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Le développement de l'intelligence artificielle et les ingérences étrangères

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 572 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/04/2023
    • de HARDY Maxime
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Ces derniers temps, nous constatons un développement exponentiel de l'utilisation de l'intelligence artificielle notamment dans la diffusion de fausses informations.

    Dans un contexte international de plus en plus tendu, on peut craindre la multiplication des formes d'ingérence d'États ayant des impacts directs ou indirects sur l'économie, l'administration ou les processus démocratiques dans notre Région.

    Face à ces tendances, quel est le positionnement stratégique de notre région face à ces dangers pour nos démocraties ? Une adaptation de la législation pour lutter contre ces phénomènes et contre l'inaction des GAFAM et pour sanctionner les États utilisant ce type de procédé est-elle prévue par le Gouvernement ? Des concertations en la matière ont-elles déjà eu lieu avec les entités fédérées de notre pays ainsi qu'avec ses homologues d'autres pays européens ?

    Que fait Monsieur le Ministre concrètement dans ce domaine ?
  • Réponse du 26/04/2023
    • de BORSUS Willy
    Nos démocraties ont toujours été la cible de ces tentatives de manipulation. Ce qui est nouveau, c’est le caractère quasi industriel de ces tentatives, facilitées par l’émergence d’outils toujours plus performants. On parle aujourd’hui de « guerre cognitive ».

    La première séquence de cette bataille pour le contrôle de la cognition des citoyens s’est jouée au travers des bulles algorithmiques produites par l’omniprésence des réseaux sociaux qui ont eu pour effet d’isoler des groupes d’individus dans des silos polarisants. Les crises et la guerre n’ont fait qu’amplifier encore cette situation, principalement en Occident.

    La seconde séquence s’est aussi développée au travers d’applications à caractère ludique, en apparence inoffensives, mais dont les traits addictifs ont permis à leurs développeurs de mettre la main sur de nombreuses données personnelles, mais aussi de maintenir et de contrôler l’attention des publics les plus vulnérables, comme les jeunes.

    La troisième séquence de cette influence s’ouvre aujourd’hui via le recours possible à des technologies d’intelligence artificielle génératives capables de fournir à des États ou des individus mal intentionnés les ressources nécessaires pour mener des campagnes de désinformation à très large échelle. Le risque est d’assister à une forme d’industrialisation de la désinformation qui s’ajoute à la polarisation excessive des opinions.

    Dans ce contexte, les questions liées à l'ingérence étrangère et à l'utilisation de l'intelligence artificielle sont donc devenues des préoccupations mondiales croissantes et majeures.

    De nombreux pays et organisations internationales travaillent, depuis plusieurs années déjà, à développer des « cadres de référence », qui se matérialisent au travers de chartes ou de réglementations, pour garantir l'éthique et la neutralité des technologies de l’intelligence artificielle. C’est notamment le cas du futur règlement européen « AI Act » qui permettra de classifier les technologies IA en fonction des risques qui y sont associés.

    Au niveau de la Wallonie, l’effort est piloté au travers de Digital Wallonia. L'Agence du Numérique est partie prenante de toutes les discussions dans lesquelles la Wallonie est impliquée au niveau européen. En matière d’intelligence artificielle, l’un des quatre piliers du programme Digital Wallonia for AI consacre une part importante à la dimension de l’éthique. Cette composante, qui concerne plus largement la confiance que chacun doit pouvoir avoir envers les technologies, est fondamentale. Nous y travaillons à de nombreux égards, et notamment en recherche via le consortium de TRAIL et le projet ARIAC.

    Bien sûr, les outils législatifs dressés contre les dérives ou les attaques de certaines entreprises internationales sont avant tout européens et ils dépassent la compétence régionale. Mais cela ne nous empêche pas d’agir partout où ne le pouvons. Ainsi, le Gouvernement wallon a très récemment pris des mesures à l’encontre de l’application Tik Tok, largement suspectée d’être contrôlée à des fins d’espionnage. Il faut bien entendu aller plus loin et éviter toute forme de naïveté en la matière.

    L’ensemble de ce cadre de référence normatif est aujourd’hui en constante évolution sous l’effet de l’accélération technologique et des défis qui nous sont lancés du point de vue de la sécurité de nos entreprises, de nos citoyens et de nos institutions publiques. La Wallonie ne peut demeurer à l’écart de ces nouveaux terrains numériques. C’est la raison pour laquelle notre Région s’est dotée de moyens permettant de répondre, je l’espère, efficacement, en collaboration étroite avec les différents niveaux de pouvoirs national et européen, à l’évolution constante de ces menaces.