégée conformément à la loi du 12/7/1973 dans le but de sauvegarder des faciès caractéristiques ou remarquables des peuplements d’essences indigènes et d’y assurer l’intégrité du sol et du milieu (art. 20 de la loi du 12/7/1973).

    La circulaire du 23/7/1979 explicite la notion comme suit : « la réserve forestière est une forêt ou une partie de celle-ci dans laquelle se trouvent conservés ou peuvent se développer des peuplements-témoins des associations forestières typiques de la région. Une gestion particulière, prescrite par l’aménagement forestier leur est applicable, afin de les protéger et de les sauvegarder pour l’avenir ». Il est à noter que selon la même circulaire, une réserve forestière « ne peut s’envisager (…) » que sous le statut de la réserve dirigée, c’est-à-dire soumise à une gestion appropriée », dès lors notamment que les réserves forestières « remplissent une fonction de production non négligeable, bien que celle-ci soit accessoire et soumise à des règles strictes » et que certaines pratiques sylvicoles ainsi que l’exercice de la chasse restent autorisés.

    Le régime de la réserve forestière est moins strict que celui de la réserve naturelle. Le régime de gestion applicable aux réserves forestières n’appartenant pas à la Région wallonne est fondé sur un contrat incluant un plan de gestion. Pour un propriétaire autre que la Région wallonne (commune, propriétaire privé), ce régime est souple puisqu’il est conféré par contrat pour une durée de seulement neuf ans, renouvelables.

    L’ensemble des réserves forestières représente une superficie de 1 053 ha, répartis en 20 réserves.

    Dans le but de conserver les espèces de la flore et de la faune, pour les besoins de la recherche scientifique, de l'enseignement ou de l'éducation populaire, deux autres types de statuts peuvent être conférés en vertu de l’article 6, alinéa 3, de la LCN : « Zone humide d’intérêt biologique » et « Cavité souterraine d’intérêt scientifique ».

    Zone humide d’intérêt biologique :

    L’AERW du 8 juin 1989 réglemente la protection des zones humides d'intérêt biologique. Ce régime de protection ainsi que la gestion à réserver à chaque site sont précisés dans chaque arrêté ministériel de création de ces statuts. Ces zones humides sont décrites comme étant des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est statique ou courante.

    La superficie des ZHIB de Wallonie s’élève actuellement à 1 357 ha.

    Cavité souterraine d’intérêt scientifique :

    Le régime de protection de ces aires protégées est prévu, pour ce qui concerne les CSIS, dans l’AGW du 26 janvier 1995 organisant la protection des cavités souterraines d'intérêt scientifique. À ce jour, il y a 80 CSIS reconnues. Les cavités souterraines sont caractérisées par la présence d'espèces adaptées à la vie souterraine, d'espèces vulnérables, endémiques ou rares ; la présence d'une biodiversité élevée ; l'originalité, la diversité et la vulnérabilité de l'habitat ; la présence de formations géologiques, pétrographiques ou minéralogiques rares et la présence de témoins préhistoriques.

    Sites Natura 2000 :

    Dans le but de contribuer à la sauvegarde et à la cohérence du réseau Natura 2000, les territoires de la Région wallonne présentant un intérêt pour la diversité biologique des Communautés européennes sont érigés en sites Natura 2000 (art. 6 bis, §1er, al. 1er, de la LCN).

    Les régimes de sélection, de désignation, de protection et de gestion des sites candidats au réseau Natura 2000 et des sites Natura 2000 sont prévus aux articles 25 à 31 de la LCN. Les arrêtés d’exécution suivants prévoient les mesures et les objectifs de conservation qui y sont applicables : l’AGW du 24 mars 2011 portant les mesures préventives générales applicables aux sites Natura 2000 et aux sites candidats au réseau Natura 2000, l’AGW du 19 mai 2011 fixant les types d'unités de gestion susceptibles d'être délimitées au sein d'un site Natura 2000 ainsi que les interdictions et mesures préventives particulières qui y sont applicable, et l’AGW du 1er décembre 2016 fixant les objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000.

    Les arrêtés de désignation précisent pour chaque site ces mesures et objectifs de conservation.

    Depuis le 31 décembre 2017, l’ensemble des sites Natura 2000 ont été désignés. Il n’y a donc, à ce jour, plus de site candidat au réseau Natura 2000.

    Actuellement, le réseau Natura 2000 compte 240 sites couvrant environ 221 000 ha (soit 13 % du territoire wallon).

    Parc national :

    L’appellation « Parc national » en Wallonie, dans sa définition, ses critères et ses objectifs, se conforme aux standards internationaux de l'UICN pour ce type d'aire protégée, ainsi qu'à ceux en vigueur dans plusieurs pays et régions voisins. Selon l’UICN, le Parc national est « une aire protégée gérée principalement dans le but de protéger les écosystèmes et à des fins récréatives ». Cette appellation ne figure pas encore dans la LCN, puisque jusque décembre 2022, il n’y avait de Parcs nationaux sur le territoire de la Wallonie. Le projet de révision de la LCN prévoit ainsi une disposition qui encadre la reconnaissance des parcs nationaux.

    Je précise que le parc national ne sera pas une aire protégée au sens de la LCN. Les territoires concernés resteront soumis aux réglementations des zones sous statuts de protection qui s’y inscrivent. Il n’y a donc pas de protection supplémentaire, mais ces parcs nationaux, par un effort commun via la participation à la coalition territoriale ou via des engagements et des chartes signées entre les acteurs impliqués (communes, DNF, propriétaires privés, associations …), représentent une opportunité de s’impliquer pour la conservation, la restauration et la résilience de la nature, ainsi qu’au développement d’un tourisme durable.

    Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse et le Parc national de la Vallée de la Semois couvrent ensemble une superficie de 51 033 ha.

    2. Aires protégées en vertu d’autres législations :

    Réserve intégrale :

    La « Réserve intégrale » au sens du code forestier (Art. 71) : « (…) Dans les bois et forêts des personnes morales de droit public, par propriétaire de plus de cent hectares de bois et forêts, en un ou plusieurs massifs, est appliquée la mesure de conservation suivante : - la mise en place de réserves intégrales dans les peuplements feuillus, à concurrence de trois pour cent de la superficie totale de ces peuplements. »

    Le code commente ensuite la mise en place de ces réserves de la manière suivante :

    « (…) La mise en place des réserves intégrales sur trois pour cent de la surface des peuplements feuillus implique l'absence de toute forme d'exploitation de manière à permettre le vieillissement de la forêt et l'expression des dynamiques naturelles. Seules sont autorisées des interventions minimales : contrôle du gibier, sécurisation des chemins, organisation de l'accueil du public. Ces zones peuvent éventuellement être érigées en réserve naturelle intégrale ou en réserve forestière au sens de l’article 6 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature. »

    L’ensemble des superficies de réserves intégrales cartographiées (l’ensemble de ces réserves ne sont pas encore cartographiées actuellement) au sens du Code forestier représente actuellement 8.117 ha.

    Site classé :

    Certains sites bénéficient du statut de « site classé » en vertu du CoPat (supra, Chapitre VI, Protection du patrimoine immobilier).

    L’ensemble des sites classés représentent 25 557 ha pour 1 260 sites. Tous ces sites ne présentent pas nécessairement un enjeu de conservation de la nature.

    Zone naturelle, zone d’espaces verts et périmètre de liaison écologique :

    L’appellation « zone naturelle » est définie dans le CoDT (https://lampspw.wallonie.be/dgo4/tinymvc/apps/amenagement/views/documents/juridique/codt/CoDT_Fr.pdf) : « La zone naturelle est destinée au maintien, à la protection et à la régénération de milieux naturels de grande valeur biologique ou abritant des espèces, dont la conservation, s’impose, qu’il s’agisse d’espèces des milieux terrestres ou aquatiques. Dans cette zone ne sont admis que les actes et travaux nécessaires à la protection active ou passive de ces milieux ou espèces » (Art. D.II.39).

    Les zones d’espaces verts et les zones naturelles inscrites au plan de secteur correspondent à peu près à une superficie de 23 000 ha. Ces zones recouvrent des sites sous statut de protection fort (7 000 ha), mais en dehors de cela, les sites ne bénéficient pas de mesures de gestion particulières.

    Parc naturel :

    L’appellation « Parc naturel » est définie par le Décret relatif aux Parcs naturels (16 juillet 1985) : Un Parc naturel est un territoire rural, d'un haut intérêt biologique et géographique, soumis conformément au présent décret à des mesures destinées à en protéger le milieu, en harmonie avec les aspirations de la population et le développement économique et social du territoire concerné. Tout Parc naturel couvre une superficie minimum de 10.000 hectares d'un seul tenant. […](Art. 1er).

    L’appellation « Parc naturel » couvre aussi l’institution composée du Pouvoir organisateur, de la Commission de gestion et de l’équipe du personnel chargée de mettre en œuvre le plan de gestion qui couvre les 7 missions décrétales dévolues aux parcs.

    Les Parcs naturels n’amènent pas de protection supplémentaire envers les enjeux de conservation de la nature, mais ont notamment pour mission d’assurer la protection, la gestion et la valorisation du patrimoine naturel et paysager au niveau de leur territoire. Il n’y a pas d’activités spécifiquement interdites du fait du statut de Parc naturel.

    Ensemble, les 12 parcs naturels couvrent une superficie de 550 000 ha et concernent 72 communes (dont le territoire est repris en totalité ou en partie), soit environ un tiers du territoire wallon.

    Site de grand intérêt biologique (SGIB) :

    Il s’agit d’un inventaire scientifique qui a pour but de recenser (identifier, localiser et décrire) les espaces naturels ou semi-naturels terrestres ou aquatiques remarquables en Wallonie. L’inventaire des SGIB est actuellement consultable sur le portail biodiversité en Wallonie en consultant les onglets suivants : Sites - Sites de Grand intérêt biologique.

    Actuellement, en vertu de la LCN, la délimitation d’un SGIB n’implique pas, en soi, de contrainte juridique particulière. Cela étant, l’inclusion d’un terrain en SGIB informe la plupart du temps de la présence d’espèces protégées au sens des articles 2 et suivants de la LCN, ou d’habitats de ces espèces. Actuellement, la base de données des SGIB compte plus de 2 500 sites couvrant environ 100 000 ha, incluant la plupart des réserves naturelles et autres sites sous statut de protection.

    En complément à ces différents statuts, la définition d’un réseau écologique possédant un statut juridique est en cours de réflexion. Une cartographie du réseau écologique wallon devrait être disponible prochainement, sous forme d’un diagnostic scientifique visant à identifier des sous-trames représentant les principaux enjeux et milieux. Ces sous-trames, composées de zones cœurs de biodiversité, de zones de liaison et de zones à restaurer, seront ensuite assemblées pour donner lieu à une proposition de réseau écologique fonctionnel. L’importance des services écosystémiques fournis par ce réseau sera évaluée et pourra guider certains choix de restauration.