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Le partage de données lors d’une dénonciation de maltraitance animale

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 533 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 28/04/2023
    • de SOBRY Rachel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Certains citoyens sont témoins de maltraitance animale dans leur entourage. Il se peut que ces personnes souhaitent dénoncer les faits, mais craignent des représailles, notamment s'il s'agit de proches.

    Lorsqu'un contact est pris avec le numéro unique 1718, aucun fait ne peut être dénoncé sans décliner son identité. Les personnes qui répondent à ce service ne sont en mesure de donner plus de précisions quant à l'éventuel partage de ces coordonnées.

    Pourtant, s'il était assuré au dénonciateur que ses données ne soient pas divulguées auprès de l'auteur des faits, de nombreuses personnes franchiraient le cap. C'est d'ailleurs ce que proposent les sites de certaines SPA et autres refuges qui précisent que, si les plaintes anonymes ne sont pas acceptées, les données ne seront pas partagées auprès de tiers.

    S'il est compréhensible que les dénonciations anonymes ne soient plus tolérées, je souhaitais pouvoir faire avec Madame la Ministre la clarté sur l'utilisation des données dans ce type de procédure.

    Existe-t-il encore une possibilité de dénonciation de manière anonyme ?
    Dans la négative, auprès de qui sont partagées les coordonnées du dénonciateur ?

    Comment rassurer les personnes qui souhaitent dénoncer de tels faits et les prémunir contre les représailles ?
  • Réponse du 06/06/2023
    • de TELLIER Céline
    En effet, lorsqu'une personne contacte le numéro de téléphone 1718 pour dénoncer, par exemple, des faits de maltraitance animale, elle doit décliner son identité. Les dénonciations anonymes sont difficilement conciliables avec le principe du droit à la défense. De telles informations anonymes ne sont pas un mode de preuve et constituent, tout au plus, des données à vérifier dans le cadre d’une enquête ultérieure.

    L’anonymat du dénonciateur peut cependant être assuré, dans certaines conditions.

    Ainsi, en ce qui concerne le rapport rédigé à la suite de la dénonciation faite au numéro 1718, les dispositions de l’article 32 de la Constitution et du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration s’appliquent. Il en découle que tout document dont une autorité administrative régionale dispose est un document administratif. Dès lors, chacun a le droit de le consulter, sauf lorsque cette publicité peut ou doit être refusée pour un motif fixé par la Loi, un Décret ou une Ordonnance.

    En l’occurrence, c’est le cas pour les rapports rédigés suite aux dénonciations faites au 1718 : l’accès à ces informations peut ou doit être refusé pour différents motifs d'exception. Ces documents constituent, en outre, des « documents à caractère personnel » au sens de l’article 1er, alinéa 2, 3° du décret du 30 mars 1995, étant donné qu’ils « comportent une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ». Par conséquent, le demandeur de l’accès à de tels documents doit justifier d’un intérêt (article 4, §1er, alinéa 2, décret du 30 mars 1995).

    Même si le demandeur remplit cette dernière condition, certains motifs d’exception peuvent, ainsi qu’il a déjà été indiqué, trouver à s’appliquer. Il s’agit des cas suivants :

    1. L’Administration doit rejeter la demande d’accès au document :

    1.1. si la publication du document administratif porte atteinte :

    1.1.1. à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi (article 6, §2, 1°, décret du 30 mars 1995). La notion de vie privée protège notamment les informations personnelles dont un individu peut légitimement attendre qu’elles ne soient pas publiées sans son consentement (voir en ce sens arrêt de la CEDH du 7 septembre 2021, M.P. c. Portugal, ECHR:2021:0907JUD002751614). Il peut s’agir, par exemple, de l’identité d’un plaignant;

    1.1.2. à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret (article 6, §2, 2°, décret du 30 mars 1995), tel que le secret de l’information et de l’instruction. Celui-ci est, en effet, imposé par les articles 28quinquies, § 1er, et 57, § 1er, du Code d’instruction criminelle, selon lesquels toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'information et/ou à l’instruction est tenue au secret, celui qui viole ce secret étant puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal ;

    1.2. si l’Administration a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants :

    1.2.1. les libertés et les droits fondamentaux des administrés (article 6, §1er, 2°, décret du 30 mars 1995), tels que la liberté d’expression et la liberté d’opinion, y compris le droit de communiquer son opinion à titre confidentiel;

    1.2.2. de la recherche ou de la poursuite de faits punissables (article 6, §1er, 4°, décret du 30 mars 1995), que ce soit dans le cadre d’une information pénale ou d’une enquête administrative ;

    2. L’Administration peut rejeter une demande d’accès à un document administratif, dans la mesure où la demande concerne un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l’Administration (article 6, §3, 2°, décret du 30 mars 1995).

    Ce dernier point vise expressément la préservation de l’anonymat d’un dénonciateur. Il convient toutefois de noter que, pour qu’un avis ou une opinion puisse être qualifié de « confidentiel », la mention de ce caractère confidentiel doit émaner de son auteur, de manière expresse et concomitante à cette communication.

    En ce qui concerne l’éventuel procès-verbal faisant suite au rapport établi par le service du 1718, il convient de noter que la Cour de cassation a jugé que le fonctionnaire de police peut refuser de révéler l’identité de la personne qui a fait la dénonciation anonyme lorsqu’il a, pour des motifs raisonnables, pu décider, en âme et conscience, de promettre l’anonymat au dénonciateur dans l’intérêt de l’action publique et aux fins de protéger ce dernier. Dans un tel cas, l'agent prendra soin de ne pas indiquer l'identité du dénonciateur dans le procès-verbal communiqué à la personne soupçonnée d’avoir commis les faits.

    En résumé, s’il est vrai qu’une personne doit décliner son identité au numéro de téléphone 1718 pour dénoncer des faits tels qu’un cas de maltraitance animale, elle peut demander, lors de son appel, que sa dénonciation soit traitée à titre confidentiel.

    Enfin, il convient de noter que, si une information ou une instruction est ouverte, la personne directement intéressée, telle que la personne soupçonnée d’avoir commis les faits ou l’inculpé, peut, à tout moment, en fonction de l'état de la procédure, demander au procureur du Roi ou au juge d'instruction qu'il lui donne accès au dossier ou d'en obtenir une copie (articles 21bis, §1er, et 61ter, §1er, du Code d’instruction criminelle). Dans ce cas :

    - le procureur du Roi peut :
    o interdire la consultation ou la prise de copie du dossier ou de certaines pièces :
    * si les nécessités de l'information le requièrent,
    * si la consultation présente un danger pour les personnes ou porte gravement atteinte à leur vie privée,
    * si le requérant ne justifie pas d'un motif légitime la consultation du dossier,
    * si le dossier ne contient que la déclaration ou la plainte, dont le requérant ou son avocat a déjà reçu une copie,
    * si l'affaire a été mise à l'instruction ou
    * si le requérant a été renvoyé devant une juridiction de jugement ou a été cité ou convoqué par procès-verbal ;
    o limiter la consultation du dossier ou la prise de copie à la partie du dossier à l'égard de laquelle le requérant a fait valoir un intérêt (article 21bis, §5, du Code d’instruction criminelle) ;
    - le juge d'instruction peut :
    o interdire la consultation ou la copie du dossier ou de certaines pièces :
    * si les nécessités de l'instruction le requièrent, ou
    * si la consultation présente un danger pour les personnes ou porte gravement atteinte à leur vie privée ou
    * que le requérant ne justifie pas d'un motif légitime pour consulter le dossier ;
    o limiter la consultation ou la copie à la partie du dossier pour laquelle le requérant peut justifier d'un intérêt (article 61ter, §3, du Code d’instruction criminelle).