/

La dangereuse politique de statutarisation effrénée menée par le Gouvernement wallon

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 320 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 14/04/2023
    • de ANTOINE André
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    Dès 2024, les pouvoirs publics flamands n'engageront plus de fonctionnaires. La mesure vise à gommer les actuelles différences entre agents contractuels et statutaires. Et elles sont énormes: les premiers peuvent être licenciés beaucoup plus facilement que les seconds, leur salaire augmente moins vite, ils se retrouvent avec une pension inférieure au terme de leur carrière, et en cas de maladie de longue durée, leur salaire tombe à 60% alors qu'un agent définitivement nommé continue à percevoir son traitement plein jusqu'à la pension. Les contractuels actuellement en service, qui représentent environ 30% de l'effectif, voient ainsi tout espoir de nomination définitive leur échapper.

    Cette mesure dont les modalités pratiques doivent encore être discutées avec les syndicats fait partie de l'accord social 2022-2023 approuvé cette semaine par le gouvernement flamand, mais ne concerne pas l'enseignement.

    Le choc social est évidement total avec la Wallonie qui, elle décide non seulement d'augmenter très sensiblement le nombre de statutaires dans la fonction publique régionale, mais a également souhaité faciliter le passage des contractuels à une situation de statutaires grâce au bénéfice de l'article 119 quater du Code de la fonction publique.

    Rappelons que ce dispositif implique le passage d'un seul examen et non de deux épreuves de sélection comme pour tout candidat issu de la société civile. Comme certains spécialistes, l'on peut s'interroger sur la conformité de cette réglementation au principe constitutionnel d'égalité de traitement. Mais on doit surtout s'interroger sur la soutenabilité financière de ce dispositif au sein de nos UAP qui voient leurs cotisations sociales s'envoler sans que les dotations publiques ne couvrent, loin s'en faut, ces nouvelles dépenses. Plus grave encore, les Wallons devront s'acquitter prochainement de la majorité de cotisations de responsabilisations pensions, y compris pour les pensionnés flamands dont les actifs de cette région seront désormais tous contractuels et donc plus concernés par cette charge explosive.

    Comme le souligne à raison Arnaud Dessoy, spécialiste des finances publiques chez Belfius, la Wallonie est en train de se constituer une dette historique non maitrisée envers le régime des pensions des statutaires en organisant un transfert financier Sud Nord insoutenable à terme.

    Madame la Ministre peut-elle nous indiquer l'évaluation de la charge salariale des statutaires en Région wallonne, singulièrement dans les UAP et nous préciser le montant de la dotation publique arrêtée en 2023 pour couvrir ses dépenses ?

    Quelle sera, selon elle, l'évaluation du montant dû par la Wallonie en termes de cotisations responsabilité pension ?

    Face à ces chiffres, ne serait-il pas plus raisonnable de renoncer à la voie de la staturisation en privilégiant le recrutement de contractuels tout en constituant un second pilier comme elle l'avait encouragé alors qu'elle était Ministre des Pouvoirs locaux ?

    Ce dispositif a, malheureusement, été supprimé par son collègue, le Ministre Christophe Collignon ! Comment dès lors envisage-t-elle l'avenir de notre fonction publique pour qu'elle soit performante et moins coûteuse en termes de cotisations ?
  • Réponse du 23/05/2023 | Annexe [PDF]
    • de DE BUE Valérie
    Rappelons que si une politique de statutarisation est en cours, c’est notamment parce que la convention sectorielle 2013-2016, signée le 19 septembre 2016 alors que ma formation politique ne faisait pas partie de la majorité, prévoyait un élargissement des conditions de l’article 119 quater du Code de la fonction publique wallonne afin de permettre à un contractuel engagé à durée indéterminée, lauréat d’une épreuve SELOR, d’être nommé sur l’emploi qu’il occupe.

    En exécution de cette convention, le Gouvernement de l’époque avait approuvé en première et deuxième lecture un projet d’arrêté modifiant ledit article 119 quater et ce contexte avait bien entendu créé une attente légitime dans le chef des organisations syndicales représentatives et des membres du personnel contractuel eux-mêmes.

    Je me refuse par ailleurs à aborder la réflexion sur les avantages et inconvénients du statut administratif par le biais du licenciement. La finalité d’un engagement contractuel ou d’un recrutement statutaire n’est pas de déboucher sur un licenciement et les nécessités d’envisager une telle extrémité restent heureusement exceptionnelles.

    De plus, les deux régimes tendent à se rapprocher et il y a de réelles possibilités de licencier un agent statutaire qui ne remplit pas ses obligations, dans le même temps qu’il y a un contrôle juridictionnel de plus en plus strict des licenciements des agents contractuels. L’Autorité fédérale travaille d’ailleurs en ce sens en élaborant un avant-projet de loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public.

    Je peux laisser croire que les fonctionnaires nommés sont excessivement protégés alors que les membres du personnel contractuels pourraient être licenciés sans raison sérieuse.

    Quoi qu’il en soit les données en matière salariale et de cotisation de responsabilisation au régime des pensions sont connues.

    Comme le résume le rapport 2022 du Comité de monitoring, pour les années budgétaires 2015 à 2020 incluse, les cotisations de responsabilisation annuellement dues étaient fixées par entité sur base des modalités de calculs définies par la loi spéciale du 5 mai 2003.

    Depuis l’année budgétaire 2021, les Régions, les Communautés et les Commissions communautaires doivent contribuer davantage au coût budgétaire du vieillissement. Les règles du mécanisme de responsabilisation ont donc été adaptées afin d’atteindre de manière progressive et linéaire un taux de contribution qui, en 2028, sera équivalent au taux de cotisation sociale qui est dû par tout employeur pour ses travailleurs soumis au régime des pensions des travailleurs salariés. Ce taux s’élève actuellement à 8,86 %, le delta entre le taux de cotisation statutaire et contractuel restant à charge du fédéral.

    Ainsi le pourcentage de contribution est égal à 3/10e pour l’année budgétaire 2021 et à 9/10e pour l’année budgétaire 2027 du « taux de cotisation sociale employeurs ». À partir de l’année budgétaire 2028, le pourcentage de contribution correspondra intégralement à ce taux.

    Au 31 décembre 2022, la masse salariale statutaire du Service public de Wallonie soumise au taux de cotisation sociale employeurs pour l’année 2022 s’élevait à 307,5 millions d’euros. Hors statutarisation, mais compte tenu notamment des indexations prévisibles, le Comité de monitoring estime que la cotisation de responsabilisation va ainsi passer de 13.624.127 en 2023 à 35.342.187 d’euros en 2028.

    Dans ce contexte, mes services estiment l’impact budgétaire des statutarisations de la manière suivante :

    Au 1er avril 2023, les 1.363 contractuels du SPW qui sont devenus statutaires depuis avril 2022 génèrent une économie brute de 13,7 millions d’euros par an. En déduisant le surcoût de la cotisation de responsabilisation, l’économie nette s’élève à 9,6 millions d’euros pour 2023 et diminue dégressivement jusqu’à un montant de 6,9 millions d’euros en 2028.

    Le graphique en annexe extrapole l’économie nette engendrée par l’article 119 quater au sein du SPW jusqu’en 2028 en appliquant trois scénarios envisagés dans le rapport du monitoring (statutarisation de 40%, 60 % ou 80 % des contractuels statutarisables au bout de 6 ans).

    Au-delà de l’année 2028, l’économie nette se stabiliserait à environ 15-19 millions d’euros par an lorsque le taux de contribution restera figé à 100%.

    C’est une bonne nouvelle puisque la cotisation de responsabilisation ne fait que diminuer partiellement l’économie du SPW.

    Par contre, en intégrant les OIP dans le périmètre de consolidation, l’article 119 quater représente à partir de 2028 un surcoût annuel de 11,7 millions d’euros pour les 2.628 dossiers actuellement validés.

    En ce qui concerne la constitution d’un second pilier de pensions, je rappelle qu’un avis du Conseil d’État du 15 mai 2019 a conclu que la Région wallonne n’est pas compétente pour régler le régime de pension de son personnel.

    En outre, dès cette époque, le coût était estimé à plus de 11 millions par an et il est donc sensiblement équivalent à celui de la statutarisation.

    Je ne pense pas que l’abandon du statut puisse contribuer de manière significative à une augmentation des performances de l’Administration wallonne. L’accent doit plutôt être mis sur la qualité des sélections, la formation, la digitalisation et l’attractivité.