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Le traité commercial UE-Mercosur

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 642 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 24/04/2023
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Lundi 20 mars 2023, à l'occasion du Conseil européen des Ministres de l'Agriculture, le projet de traité commercial UE-Mercosur est revenu sur la table puisqu'il semblerait que la Commission européenne souhaite aboutir pour l'été.

    Pour rappel, le Mercosur, également appelé Marché commun du Sud, est une communauté économique regroupant plusieurs pays de l'Amérique du Sud, à savoir l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Venezuela.

    Ce traité Mercosur, pour reprendre les propos d'un syndicat agricole wallon est « d'une incohérence inacceptable en pleine mise en œuvre de la nouvelle PAC, avec laquelle il est demandé aux agriculteurs européens de faire plus avec moins. Ce traité porte sur le renforcement d'échanges commerciaux concernant des produits que nous sommes en capacité de produire localement et sur la mise en concurrence déloyale de notre agriculture avec des productions ne respectant pas les normes imposées à nos agriculteurs ».

    Alors que l'Union européenne et ses États n'ont cessé d'émettre des normes de plus en plus strictes en matière climatique, environnementales et de bien-être animal, l'accord Mercosur est lacunaire sur les aspects agricoles durables et pointe des différences d'échelle notamment en matière de contrôles des normes de sécurité alimentaire et vétérinaire, de traçabilité et de règles d'identification des animaux. Plusieurs États, dont l'Autriche, ont exhorté la Commission européenne à « se recentrer sur une politique agricole européenne à forte production, sur un marché intérieur fonctionnel et sur sa propre sécurité alimentaire, mettant en exergue des accords de réciprocité dans les mêmes conditions pour assurer une concurrence loyale ».

    Malgré ces nombreux défis, la presse relate que le commissaire européen à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, a souligné que la Commission est convaincue que l'accord commercial UE-Mercosur est assez restrictif pour éviter des problèmes sur le marché agricole européen.

    Monsieur le Ministre pourrait-il faire le point sur le Conseil européen des Ministres de l'Agriculture du 20 mars dernier et, plus précisément, sur le point concernant le traité commercial UE-Mercosur ?

    La position de l'Autriche est-elle partagée par les autres pays membres de l'Union européenne ?

    Quelle position la Wallonie et, plus largement, la Belgique a-t-elle défendue ?

    Monsieur le Ministre a-t-il exprimé son opposition à la scission du volet commercial de l'accord ?
  • Réponse du 16/05/2023
    • de BORSUS Willy
    Le 20 mars 2023, à l’occasion du Conseil Agripêche, à Bruxelles, un des deux principaux points à l’ordre du jour relevant de ma compétence portait effectivement sur les questions agricoles liées au commerce. Le Conseil a tenu, dans ce cadre, un échange de vues sur les derniers développements concernant les négociations de l'accord d'association UE-Mercosur et les implications agricoles que cela génère.

    La Commission a donné un aperçu des principaux développements dans le domaine du commerce. Les principales négociations et mesures ont été présentées. Les délégations ont dit attendre avec impatience la mise à jour de l’étude de la Commission sur les impacts cumulatifs.

    La Commission s’est dite consciente de l’inquiétude parfois vive de certains États membres au niveau des conséquences environnementales de l’accord Mercosur. Elle a rappelé que, de son point de vue, les agriculteurs européens profiteraient aussi des accords réalisés. Elle a assuré que les contingents tarifaires sont négociés au mieux afin de protéger nos producteurs et que l’accord prévoit des éléments visant à protéger nos produits agricoles sensibles. Des clauses de sauvegarde sont prévues au niveau sanitaire. L’accord prévoit des mesures de développement durable et l’instrument additionnel envisagé devrait permettre de lever certaines inquiétudes.

    Les principales préoccupations qui ont été exprimées par les États membres ont concerné l’accord Mercosur. Celui-ci pourrait, selon plusieurs Ministres, menacer la production agricole de l’Union européenne, notamment les secteurs à risque qui seront encore plus exposés, à savoir : le sucre, le bœuf et l’éthanol.

    La délégation autrichienne a exprimé sous divers ses inquiétudes concernant cet accord. Elle estime qu’il représente une menace pour la production intérieure européenne, notamment les secteurs à risque précités. À cela s’ajoutent des exigences intérieures toujours plus élevées. Elle estime que la situation s’empirera encore si les consommateurs n’arrivent pas à identifier l’origine des produits. Elle a rappelé sa demande relative aux clauses bilatérales et aux normes, ainsi que celle concernant l’utilisation du fonds compensatoire de 1 milliard d’euros annoncé par la Commission il y a 2 ans.

    Certains États membres à l’instar de la France, de l’Estonie, du Grand-Duché de Luxembourg, de la Pologne, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Slovaquie et de l’Italie ont soutenu la plupart des remarques de l’Autriche. La France attend des engagements additionnels contraignants à ce sujet, les avancées constatées dernièrement étant encore insuffisantes. Elle estime que la forme juridique de l’accord est une question de nature politique. Les secteurs sensibles doivent être protégés.

    La Belgique a plaidé pour qu'une coopération intensive sur les systèmes alimentaires durables soit également envisagée dans le cadre de l’accord Mercosur, comme c'est le cas dans le cadre des négociations avec le Chili, l'Indonésie et l'Australie.

    La Belgique a signalé qu’elle pouvait donc soutenir l'Autriche sur plusieurs points.

    La Belgique a formulé plusieurs remarques sur cet accord Mercosur. Elle estime qu’il convient :
    • de tenir compte de l’impact de l’accord sur les Régions prises individuellement ;
    • d’obtenir des garanties effectives sur le respect des normes sanitaires et phytosanitaires de l’Union européenne ;
    • d’assurer un level playing field en raison des normes de production différentes ;
    • de préciser le fonctionnement de la clause de sauvegarde agricole en donnant des détails pertinents sur le concept de « perturbation grave du marché » ;
    • et de recevoir des informations complémentaires sur l’utilisation du fonds compensatoire de 1 milliard d’euros annoncés par la Commission il y a 2 ans.

    La Belgique a demandé également que des engagements contraignants soient pris pour s’assurer de l’alignement de l’accord sur les principes du développement durable. Il est nécessaire d’assurer la protection de nos produits sensibles : les secteurs de la viande bovine, ovine et de la volaille.

    En l’état actuel, je souhaiterais également rappeler mes plus vives craintes et mon opposition ferme au Mercosur. Les propositions qui visent à faciliter l’importation de quantités importantes de produits agricoles, notamment de viande bovine, de betterave et de volaille produits à bas coût et bénéficiant d’une réduction de droits de douane et de contingents tarifaires, sont inacceptables. Dans une économie ouverte comme la nôtre, nos secteurs et exploitations agricoles restent très sensibles et risquent de subir des conséquences négatives sous la forme d’une contraction des prix et d’une baisse de la production locale.

    En ce qui concerne la séparation de l’accord d’association (scission du volet commercial de l’accord), la position belge n’est pas encore définie. En effet, aucune proposition concrète n’a encore été émise par la Commission. Il ne nous est dès lors pas possible de nous exprimer au sujet d’un texte qui n’a pas encore été formellement finalisé.

    Toutefois, je ne soutiens pas la scission de l’accord d’association, car la procédure de vote serait alors simplifiée. En effet, on passerait d’un vote à l’unanimité à un vote à la majorité qualifiée.