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La pollution du sol des potagers en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 466 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 04/04/2023
    • de GAHOUCHI Latifa
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Avec la crise sanitaire et le confinement, le jardinage avait connu un regain d'intérêt. Aujourd'hui, c'est la guerre en Ukraine et la hausse des prix des aliments qui incitent de nombreux Belges à cultiver un potager.

    Cependant, du fait de leur localisation dans une région anciennement industrialisée et fortement urbanisée, les sols des Wallons et Wallonnes ont reçu au cours des années des quantités considérables de métaux lourds tels que le plomb, le zinc ou encore le cadmium, selon les endroits.

    Consciente que la question de la qualité des productions potagères est une préoccupation majeure chez les jardiniers, amateurs et professionnels, la Région wallonne lançait en 2021 son outil en ligne « Sanisol ». Cet outil en ligne permet à ceux et celles qui souhaitent produire leurs légumes d'évaluer la teneur en métaux lourds de leurs sols et de réduire les éventuels risques de santé liés à la fréquentation d'un sol potentiellement contaminé par des métaux lourds.

    Afin de soutenir la démarche, la Région wallonne octroie également une contribution financière de 50 euros pour réaliser une analyse de sol et/ou de fruits ou de légumes.

    Quelle est la pollution la plus fréquemment rencontrée dans les sols wallons ?

    Madame la Ministre envisage-t-elle d'inciter davantage les jardiniers à analyser la qualité de leur sol ?
    Si oui, comment ?

    D'autres pistes sont-elles à l'étude afin d'évaluer la qualité des terres cultivées par les particuliers ?
  • Réponse du 31/05/2023
    • de TELLIER Céline
    De manière générale, on distingue deux types de pollution du sol : la pollution locale, qui provient d’un apport de substances dangereuses par une source ponctuelle et identifiable et dont les dépassements par rapport à la concentration naturelle ou par rapport aux normes sanitaires et environnementales sont importants, et la pollution diffuse, dont les sources ne sont généralement pas attribuables à un émetteur responsable et dont le niveau de dépassement par rapport aux normes est généralement faible, mais potentiellement observable à grande échelle.

    Dans la plupart des cas, la pollution locale des sols est un héritage des pratiques du passé, à une époque où la question des impacts environnementaux et sanitaires des activités humaines était peu prise en compte. D’anciens sites industriels, ou d’anciens lieux de stockage de produits chimiques ou d’hydrocarbures, d’anciennes décharges publiques, des friches industrielles ou économiques, sont aujourd’hui devenus problématiques du fait de la présence dans le sol, attestée ou probable, de substances dangereuses.

    Il peut cependant également s’agir de terrains sur lesquels les activités récentes ou encore en cours sont susceptibles de polluer le sol ou les eaux souterraines, que ce soit du fait d’acteurs professionnels ou de particuliers.

    D’après le retour d’expérience des études de sol faites dans le cadre du Décret sols, les pollutions locales les plus courantes sont les pollutions en hydrocarbures pétroliers liées aux installations de stockage et les pollutions en métaux lourds dans les remblais. Toutefois, nous observons de plus en plus de pollutions en solvants chlorés liées à des stockages ou à leur utilisation dans des procédés industriels.

    Dans certains jardins potagers, des teneurs en HAP, PCB ou dioxines peuvent être localement retrouvées généralement en lien avec la proximité d’activités émettrices ou le stockage non contrôlé de produits/déchets contenant ces substances.

    Contrairement à la pollution locale, la pollution diffuse affecte les sols à plus large échelle : les concentrations sont généralement plus faibles, mais sur des étendues plus importantes. Ses origines sont multiples et difficilement localisables.

    Elle résulte essentiellement de retombées atmosphériques de polluants issus du trafic routier, de l’industrie, ou du chauffage domestique, et de certaines pratiques agricoles et horticoles comme l’épandage d’engrais ou de pesticides dans les champs, dans les parcs et les jardins privés.

    Ces polluants peuvent se rajouter aux teneurs naturellement présentes d'éléments dans le sol qui résultent de l'héritage du matériau parental, de processus pédogénétiques et de retombées atmosphériques naturelles, en dehors de tout apport d'origine anthropique.

    Les principaux polluants caractérisant les pollutions diffuses sont les éléments traces métalliques (ETM ou parfois appelés « métaux lourds » - notamment l’arsenic (As), le cadmium (Cd), le cuivre (Cu), le chrome (Cr), le mercure (Hg), le nickel (Ni), le plomb (Pb) ou encore le zinc (Zn)), les pesticides, l’azote et les nitrates, le phosphore et les substances acidifiantes (NOx, SO2, NH3).

    Dans le cadre des jardins potagers, le zinc et le cuivre sont les métaux lourds les plus souvent rencontrés, mais ce sont des oligo-éléments qui ne posent pas de soucis particulier, suivis par le cadmium et le plomb qui eux peuvent présenter des risques pour la santé humaine. On retrouve parfois du mercure, de l’arsenic et du chrome, dont les teneurs sont à surveiller au cas par cas, et plus rarement du nickel.

    Les polluants organiques sont généralement peu présents au niveau des pollutions diffuses, la plupart étant biodégradables à court ou moyen terme.

    Cependant, l’évolution des connaissances sur les substances émergentes, leur temps de demi-vie et leur mode de transfert dans l’environnement pourraient mettre en évidence certaines problématiques de pollution diffuse à l’avenir.

    Compte tenu de la présence potentielle de polluants dans le sol, indépendamment de leur provenance locale ou diffuse, et dans la mesure où ces polluants peuvent être mis en évidence tant en zone urbaine qu’en zone rurale, il est nécessaire de pouvoir disposer d’informations fiables et localisées avant de pouvoir donner des recommandations spécifiques au gestionnaire d’un sol, en particulier dans le cadre de son activité de jardinage.

    C’est dans cette optique qu’a été développé l’outil web SANISOL, à destination des jardiniers amateurs, focalisé sur la problématique des métaux lourds (ces derniers ne pouvant se dégrader au cours du temps et s’accumulant donc dans les sols), et nécessitant une analyse de sol préalablement à son utilisation. Un helpdesk est par ailleurs organisé afin d’accueillir les questionnements des jardiniers utilisant l’outil SANISOL en ligne.

    La stratégie de communication développée autour de la thématique du jardinage sur sol potentiellement pollué et de l’outil web SANISOL se veut progressive, en se basant sur une logique de « cercles », et cohérente avec l’évolution de l’outil lui-même.

    Précédemment, une communication générale auprès des départements du SPW a été réalisée ainsi que, de manière ciblée, une communication vers les communes wallonnes pour lesquelles le contexte de contamination des sols par certains métaux justifie une préoccupation accrue des citoyens jardiniers pour le sujet.

    Ensuite, l’information a été relayée vers des « têtes de réseau » qui, de par la nature de leurs activités, fédèrent les acteurs portant un intérêt pour le jardinage et sont légitimes auprès de ces derniers (ex. : l’UVCW, la FRW, le Réseau wallon de Développement rural, Natagora, Nature & Progrès, les centres provinciaux de l'agriculture et de la ruralité, ou encore les établissements de formation en horticulture et agriculture urbaine).

    Des contenus « prêts à l’emploi » leur sont proposés, dont un bref tutoriel vidéo, à diffuser auprès de leurs publics respectifs, par le biais de leurs propres canaux de communication.

    À l’heure actuelle, une communication dirigée directement vers les particuliers est aussi organisée pour inciter davantage les jardiniers à analyser la qualité de leur sol. Cela se fait via une communication directe dans les lieux de vente (pépinières, marchés, …) ou les événements (foires agricoles/horticoles …) propices pour aborder la question du jardinage, et par des propositions de sujets de reportages auprès de sociétés de production d’émissions (radio, télé, web) dédiées au jardinage ou de revues sur ce thème.

    Cette communication est associée à l’octroi d’une prime pour l’analyse des sols et des végétaux, 50 euros pour l’analyse de sol et 50 euros pour l’analyse d’un fruit ou d’un légume, pour inciter les jardiniers à passer à l’étape supplémentaire en vue de pouvoir utiliser l’outil web.

    À travers ce soutien financier, la Wallonie souhaite ainsi encourager une meilleure connaissance du contexte dans lequel le jardinier cultive. Par ailleurs, cet engouement soutient les recherches concernant l’impact de la qualité d’un sol sur la pratique du jardinage et sur la production de végétaux.

    Outre la récolte de données de la qualité des potagers sur base des analyses menées par les particuliers, des campagnes d’échantillonnage ciblées sont organisées dans le cadre de la subvention SANISOL actuellement en cours pour améliorer la représentativité régionale des sols et diminuer les incertitudes autour du transfert sol-plante au niveau des données sur lesquelles se base l’outil web. Cela permettra de contribuer à la nouvelle version de l’outil web en cours de développement.