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La reconnaissance juridique de l’écocide par le Parlement européen

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 494 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 11/04/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Lors de ma question écrite du 26 octobre 2022 (N° 115) relative à la protection de l'écosystème par l'attribution de la personnalité juridique, Madame la Ministre m'avait répondu qu'il était nécessaire de mieux analyser la question de l'effectivité et de l'efficacité d'une telle reconnaissance.
    Dans ce contexte, un élément important à l'égard de notre réflexion vient de se mettre en place au niveau européen !

    La Commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté à l'unanimité sa position sur la révision de la directive visant à protéger l'environnement par le droit pénal. Cette position inclut notamment une définition de l'écocide assortie à de sanctions plus sévères. Cette prise de position est en lien avec la proposition de décembre 2021 de la Commission visant à mettre à jour la directive existante et à fournir aux États membres un cadre plus harmonisé pour dissuader et punir les contrevenants.

    C'est tout simplement historique ! Dans le texte du Parlement, la définition juridique de l'écocide est ainsi incluse dans la liste des infractions avec des termes clairement définis.
    Si ce niveau d'ambition du texte du Parlement est maintenu lors des négociations avec les 27 et la Commission, tous les États membres devront reconnaître l'écocide dans leur droit national !

    Quelle est l'analyse de Madame la Ministre de ce développement législatif majeure au sein du Parlement européen ?

    Quelle est son analyse à ce stade du processus législatif européen ?

    Qu'en est-il des considérations opérationnelles vis-à-vis de l'inscription de l'écocide dans le droit interne ?
    Quels seraient les effets tant positifs que négatifs ?

    Qu'en est-il des infractions ainsi que des sanctions pour les entreprises et les particuliers ?

    À quoi doit-on s'attendre pour l'actualisation future de notre système juridique ?
  • Réponse du 25/05/2023
    • de TELLIER Céline
    L’objectif de la directive européenne 2008/99 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal est de s’assurer que les États membres disposent d’un arsenal d’outils permettant une poursuite et une répression efficace, dissuasive et proportionnelle des infractions environnementales et plus particulièrement lorsque celles-ci sont commises de manière délibérée ou relèvent d’une négligence grave.

    Cette directive a été appliquée au niveau wallon au travers de la partie VIII du Livre Ier du Code de l’Environnement. En l’état actuel, cette directive est néanmoins très limitée. Une révision était donc opportune. C’est ainsi que la Commission a adopté en décembre 2021 une proposition de nouvelle directive visant à lutter contre la délinquance et la criminalité environnementale. L’administration régionale de l’environnement a été associée aux discussions entourant cette directive.

    Ce projet de révision de la directive élargit notamment la liste des délits environnementaux, prévoit un niveau minimal pour les sanctions et renforce la coopération internationale en matière de répression. Le projet de directive prévoit également d’assurer un statut de protection aux personnes qui signalent des infractions environnementales et coopèrent avec les services de répression.

    Ce projet de directive prévoit aussi des sanctions spécifiques pour les personnes morales comme : l’exclusion de l’accès à certains financements publics, la publication de la décision judiciaire relative à la condamnation, et cetera. Les amendements déposés par le Parlement européen renforcent également l’ampleur de l’amende qui peut être imposée à une personne morale en prévoyant que certaines infractions soient passibles d’amendes proportionnées dont la limite maximale ne peut être inférieure à 10 % du chiffre d’affaires mondial moyen réalisé par la personne morale au cours des trois exercices sociaux précédant l’adoption d’une décision infligeant une amende. Le projet initial prévoyait un taux de 3% du chiffre d’affaires mondial total réalisé par la personne morale au cours de l’exercice social précédent l’adoption d’une décision infligeant une amende.

    Dans la version du projet de directive sur laquelle l’administration régionale a rendu un avis, l’écocide était uniquement évoqué dans les considérants. Aucune disposition spécifique relative à l’écocide n’était prévue. Ce n’est que pour donner suite à l’avis du Comité économique et social européen qu’il a été évoqué d’introduire l’écocide dans le dispositif du projet de directive.

    Cette volonté d’intégration est évidemment à saluer dans la mesure où cette incorporation au niveau européen permettra une uniformisation des courants de pensée quant à l’écocide dans toute l’Europe. Ce qu’il faut particulièrement souligner, c’est la définition large retenue par le Parlement européen qui appréhende le dommage à toutes les composantes de l’environnement, comme la qualité de l’air, du sol, de l’eau, la biodiversité, mais également l’ensemble des services et des fonctions des écosystèmes, les dommages aux animaux, ou aux plantes …

    On peut espérer que cette impulsion permettra une meilleure collaboration entre les États membres quant à la poursuite des faits constitutifs d’écocide.

    En ce qui concerne l’actualisation future du système juridique, lorsque cette directive sera adoptée, des modifications devront effectivement être apportées à la législation régionale via la transposition, en droit interne, des dispositions de la directive. Cela nécessitera d’emblée un travail collaboratif entre le fédéral et les régions. La notion proposée d’écocide étant particulièrement large, il faudra s’assurer de la coordination des transpositions pour l’ensemble de l’état fédéral et des entités fédérées, ce qui n’est pas une tâche aisée. En outre, spécifiquement en ce qui concerne l’écocide, il faut rappeler que des discussions au fédéral sont en cours quant à l’insertion du crime d’écocide dans le futur nouveau Code pénal. Il faut également souligner que la compétence de légiférer en matière de procédure pénale est réservée par la Constitution au législateur fédéral. Ainsi, toute initiative régionale est dépendante de ce que décidera le législateur fédéral quant à l’écocide.