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Les normes de commercialisation applicables aux "légumes moches"

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 653 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 28/04/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Selon le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant sur l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, un fruit ou un légume commercialisé doit être « intact, sain, propre et exempt de parasite ». Outre ces normes générales, 10 fruits et légumes de consommation courante sont également soumis à une norme spécifique, de taille ou de poids. Seul un seuil de 10 % d'altérité est toléré.

    Actuellement, environ 30 % de tous les fruits et légumes n'atteindront jamais les assiettes des consommateurs à cause de leur apparence. Incroyable, mais vrai : ils ne sont parfois même pas récoltés ! On parle souvent de « légumes moches », mais cela concerne aussi les fruits.

    Le 21 avril, dans le cadre de la révision des normes de commercialisation pour les produits agroalimentaires, la Commission européenne propose d'exempter de normes commerciales les fruits et légumes hors standards pour la vente directe. Ce dispositif permettrait « davantage d'opportunités d'acheter des fruits et légumes frais à des prix plus abordables et profiter aux producteurs actifs en circuits courts », précise la Commission dans son communiqué.

    Monsieur le Ministre peut-il confirmer le chiffre de 30 % des fruits et légumes produits en Wallonie qui ne sont pas commercialisés en raison des normes imposées aujourd'hui ?

    Quel regard porte-t-il sur l'ouverture qu'offre cette nouvelle directive ?

    Quelles seraient les retombées pour les producteurs wallons ?

    Des campagnes de promotion pourraient-elles mettre en avant les « légumes moches » pour favoriser cette filière ?
  • Réponse du 22/05/2023
    • de BORSUS Willy
    À ce jour, nous ne disposons pas de données fiables sur la proportion de fruits et légumes non commercialisés en raison de leur aspect. Les estimations oscillent entre 10 et 30 % en Belgique et se situeraient à 30 % dans l’Union européenne. Néanmoins, cette proportion varie selon la saison et les productions. Certains légumes sont plus concernés par les exigences du consommateur et de la grande distribution en matière de normes de commercialisation (comme les courgettes et les choux-fleurs, par exemple).

    Lorsque la demande dépasse l’offre et que cette dernière est moindre sur le marché, les exigences le deviennent aussi et des produits qui auraient été refusés la saison précédente ou même les semaines précédentes, seront commercialisés. En pommes et poires, les différentes qualités sont commercialisées, soit en fruits de table, soit en fruits à peler, soit en jus et donc la proportion de fruits non commercialisés est très probablement inférieure à 30 %.

    Le cadre législatif actuel européen permet d’utiliser des fruits et légumes qui ne sont pas conformes aux normes de commercialisation en transformation industrielle. Les fruits et légumes qui ont des défauts affectant les qualités organoleptiques (attaques de ravageurs, taches, caries, et cetera) ne peuvent dans tous les cas pas être vendus. Le cadre législatif européen permet également aux États membres d’autoriser la commercialisation des fruits et légumes « moches » en frais sous certaines conditions :

    Premièrement, les fruits et légumes étiquetés « produit destiné à la transformation » ou équivalent et mis en vente au détail au consommateur sont exemptés des normes de commercialisation spécifiques (article 4 (3) du règlement de la Commission 543/2011). Les normes de commercialisation spécifiques s’appliquent à certains fruits et légumes, dont les pommes, les poires, les fraises, les laitues et les tomates.

    Deuxièmement, les fruits et légumes vendus directement du producteur au consommateur final sur les marchés fermiers dans une région définie par l’État membre peuvent également être exemptés des normes de commercialisation (article 4 (4) du règlement de la Commission 543/2011).

    La proposition de modification de la Commission vise à combler de nouveaux besoins, à renforcer la durabilité de nos systèmes alimentaires dans le cadre général du « Green Deal ». La Commission européenne souhaite renforcer le règlement existant, par exemple en autorisant un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Elle vise aussi à ce que les dérogations existantes soient établies au niveau de l’Union européenne et non plus soumises à la décision de l’État membre. La Commission elle-même pense que les changements sur les dérogations dans ce règlement n’auront probablement pas d’effets substantiels. En effet, selon l’industrie et les revendeurs, ce marché reste de niche et la demande des consommateurs est jusqu’ici assez limitée. De plus, les défauts de ces produits les rendent inaptes à l’emballage ou/et au transport sur de longues distances, car ils ne pourraient y résister. Par conséquent, il semble que la valorisation de ces produits sera plus prometteuse dans les ventes ou locales ou des chaînes d’approvisionnement sans transport long. Néanmoins, ces modifications pourraient réduire le gaspillage alimentaire, offrir aux consommateurs des fruits et légumes à des prix plus abordables, et bénéficier aux petites et moyennes entreprises, dont les Organisations de producteurs actives dans les chaînes de distribution courte.

    Le fait que ces fruits et légumes « moches » soient vendus moins chers pourrait également avoir un impact favorable sur la nutrition. Pour les autorités publiques, l’assouplissement des règles pourrait aussi être positif. En revanche, le commerce ne sera pas affecté significativement, car ces fruits et légumes « moches » sont rarement transportés sur de longues distances.

    Actuellement, les deux dérogations du règlement européen n’ont pas été activées en Wallonie. Les consommateurs sont sensibles à l’aspect des fruits et légumes. De plus, les industries de transformation de fruits présentes en Wallonie valorisent très bien ces fruits qui ne respectent pas les normes de commercialisation et ont besoin d’un approvisionnement suffisant. Par ailleurs, le prix de vente de ces produits est souvent trop faible pour être rentable pour les producteurs. Dans certains secteurs, nous devons prendre garde à une offre qui pourrait devenir excédentaire avec ces fruits et légumes « moches ». Cela pourrait engendrer une diminution générale des prix qui, pour certaines spéculations, sont déjà en deçà des coûts de productions et aggraverait la situation économique du secteur, notamment pour les pommes par exemple.

    Si cette démarche pouvait s’avérer positive en termes de prix pour les consommateurs, il n’est pas certain que les producteurs saisissent les possibilités induites par cette proposition de la Commission en raison d’un problème de rentabilité. Globalement et a priori, cette proposition ne devrait pas avoir un impact important sur les prix et volumes vendus par les producteurs, ni sur les prix pour les consommateurs. L’impact de cette proposition sera finalement très fortement dépendant de l’état du marché, propre à chaque spéculation.

    En ce qui concerne la promotion, à proprement parler, je ne peux que m’en référer à l’état du marché. Il est par ailleurs à craindre qu’une promotion spécifique ne sème une confusion dans un contexte où le message privilégié par l’APAQ-W porte sur l’origine locale, la durabilité et la saisonnalité, ce qui correspond aux attentes des producteurs, sans oublier le travail accompli par l’Agence pour développer la vente en circuit court.