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L'avenir des stations-services wallonnes et la recherche dans les carburants de synthèse

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 569 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/04/2023
    • de GALANT Jacqueline
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    TotalEnergies a décidé de former une joint-venture avec Couche-Tard, leader canadien des magasins de proximité, afin de gérer les stations-services du pétrolier français en Belgique. Cela se fera sans impact sur l'emploi et les conditions d'emploi.

    Ce changement fait suite à la volonté du groupe pétrolier de viser la neutralité carbone en 2050 et la décision du Parlement européen de voter l'arrêt des ventes de véhicules à moteur thermique en 2035.

    Le groupe souhaite développer les bornes de rechargement et l'hydrogène. De son côté, l'Allemagne semble également vouloir travailler sur l'essor des carburants de synthèse.

    Comment Monsieur le Ministre appréhende-t-il cette décision ? Quel sera son impact sur l'économie wallonne ?

    Doit-il faire face à de nouveaux défis en matière d'aménagement du territoire ?

    A-t-il soutenu des programmes de recherche dans les carburants de synthèse ?

    Comment appréhende-t-il, avec ses collègues en charge de la mobilité et de l'environnement, l'avenir des stations-services wallonnes ?
  • Réponse du 27/04/2023
    • de BORSUS Willy
    Le rapprochement des stations-service de TotalÉnergies avec le groupe Couche-Tard (les deux groupes s’associent en Belgique au sein d’une co-entreprise détenue à 40 % par Total et à 60 % par Couche-Tard) s’inscrit dans le sillage de la transition profonde du secteur automobile. Il s’agit notamment de tenir compte du cadre légal européen imposant à l’horizon 2035 l’interdiction à la vente, sauf exception, de voitures émettrices de CO2.

    Indépendamment de la législation en question, le nombre de stations-service a diminué fortement en Belgique au cours des dernières années, du fait d’une densité trop élevée et des coûts d’investissement importants qu’elles représentent. Une étude réalisée en 2008 par la Fédération pétrolière de Belgique notait d’ailleurs déjà que leur nombre était passé de 5 065 stations en 1999 contre 3 270 en 2008. On observe par ailleurs le même phénomène en France comme relevé par une étude du consultant Colombus.

    Les données fournies par Statbel pour la Belgique permettent de confirmer que le nombre d’entreprises liées au commerce de détail de carburant (code NACE 473) a diminué au cours du temps, passant de 1 717 en 2008 à 1 406 en 2020. Cependant, l’emploi dans le secteur a continué d’augmenter sur la même période, passant de 4 975 à 5 392.

    Cela étant, les conséquences de cette nouvelle législation vont bien au-delà des seules stations-service et s’étendent à l’ensemble des activités liées de près ou de loin à l’automobile.

    Pour l’heure, l’industrie automobile wallonne comptait 1 378 emplois en 2021 contre 2 623 en 2010 d’après les données des comptes régionaux disponibles. Les données pour la valeur ajoutée ne sont pas encore disponibles pour 2021, mais le secteur de l’automobile représentait 107 millions d’€ en 2020 en Wallonie, contre 165 millions d’€ en 2010.

    Le déclin de l’activité économique automobile en Wallonie est donc visible depuis de nombreuses années. Ce recul s’observe aussi au niveau de la Belgique dans son ensemble, avec une valeur ajoutée qui passe de 2,7 milliards d’€ en 2010 à 2,2 milliards d’€ en 2020. On observe le même phénomène pour l’emploi qui passe de 36 200 à 28 700 sur la même période.

    Pour accompagner cette mutation, toute la chaîne de valeur de l’automobile doit être mobilisée dans cette réflexion en incluant également tout un ensemble d’acteurs plus ou moins éloignés jusqu’alors de cette chaîne, comme les spécialistes du stockage de l’énergie et de l’électronique.

    D’autres opportunités se profilent aussi en matière de recyclage des batteries et de développement de solutions visant à accroitre l’autonomie de ces batteries, en lien avec les priorités identifiées par la Commission européenne visant à réduire notre dépendance à l’égard du pétrole, mais aussi de l’Asie en termes de production de batteries et de matériaux critiques. Cette prise de conscience croissante de l’importance de renforcer l’autonomie stratégique européenne doit se traduire en opportunités économiques et industrielles pour la Wallonie.

    En matière d’aménagement du territoire, le fait que le shop d’une station-service soit géré par une société ou par une autre n’a guère d’impact, si ce n’est sur les enseignes. En revanche, remplacer l’essence et le diesel par de l’hydrogène, de l’électricité ou de l’e-carburant nécessitera des travaux qui seront normalement soumis à permis unique.

    L’un des enjeux avec l’éventuelle fin des stations de distributions de carburants fossiles sera d’éviter la constitution de friches. À cet égard, la perspective d’un rééquipement en vue de la fourniture d’électricité sous la forme de bornes de recharges, est une perspective intéressante.

    De manière générale, les stations-service situées le long des autoroutes seront probablement moins impactées que les autres. Je n’ai pas de retour du secteur sur le nombre de stations-service qui seront rentables dans ces nouvelles conditions, ni sur le nombre de stations-service qui serait indispensable pour desservir correctement la population, mais il est clair que les stations-service vont devoir s’adapter, voire se réinventer, pour faire face d’abord à la transition puis au passage à l’électrique.

    Les défis posés en aménagement du territoire par ce genre de projets se retrouvent dans ma réforme en cours du Code développement territorial, en particulier son volant lié à l’intégration de la police de la planification et des implantations commerciales dans celle de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Si l’intention est de transformer certaines stations-service en commerce de proximité, il faudra un permis pour la démolition des pompes ou pour l’agrandissement du shop. En tout état de cause, dans la révision en cours du CoDT, il est prévu que les communes auront la faculté de soumettre à autorisation l’implantation d’un commerce à partir de 200 m2 de surface commerciale nette, ce qui permettra d’éviter le développement de commerces dans des endroits pas nécessairement bien localisés pour cette fonction.

    En matière de recherche, plusieurs activités de R&D ont été financées, historiquement au travers notamment de certains financements accordés à John Cockerill et à d’autres ou au travers de plusieurs projets financés dans le cadre du PNRR-PRW labellisés en 2022. Parmi ceux-ci, la production d’hydrogène (volet Industrie bas Carbone) est toute autant concernée par la mise en place de cette nouvelle chaîne de valeur que les projets relatifs au recyclage des batteries (volet Économie circulaire). D’autres développements sont également en cours de développement au travers du projet de soutien d’une filière wallonne « hydrogène » du PNRR/ PRW.

    Concernant les carburants de synthèse, il existe à travers le projet Kerolhyme qui, avec comme partenaires les sociétés Engie et Lhoist, a pour objectif de développer un projet industriel pour produire du kérosène de synthèse avec un électrolyseur de 100 MW. Les briques technologiques nécessaires au process seront développées dans le cadre du projet N-kéro-Lime co-labellisé par les Pôle Greenwin et MecaTech qui se finira en 2026. Au vu de ces éléments, il a été décidé, avec l’accord du consortium de reporter la soumission du projet KéroLhyme à un IPCEI ultérieurement et de mettre un processus d’accompagnement en place afin de regrouper l’ensemble des acteurs wallons actifs autour de la thématique « e-Kérosène » pour les aider à définir une feuille de route cohérente qui permettra d’aboutir à la création d’une filière de production de e-Kérosène wallonne.