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La souveraineté énergétique de la Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 966 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 21/04/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La guerre initiée par la Russie en février 2022 a ébranlé le monde entier. Les conséquences sociales et économiques impactent la Région et imposent de reconsidérer le futur. L'approvisionnement de gaz notamment pose question au regard du positionnement russe. La Belgique, lors de l'année 2022, a importé 12 % de son gaz en provenance de Russie. Si l'on ne peut parler de dépendance, il n'en reste que ce pourcentage reste élevé, d'autant que la Belgique a augmenté ses importations de gaz russe de 28 % par rapport à 2021.

    À cet égard, l'intercommunale de la Province du Hainaut, Ceneo, est à l'initiative de plusieurs projets de biométhanisation. Ces projets se développent dans le cadre de partenariats publics-privés afin de profiter de l'expertise des entreprises du secteur. Assurer la souveraineté énergétique de la Wallonie dans un monde instable et en perpétuel mouvement est un objectif essentiel.

    L'intercommunale, forte d'1,2 milliard d'actifs détenus par 57 communes, s'est fixée comme objectif d'injecter du gaz local, c'est-à-dire produit grâce à des déchets agricoles ou d'industries alimentaires, dans le réseau d'Ores. Plusieurs stations de biométhanisation vont ainsi être créées dans le Hainaut. À Leuze-en-Hainaut, la construction d'une telle station débutera dans les prochains mois.

    Le Fonds pour une transition juste, géré par l'Union européenne, permettra d'initier deux stations de biométhanisation dans la Région de Charleroi, deux autour de Tournai et une à Dour. Ces projets devraient être opérationnels au plus tard en 2027.

    Ces projets sont prometteurs car ils permettront d'accompagner la transition énergétique, de valoriser le large réseau d'Ores et de prendre notre destin en main.

    Qu'est-il mis en œuvre en matière de souveraineté énergétique dans notre Région ?

    Comment la Région favorise-t-elle les projets visant à accélérer la transition énergétique ?

    Comment s'opère la concertation avec les communes dans la gestion de l'énergie ?

    Qu'en est-il de la concertation avec les autres niveaux de pouvoir ?

    Monsieur le Ministre peut-il m'en dire plus sur les projets évoqués ci-dessus ?

    Quel est le rôle de la Région dans leur mise en œuvre ?

    Concernant l'hydrogène vert, compte-t-il élaborer un cadre afin que des opérateurs puissent investir dans cette filière d'avenir ?

    Comment la Wallonie soutiendra-t-elle les projets d'hydrogène vert ?

    Peut-il me rappeler la répartition des compétences relativement à l'hydrogène vert ?
  • Réponse du 09/06/2023
    • de HENRY Philippe
    La crise énergétique qui résulte de l’agression russe en Ukraine a plus que jamais mis en lumière l’importance hautement stratégique de l’énergie et la nécessité de veiller à un approvisionnement sûr, abordable et durable.

    La réforme de l'État de 1980 a réparti les compétences sur les questions de l'énergie entre l’État et les Régions. Afin d’éviter que d’éventuelles incompatibilités perturbent les mesures politiques ou les rendent moins efficaces, une concertation a été formalisée le 18 décembre 1991 par l'accord de coopération relatif à la coordination des activités liées à l'énergie conclue entre l’État fédéral, la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale. Dans la pratique, cet accord s’est traduit par la mise en place de CONCERE, un groupe de concertation qui renforce la coopération entre les gouvernements fédéraux et régionaux dans le domaine de l'énergie. Il rassemble des délégués des quatre administrations et des quatre cabinets responsables de l'énergie, la Représentation permanente de la Belgique auprès de l’Union européenne et la Direction générale Coordination et Affaires européennes du SPF Affaires étrangères.

    La loi de réformes institutionnelles prévoit que la sécurité de l’approvisionnement énergétique et le mix énergétique relèvent de la compétence de l’État fédéral. En revanche, la promotion des énergies renouvelables relève des compétences régionales et, à ce titre, les Régions ont un rôle important à jouer afin de contribuer à accélérer la transition énergétique et, en conséquence, à soutenir l’amélioration de notre souveraineté énergétique.

    Dans ce cadre, de nombreuses actions sont initiées ou poursuivies en Wallonie. Sans être exhaustif, je peux notamment citer :
    - la production d’électricité verte via le mécanisme des certificats verts ;
    - la transition des entreprises grâce aux aides à l’investissement pour l’utilisation durable de l’énergie et aux Accords de branche ;
    - le déploiement des énergies renouvelables dans différents secteurs via les primes pour les particuliers, les programment Infrasport, et cetera ;
    - l’efficacité énergétique et le contrôle de la consommation d’énergie, notamment par le biais de primes aux particuliers pour l’isolation de leur logement, le programme UREBA pour les bâtiments publics, et cetera.

    Pour plus de détails, j’invite l’honorable membre à consulter le PACE (Plan Air Climat Énergie) 2030, adopté par le Gouvernement le 21 mars dernier.

    Il n’existe pas de concertation spécifique avec les communes en ce qui concerne la gestion de l’énergie, mais le programme POLLEC (Politique locale Energie-Climat) vise à les soutenir dans la mise en œuvre de leur politique locale en matière d’énergie et de climat.

    En ce qui concerne les projets évoqués dans sa question, je peux donner quelques précisions pour le projet Sibiom, situé à Leuze-en-Hainaut. Il devrait produire environ 20 600 000 Nm3 de biogaz par an, principalement à partir de déchets agroalimentaires (dont une bonne partie provenant des installations voisines de Lutosa). L’objectif est d’injecter sur le réseau la majeure partie du biométhane produit ; le surplus alimentera plusieurs cogénérations sur place. Ce projet est en bonne voie et constituera, à terme, la centrale de biométhanisation avec la plus grande capacité d’injection en Wallonie.

    Elle mentionne également le Fonds pour une transition juste (FTJ) dans sa question. Ce fonds a été créé par l’Union européenne pour permettre de faire face aux conséquences sociales, économiques et environnementales de la transition énergétique. En Région wallonne, les arrondissements de Tournai, Mons et Charleroi recevront un soutien de 182,6 millions d’euros au titre du FTJ, complété par une contrepartie wallonne (soit un budget total de 456 millions d’euros). Ce soutien permettra notamment aux communes, aux intercommunales ou encore aux agences de développement des territoires concernés de mettre en place une filière de production d’énergie verte. Cette filière peut viser la production d’hydrogène vert produit au départ d’énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne, solaire ou la biomasse ou la production de biométhane vert produit au départ de biodéchets industriels et d’effluents d’élevage à proximité. L’énergie propre produite grâce à ces vecteurs sera réinjectée dans le réseau local et utilisée par les entreprises privées et publiques présentes sur le territoire.

    L’appel à projets pour le FTJ devrait être lancé par la Région wallonne dans le courant de l’année 2023.

    Les porteurs de projets devront répondre à une série de critères, comme s’inscrire en cohérence avec les stratégies européennes et wallonnes en matière de transition énergétique et de neutralité climatique et démontrer l’implication de différents partenaires locaux. À ce stade, les projets retenus dans le cadre de ce fonds ne sont donc pas encore connus.

    En ce qui concerne l’hydrogène, un Plan stratégique wallon est en cours d’élaboration afin d’identifier une vision et un certain nombre d’objectifs stratégiques pour 2030. Ce travail repose sur une concertation avec les stakeholders représentatifs de l’ensemble de la société wallonne, en étroite collaboration avec les membres du Gouvernement à qui reviendra la validation finale de la stratégie. Ces discussions dessineront le cadre dans lequel s’inscriront les investissements des opérateurs en matière d’hydrogène vert.

    Nous avons commencé à soutenir des projets sans attendre la finalisation de cette stratégie, notamment dans le cadre du PRW. Le plan stratégique wallon pour l’hydrogène, par son approche holistique et l’implication de stakeholders représentatifs de l’ensemble de la société wallonne, offrira un cadre aux futurs projets et appels à projets. Toute proposition contribuant à garantir à la Wallonie un approvisionnement couvrant ses besoins actuels et futurs en hydrogène décarboné, incluant l’hydrogène vert, fera assurément l’objet d’une attention particulière.

    La répartition des compétences entre les Régions et l’État fédéral en matière d’hydrogène n’est pas encore clairement établie. Elle fait l’objet d’une concertation entre les différents niveaux de pouvoir depuis mai 2021 sur base de deux documents : une note d'interprétation commune de la répartition des compétences proposée par le fédéral, d’une part, et un projet de loi fédéral relatif au transport d’hydrogène par canalisations, d’autre part. D’après les informations dont je dispose, aucun de ces deux documents n’a pour l’instant abouti, en raison principalement d’un blocage de la Flandre. De notre côté, nous ne rencontrons pas de problème majeur avec le projet de loi fédérale, pour autant qu’il laisse le champ ouvert en matière de réseaux de transport. Cependant, nous regrettons le report de la concertation sur cette thématique, car l’ensemble des acteurs belges aurait bien plus à perdre à l’échec de la concertation, le secteur étant déjà fragilisé par cette situation.