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L’intérêt de la Région wallonne pour la création d’une usine à batteries

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 608 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 17/04/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Monsieur le Ministre a exprimé, via un article du Soir du 7 avril 2023 son ambition que la Région wallonne se positionne sur le marché en plein boom des batteries, avec notamment l'annonce d'un appel d'offres en ce sens !

    C'est un appel d'offres pour cinquante millions d'euros pour soutenir, via du capital ou des prêts, des projets porteurs dans la production, le reconditionnement et/ou le recyclage de batteries destinées au stockage d'énergie pour les applications mobiles ou stationnaires.

    La somme de cet appel d'offres pourrait même être revue à la hausse ! Une task force devra s'occuper de l'accompagnement dudit projet sélectionné.

    Rappelons qu'entretemps un projet d'usine à batteries est en gestation à Seneffe via la société belge ABEE. Il faudra être patient pour y entrevoir un vrai projet industriel complet.

    Wallonie Entreprendre dit avoir reçu plusieurs marques d'intérêts d'acteurs étrangers actifs dans les batteries pour une installation en Wallonie.

    Quelles sont ses considérations économiques, sociales, et techniques quand la faisabilité de cet appel d'offres ?

    Quelles sont l'analyse et les recommandations de Wallonie Entreprendre à ce sujet ?

    Qu'en est-il des acteurs mentionnés qui auraient exprimé leur désir d'installation ?

    Quels sont les obstacles et les défis d'une telle installation en Région wallonne ?

    Quelles sont les considérations techniques à avoir notamment concernant la sélection de terrain ?

    Comment tire-t-on profit des enseignements donnés par le cas du projet d'usine à Seneffe ?

    Qu'en est-il des perspectives concernant l'usine à batteries à Seneffe ?

    Quelles sont les prochaines étapes ? Quels sont les obstacles et défis à surmonter ?

    Quel est le calendrier de l'appel d'offres ?

    Quels pourraient être les montants si l'on prévoit de revoir le tout à la hausse ?

    Qu'en est-il de cette fameuse task force ? Qui seront ses acteurs ? Qu'en est-il d'un suivi approprié de leur futur travail ?
  • Réponse du 15/05/2023
    • de BORSUS Willy
    Le marché du stockage d’énergie par batteries (stationnaires et mobiles) va très fortement se développer au cours des 10 prochaines années. Ceci est dû à la percée des véhicules à motorisation électrique dans les moyens de transport (en 2030, un véhicule automobile produit sur deux sera électrique) et du développement des énergies renouvelables, celles-ci étant décentralisées et intermittentes, entrainant un besoin important de moyens de stockage et d’équilibrage du réseau via des batteries stationnaires.

    Beaucoup de projets industriels majeurs naissent actuellement en Europe, mais ce ne sera pas suffisant pour répondre à une telle demande en plein boom. Au vu de ce potentiel, il est donc important pour la Wallonie d’en capter une partie afin de créer de la valeur et de l’emploi. De plus, ces projets industriels revêtent un caractère innovant, mais donc aussi un risque accru nécessitant une incitation publique, comme c’est le cas pour les projets d’ampleur lancés récemment dans le nord de la France et en Allemagne (environ 25 % de financement public pour les premières phases).

    Les projets actuellement annoncés en Europe présentent des budgets d’environ 2 Mds € pour 40 GWh avec une part de 25 % de financement public pour un potentiel d’emplois directs entre 1 400 et 2 000, et 4 à 5 000 emplois indirects. On parle également pour chaque GWh de capacité de production d’un investissement entre 25M€ et 50M€. Sur la base de ces chiffres, il semble que le budget initial de 50M€ couplé à un suivi complet (aides diverses, feuille de route des projets de R&D, etc.) alloué à l’appel à manifestation d’intérêts permettra d’engendrer un effet de levier sur les investisseurs privés et d’attirer des projets en Wallonie.

    Wallonie Entreprendre, fort de ses succès lors des 3 appels à projets précédents (Recyclage des plastiques, masques chirurgicaux et matériaux de construction), a choisi de lancer ce projet sous forme d’appel à manifestation d’intérêts, permettant une approche top-down visant à catalyser les projets des industriels pour répondre au vide de gigafactories en Wallonie et accélérer la croissance de plus petites entreprises déjà actives dans le secteur.

    L’ambition est également de provoquer une accélération de l’exécution de certains projets qui seraient jugés non prioritaires par les industriels.

    La dynamique de l’appel à manifestation d’intérêts ne vise pas à financer des projets de recherche et développement à proprement parler même, si les projets retenus peuvent se combiner avec d’autres aides à la recherche disponibles en Région wallonne. En collaboration avec les organismes idoines dont c’est la mission, WE analysera les perspectives pour les projets de R&D. Néanmoins, il s’agit de financer des projets mûrs, tout en étant innovants, voire disruptifs, qui ne présentent pas un risque technologique exagéré et qui sont propices à l’émergence de certains maillons manquants des chaînes de valeur sur de nouveaux marchés ou secteurs porteurs.

    Un point crucial de ce marché en forte croissance est la forte activité en développement technologique. C’est le secteur qui a vu le plus de brevets européens déposés sur les 5 dernières années. Il sera donc important pour chaque projet d’évaluer la capacité d’adaptation en termes d’évolutions technologiques et de définir comment le projet, l’unité industrielle, répondra ou s’adaptera à celles-ci.

    Techniquement, la gestion des aspects administratifs sera importante pour faciliter l’implantation des usines en Wallonie, c’est pourquoi les projets sélectionnés devront être accompagnés afin de maximiser la concrétisation des projets.

    Les acteurs qui ont fait preuve de marque d’intérêts sont couverts par des NDA (non disclosure agreement) qui interdisent toute communication. Il peut toutefois être indiqué que la Wallonie est bien positionnée notamment du fait de sa proximité avec d’importants acteurs de l’automobile. De plus, les compétences d’acteurs locaux et le lien avec un tissu industriel élargi restent des facteurs attrayants pour les investisseurs étrangers. Ces industriels sont des acteurs internationaux qui mettent en concurrence les différentes Régions dans les pays qui nous entourent, voire parfois même avec d’autres continents. Le présent appel à manifestation d’intérêts, même s’il ne constitue pas une garantie ultime du choix de la Wallonie, combinés aux atouts cités ci-dessus, augmentera les chances que notre Région soit une terre d’intérêt pour ce type de projet.

    Les défis sont les mêmes que toute implémentation industrielle. La recherche du bon site prenant en considération les aspects économiques, stratégiques, mais aussi environnementaux reste primordiale. Le transport et le logement des travailleurs en dépendent également directement. La formation des ressources locales sera également un point clé pour une installation réussie en Wallonie. Le coût de l’énergie est aussi un défi réel pour notre Région. Toutefois, les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, les programmes de financement pour l’utilisation rationnelle de l’énergie et la production d’énergie propre ainsi que les compétences wallonnes en la matière pourraient compenser les coûts plus élevés de l’électricité dans notre Région, voire lui donner un avantage compétitif.

    Les considérations à prendre en compte sont, d’une part, géographiques afin d’insérer le projet parfaitement dans une chaîne de valeurs efficace et, d’autre part, environnementales, ce qui comprend beaucoup d’aspects, comme les déplacements, les transits, la pollution générée, l’impact sur la biodiversité, etc. L’aspect sécurité pour une usine électrochimique est également une considération majeure. Enfin, il faut considérer la capacité des industriels intéressés pour passer à des usines de taille de plus en plus importante (scaling up).

    L‘appel à manifestation d’intérêts est pour partie issu des enseignements du projet d'usine à Seneffe. Eu égard au coût capitalistique de telles usines, mais aussi à leurs autres besoins (aides, terrains, etc.), il est apparu qu’il serait opportun de faire un appel facilitant par la suite l’ensemble de ces éléments. L’analyse stratégique, le momentum et la considération ci-dessus sont les principaux éléments qui ont mené à l’élaboration de cet appel à manifestation d’intérêt.

    Le projet à Seneffe se poursuit. Une réunion d’information préalable au public a eu lieu ce mois-ci afin de récupérer les demandes et observations du public avant l’étude d’incidence et le dépôt du permis. Sans qu’il ne bénéficie d’aucun avantage particulier, le projet pourrait le cas échéant participer à cet appel à manifestation d’intérêt.

    La prochaine étape est l’étude d’incidences environnementale, prenant en compte les conclusions de la RIP, avant la demande de permis. Le défi de ce projet est de définir un projet s’intégrant parfaitement en prenant en considération tous les aspects économiques, sociaux et environnementaux tout en gardant l’attrait du projet en termes de création de valeur pour la Wallonie.

    Le dépôt des lettres d’intention des porteurs de projets est attendu pour le 15 juin au plus tard. Une présélection sera alors effectuée par un jury composé d’experts pour la mi-juillet. Pour les projets présélectionnés, il sera alors demandé de remettre un avant-projet avec des données et des business plans consolidés prenant en compte les éventuelles recommandations du jury. Les avant-projets seront remis pour la fin septembre. Le jury remettra alors sa sélection pour la mi-octobre et le Gouvernement pourra alors valider cette sélection au mois de novembre. Les projets suivront alors le parcours classique décisionnel de Wallonie Entreprendre (montage et validation par le Conseil d’Administration).

    Concernant une augmentation des montants, celle-ci n’est pas définie à ce jour, car elle dépendra fortement de la qualité et du besoin des différents projets. Une fois les « Letters of Intent » analysées, le montant nécessaire pourra être réévalué et la recevabilité d’un montant supérieur pourra être demandée aux organes de gestion de Wallonie Entreprendre. Ce sera alors à Wallonie Entreprendre de déterminer le montant maximal pouvant être octroyé dans ce cadre en analysant les besoins projet par projet.

    La « task force » regroupera des représentants des acteurs institutionnels concernés pour accompagner et aider au mieux les entreprises concernées et si possible accélérer l’identification des sites d’exploitation nécessaires, l’obtention des permis uniques et autres autorisations administratives ainsi que des aides à l’investissement. Des acteurs tels que, par exemple, le pôle Mecatech pourront aider à faciliter la réalisation d’une feuille de route R&D. Wallonie Entreprendre veillera au suivi des avancées du groupe de travail.