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Le statut de client protégé conjoncturel en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 912 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 06/04/2023
    • de FREDERIC André
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La précarité énergétique occupe une place beaucoup trop importante en Wallonie. Le neuvième baromètre de la Fondation Roi Baudouin, publié récemment, continue de tirer la sonnette d'alarme. Ce fléau a malheureusement été renforcé ces deux dernières années en raison essentiellement de la reprise post-covid et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Pour répondre dans l'urgence à cette crise, des mécanismes ont été imaginés à la fois par le Gouvernement fédéral et par les Gouvernements régionaux dans l'attente de solutions plus structurelles. En Wallonie, pour compléter le dispositif fédéral, Monsieur le Ministre a mis en place le système de client protégé conjoncturel qui permet notamment d'accorder le tarif social à un plus grand nombre de ménages.

    Cependant, ce système va bientôt arriver à échéance. En effet, il prendra fin le 31 août 2023 alors même que les prix de l'énergie n'ont pas retrouvé leurs niveaux d'avant crise. Le prix du mégawattheure du gaz est passé dernièrement sous la barre des 40 euros, mais il reste deux fois plus cher qu'avant la crise. Compte tenu du contexte géopolitique toujours sous tension, d'une situation favorable, mais probablement conjoncturelle et des réserves de gaz qui connaitront des volumes moins importants en automne, je pense qu'il soit prématuré de mettre un terme à cette protection. Dans un article paru ce trois avril dans la « Dernière Heure », le Professeur Damien Ernst pointe le risque d'une nouvelle flambée des prix à l'automne si les efforts ne sont pas poursuivis et si la demande poursuit son ascension.

    Monsieur le Ministre compte-t-il prolonger le statut de client protégé conjoncturel au-delà du mois d'août 2023, idéalement jusqu'au printemps 2024 ?

    Quel regard porte-t-il sur le neuvième baromètre de la Fondation Roi Baudouin ?

    De quelle manière compte-t-il implémenter un service de base universel tel que le prévoit la Déclaration de politique régionale ? Que sort-il des avis sollicités ?

    La Commission européenne propose une réforme de l'organisation du marché de l'électricité de l'Union afin de développer les énergies renouvelables et de mieux protéger les consommateurs. Quel regard porte-t-il sur cette réforme ?

    Comment celle-ci pourrait-elle être traduite dans la législation wallonne ?

    Quels sont les contacts pris avec la Ministre fédérale de l'Énergie ?
  • Réponse du 11/05/2023
    • de HENRY Philippe
    La mise en place du mécanisme de client protégé conjoncturel, et chacune des prolongations était liée à des circonstances de crise indiscutable. Soit du fait de l’impact du confinement et des inondations sur la consommation des ménages ou sur leur emploi, soit de l’impact de l’augmentation importante des prix de l’énergie que nous avons connu l’année passée.

    Les prix du gaz restent effectivement plus élevés qu’avant la crise des prix de l’énergie, mais ils sont revenus à des niveaux beaucoup plus raisonnables que ce que nous avons connu courant 2022. Il est par ailleurs probable que ces prix se maintiennent à ce niveau encore un certain temps. Il ne s’agirait dès lors plus d’une mesure conjoncturelle, mais d’une mesure structurelle. En l’état, il me semble dès lors prématuré d’envisager une nouvelle prolongation du dispositif.

    Nous sommes extrêmement actifs, par ailleurs, pour aider les ménages à réduire de manière structurelle leur consommation – et donc la facture d’énergie - en améliorant l’isolation de leur logement. Au sein de mes compétences, c’est la voie la plus à même de contribuer à la réduction de la précarité énergétique.

    En effet, comme le souligne le Baromètre de la Fondation Roi Baudouin, la précarité énergétique découle de plusieurs éléments : outre les prix de l’énergie, les revenus des ménages, l’état du logement et les conditions climatiques sont évidemment très impactant. Les Ministres compétents s’attèlent à la question des revenus – problématique transversale s’il en est, et qui ne sera pas résolue d’un claquement de doigts.

    L’amélioration du logement est la principale voie activable par le biais des politiques énergétiques régionales.

    La majoration du montant des primes, la simplification des procédures, l’augmentation des moyens octroyés à la SWCS et au FWL, le soutien par le biais des plates formes locales de rénovation, et cetera, vont contribuer à faciliter l’accès aux travaux de rénovation de nombreux ménages. Il me tient particulièrement à cœur que les ménages les plus vulnérables en fassent partie.

    Le secteur du parc locatif sera par ailleurs mobilisé par le biais de la mise en place d’obligations de rénovation, tel que prévu dans le PACE.

    En ce qui concerne le service énergétique universel, nous sommes toujours en attente de certains éléments d’analyse juridique. J’ai déjà eu l’occasion de signaler plusieurs barrières qui limitent fortement la capacité d’action de la Région wallonne.

    Nous saluons et soutenons en principe la proposition de la Commission et en particulier les objectifs sous-jacents :
    - accélérer les investissements énergétiques qui garantissent la flexibilité, la capacité et la sécurité d'approvisionnement. Cette flexibilité contribuera à l'intégration des énergies renouvelables ;
    - accroître la liquidité sur les marchés à long terme et renforcer les opportunités pour les acteurs du marché de l'énergie de s'engager et de se couvrir à plus long terme (par exemple, les différentes propositions sur le développement de produits et de contrats à long terme, le couplage du marché à terme sur les zones de soumission) ;
    - permettre à tous les consommateurs européens de bénéficier de la baisse des prix de l'électricité ;
    - mettre en place le cadre permettant aux consommateurs d'avoir le choix entre des prix abordables, stables et prévisibles et des prix plus dynamiques permettant une gestion de la demande.

    Sur la protection des consommateurs vulnérables en particulier, la proposition introduit aussi des nouveaux articles sur le fournisseur de dernier recours ou la protection contre les déconnexions pour les clients vulnérables alors que ces concepts existent déjà en Belgique et sans doute dans d’autres états membres. Cela devrait être pris en compte et la proposition ne devrait pas trop interférer avec les solutions de mesures existantes qui ont bien fonctionné dans les États membres.

    En ce qui concerne la protection contre les déconnexions, il appartient à l'État membre de préciser comment ce droit renforcé est mis en œuvre (par exemple en activant les services sociaux ou en autorisant une quantité minimale d'électricité).

    La Commission ne propose pas d'indications sur ce que les États membres doivent faire dans ces situations, mais une garantie supplémentaire serait fournie pour ce type de consommateur.

    La volonté d’obliger les fournisseurs à proposer des tarifs à prix fixe sur longue durée doit être maniée avec prudence. Le risque existe que les fournisseurs compensent cette contrainte par une augmentation de ces tarifs pour se protéger contre le risque financier et le répercuter vers la clientèle.

    Toutefois, si la proposition comporte de nombreux ajustements, le mode de fixation du prix de l’électricité sur l’unité marginale n’est pas remis en question. Même si nous comprenons la nécessité d'agir rapidement et le fait qu'une réforme profonde du marché de l'électricité est irréalisable dans un délai aussi court, nous encourageons la Commission à procéder à une évaluation des systèmes de marché alternatifs pour les marchés (à court terme), dans lesquels les avantages et les inconvénients sont correctement analysés, afin d'éviter que les systèmes alternatifs ne faussent les signaux de prix, compromettant ainsi les avantages obtenus tant qu'à présent et augmentant éventuellement le coût global de la transition énergétique.

    En effet, la tarification marginale est problématique à la fois pendant la transition et une fois la transition terminée. Cela tient à deux raisons principales.

    La première est liée à l'ordre de mérite et aux effets de cannibalisation qui réduisent les bénéfices des producteurs utilisant des énergies renouvelables variables (ERV) à mesure que la transition progresse et évolue vers des prix marginaux proches des coûts d'exploitation et de maintenance des ERV, qui ne représentent qu’une très petite fraction des coûts de ces technologies sur leur durée de vie. Les gains exceptionnels actuellement élevés (en raison des flambées des prix des combustibles fossiles) des producteurs inframarginaux (en particulier les producteurs d'énergie renouvelable) et les recettes potentiellement en baisse à l'avenir pour la production d'énergie renouvelable (en raison de l'ordre de mérite et des effets de cannibalisation) sont les deux faces d'une même réalité.

    Un autre mécanisme, beaucoup moins discuté, est la dynamique sociopolitique déclenchée par la tarification marginale dans un contexte où la différence de coûts marginaux des technologies participantes est importante. Il a pleinement joué dans le cadre de la crise énergétique de l’année passée.

    Il est donc important de tirer des enseignements de l'expérience de la crise des prix de l'électricité en Europe, de comprendre ses moteurs structurels et la manière dont ils peuvent se reproduire pendant la transition, afin d'éviter des obstacles supplémentaires.

    A ce stade précoce des négociations européennes, il est impossible de se prononcer sur la manière dont cela sera traduit dans la législation wallonne.

    Les discussions avec le fédéral, tout comme avec les autres entités belges d’ailleurs, ont lieu dans le cadre de l’organe de concertation « CONCERE » relatif au marché de l’électricité. Je n’ai pas encore jugé nécessaire de prendre spécifiquement contact avec mon homologue la Ministre Van der Straeten à ce sujet.