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L’élevage du saumon en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 589 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 12/04/2023
    • de MATHIEUX Françoise
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Ce 24 janvier, L'Avenir consacrait un article à l'élevage et à la consommation de saumon en Belgique. Le saumon est l'espèce d'élevage la plus consommée par les Belges avec 95 000 tonnes par an. Une société, « Cold Water », envisage d'ailleurs de produire en « circuit recirculé », à Baelen, 1 200 tonnes de saumon par an. Toutefois, elle n'a, à ce jour, pas reçu de la commune le permis d'environnement nécessaire à la mise en place de son projet.

    Un tel projet aurait un impact environnemental bénéfique en impliquant un apport chimique moindre que pour les élevages en cage en mer et moins de pollution liée au transport.

    En parallèle, je lisais dernièrement une étude du CIWF (Compassion in World Farming) sur l'élevage des saumons qui pointait du doigt l'état déplorable des conditions de vie des saumons d'élevage dans les pays scandinaves, et notamment, en Écosse. Des algues poussant dans des plaies ouvertes, de l'eau sale et désoxygénée, des poissons morts jetés dans des fosses à ciel ouvert avec un risque sanitaire potentiel, des poissons morts flottant dans des cages surpeuplées, des saumons infestés de parasites… Il semblerait qu'avec l'expansion du marché, les risques sanitaires soient de plus en plus élevés et le bien-être animal mis à mal.

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre sur le développement d'élevages de saumons locaux ?

    Est-il au fait de projets en cours ou à venir dans ce secteur en Wallonie ?

    L'utilisation de l'eau des nappes phréatiques pour ce type de projets lui semble-t-il souhaitable ?

    A-t-il connaissance des problèmes sanitaires et de bien-être animal liés à l'élevage de saumons dans les pays scandinaves ?

    Quelle est sa marge de manœuvre en la matière à l'échelle wallonne ?
  • Réponse du 27/04/2023
    • de BORSUS Willy
    Le développement de l’élevage de saumons locaux en Wallonie constituerait une voie de diversification des productions de la filière aquacole wallonne. En effet, cette espèce y est largement consommée au travers de produits frais ou transformés importés. Actuellement, la demande en saumon d’élevage est tellement élevée que celle-ci conduit à certaines dérives notamment en termes de bien-être animal, de situation sanitaire et d’impact environnemental. Il est donc nécessaire de ne pas reproduire ces dérives en développant des projets aquacoles raisonnés qui tiendront compte des caractéristiques (disponibilité limitée en terre agricole, préservation des zones naturelles et qualité des productions locales) et des réalités wallonnes (changement climatique, déficience de l’autonomie alimentaire et désintéressement des jeunes générations pour le travail de la terre).

    La filière aquacole wallonne est essentiellement constituée de salmoniculteurs produisant de la truite arc-en-ciel et de la truite fario, deux espèces exigeantes par rapport à la température et au taux d’oxygène des eaux d’élevage. Les volumes de production annuelle (200 tonnes produites localement et plus de 1000 tonnes importées vivantes) sont destinés, d’une part, au marché de bouche local et, d’autre part, à l’empoissonnement des parcours de pêche, et représentent à peine 1 % de la consommation de poissons en Wallonie. L’extension de ce modèle de production est principalement limitée par la disponibilité en sites propices à sa mise en œuvre.

    Par ailleurs, la filière salmonicole wallonne est fragilisée par des évènements climatiques exceptionnels récurrents qui donnent lieu à une précocité de la période d’étiage, conduisant à des périodes critiques, durant lesquelles les conditions d’élevage délétères voire létales pour les truites, engendrent des pertes importantes de production. Afin de rendre les systèmes d’élevage plus résilients, des pistes sont à l’étude, notamment une végétalisation des cours d’eau pour en limiter l’échauffement, une limitation des obstacles à la circulation de l’eau pour assurer une meilleure oxygénation et réduire l’échauffement, ainsi que des solutions techniques (aérateur d’appoint couplé à une source d’énergie renouvelable, ombrage des unités de production et recirculation de l’eau). Dans ce contexte, les systèmes d'aquaculture en recirculation (RAS) hors sol, conduits en environnements contrôlés couplés à un traitement mécanique et biologique des effluents d’élevage, permettent leur implantation sur des zones non valorisables pour d’autres productions agricoles, et se distinguent par leur consommation limitée en eau. Le projet porté par la société « Cold Water » à Baelen, visant à produire 1200 tonnes de saumons, peut être considéré comme un projet pionnier de production de poisson en RAS en Wallonie. Cependant, fin décembre, la Commune de Baelen a rejeté la demande de permis d’environnement en raison d’une étude d’incidence environnementale jugée incomplète et d’une ambiguïté de compréhension de la consommation en eau annoncée par le projet.

    L’utilisation d’eau de forage met l’élevage à l’abri des aléas climatiques, mais aussi à l’abri de divers agents pathogènes biologiques absents des nappes phréatiques. Mais ce système n’est pas la panacée, en raison du coût de l’énergie et de la qualité gazeuse de l’eau.

    Les systèmes RAS sont généralement alimentés à partir d’eaux issues de nappes phréatiques, et permettent une consommation en eau bien inférieure au système d’élevage en dérivation à volume de production égale. Ils sont soumis à la même législation que les systèmes en dérivation à savoir que la qualité des eaux résiduelles de l’élevage doit être similaire à la qualité du milieu réceptionnaire (normes sectorielles de l’AGW du 10 mars 2005). Concernant les besoins en eau de tels projets d’élevage, il est indispensable qu’ils soient évalués au cas par cas pour être en adéquation avec les autres activités des sites retenus.

    Les dérives des conditions d’élevage du saumon dans les pays scandinaves et nordiques, résultant principalement de l’intensification abusive et non maîtrisée des densités d’élevage, ont favorisé le développement de pathologies, une diminution de l’immunité des poissons et une utilisation excessive d’antibiotiques préjudiciables pour la santé et l’environnement.

    En Norvège, les normes sanitaires imposées aux élevages de saumons étant plus strictes et contraignantes que celles appliquées dans l’UE, la recherche a permis le développement et la mise sur le marché de vaccins contre de très nombreuses maladies bactériennes et virales. Cette vaccination a permis de réduire très fortement l’utilisation d’antibiotiques dans la production. Les problèmes sanitaires et environnementaux (pesticides) liés au pou du saumon dans les élevages en mer ne concernent évidemment pas la Wallonie.

    La Norvège reconnaît que la néphrocalcinose (apparition de dépôts minéraux dans le rein), ainsi que des problèmes de développement morphologique (atrophie des opercules, altération des nageoires) sont les trois premières causes d’atteinte au bien-être animal.

    Certaines mortalités massives de saumons en quelques heures peuvent également avoir une origine naturelle, due à la prolifération d’algues en surface.

    À l’échelle de la Wallonie, une vérification de l’adéquation des projets aquacoles à grande échelle, notamment en RAS (systèmes d'aquaculture en recirculation), avec les limites des conditions sectorielles de production intensive doit être réalisée. De plus, l’évaluation du respect des démarches de demande d’obtention de permis d’environnement constitue une assurance supplémentaire du bien-fondé de la mise en œuvre de ces projets.

    Ces démarches permettraient d’identifier les projets porteurs pour la filière aquacole wallonne tout en permettant à notre territoire de les accueillir. Cette stratégie de développement de la filière aquacole wallonne par la mise en œuvre de projets d’ampleur fait partie des objectifs qui ont été clairement établis dans le plan stratégique de développement de la filière pour 2021 à 2030 et validés par le Gouvernement wallon en date du 7 juillet 2022.