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L'agriculture d'intérieur contrôlée

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 658 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 15/05/2023
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les technologies évoluent dans le domaine de l'agriculture. En France, des chercheurs ont mis au point un système pour relever les défis du changement climatique et de la pénurie d'eau. Les cultures sont réalisées en intérieur sous lampe LED horticole et tous les critères pour un climat idéal sont reproduits. La méthode d'hydroponie permet d'économiser 98 % d'eau utilisée dans l'agriculture traditionnelle. De même, aucun pesticide ni fongicide n'est requis. Développée à l'origine pour la culture dans l'espace, cette technologie peut être utilisée dans l'industrie pharmaceutique et cosmétique et pourrait l'être dans l'industrie alimentaire. Si les conditions idéales sont réunies, n'importe quel fruit ou légume peut être cultivé.

    Selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, d'ici 2050, la production alimentaire devra augmenter de 60 % pour nourrir une population mondiale de 9,3 milliards de personnes. L'agriculture indoor contrôlée pourrait répondre aux différents défis de demain.

    Quelle est l'approche du Gouvernement par rapport à ce système ?

    Bien qu'expérimentale, cette méthode montre des promesses afin de réduire l'empreinte carbone de l'agriculture. Des projets de ce genre font-ils déjà l'objet de recherche en Wallonie ?

    Dans quelle mesure Monsieur le Ministre est-il disposé à soutenir de telles initiatives ?

    Sous quelles échéances souhaite-t-il rendre concret ce genre de projet en Wallonie ?
  • Réponse du 08/06/2023
    • de BORSUS Willy
    L’hydroponie n’est pas une technique aussi récente qu’il n’y parait. Des hiéroglyphes égyptiens mentionnent que ce type de technique de culture hors sol était utilisée pour certaines parties des jardins suspendus de Babylone. De même, des vestiges au Mexique témoignent de l’existence de Jardins flottants chez les Aztèques.

    L’hydroponie moderne a pris son essor il y a environ 70 ans et est utilisée majoritairement en conditions contrôlées sous serre pour produire certaines plantes comestibles comme par exemple des laitues, des plantes aromatiques, des tomates, des concombres, des poivrons ou encore des fraises. Mais toutes les plantes ne peuvent y être cultivées. Dans ces conditions, le rendement par unité de surface est bien plus élevé qu’en pleine terre (par ex : 80 kg de tomates en serre hydroponique contre 15 kg en pleine terre). Il y a certes une économie d’eau, mais il y a un besoin énergétique élevé pour assurer la circulation de l’eau et chauffer les serres pour une culture presque ininterrompue. D’un point de vue marché, plus de 75 % des laitues consommées en Belgique aujourd’hui sont issues de la culture hydroponique sous serre. Les investissements sont conséquents, mais le retour sur investissement est assez rapide pour le secteur (2 à 3 ans).

    Les cultures indoor (sans lumière du jour) sont plus récentes, mais n’ont pas encore trouvé véritablement de modèle économique. La réduction de l’utilisation de l’eau peut monter jusqu’à 80 %, voire 90 %, mais la quantité d’énergie consommée est encore plus importante puisqu’il faut non seulement assurer la circulation de l’eau, chauffer, mais également éclairer (avec de la lumière artificielle de type LED). L’empreinte carbone n’est donc pas réduite avec ces techniques. Plusieurs sociétés se sont lancées dans la culture Indoor pour la commercialisation de plantes comestibles et se sont retrouvées en faillite, comme c’est le cas de la société française Agricool qui avait levé 40 millions d’euros pour la culture de fraises en containers.

    En Wallonie, le secteur horticole se développe. Nous tentons de stimuler sa croissance afin de rencontrer la demande importante d’une production locale. Cela se fait au travers de structures existantes (CIM, Collèges des producteurs, etc.), proches de la profession, mais également à travers des initiatives de recherches au sein des universités.

    Tout récemment, parmi les 19 Initiatives Innovantes Stratégiques (IIS) de la S3, l’IIS WASABI 2.0 a été retenue. Elle est coordonnée par l’ULiège (Faculté de Gembloux, Prof. Jijakli). Elle a pour but de développer une filière horticole à taille humaine en intégrant production primaire et transformation au travers de plusieurs actions (dont la formation, la R&D, le déploiement sur le territoire wallon). L’IIS réunit 41 partenaires wallons. Toutes les solutions techniques horticoles sont testées sur la plateforme WASABI de la Faculté de Gembloux. Leur utilisation y est envisagée au cas par cas, en fonction du contexte géographique que ce soit de la culture pleine terre ou hors-sol (hydroponie, aquaponie, sous serre ou encore indoor).

    Une étude récente de la plateforme y a objectivé l’impossibilité, dans le contexte actuel, d’atteindre une rentabilité économique avec des plantes comestibles. Par contre, certaines molécules à haute valeur ajoutée (secteur pharma, cosmétique, etc.) peuvent y être produites avec un retour sur investissement en 4 à 5 ans. Cette étude a été réalisée grâce au projet FEDER Optibiomasse du portefeuille Tropical Plant Factory).

    D’autres études sont en cours sur le développement d’un container de culture automatisé toujours dans le cadre du portefeuille Tropical Plant Factory (projet Plant’HP) et dans le cadre du projet APIC (financé par le pôle Wagralim et coordonné par la firme GDTech à Liège). Le Gouvernement wallon soutient également cette thématique via l’Axe Bio-Green du plan de relance.

    En conclusion, nous soutenons des initiatives visant à étudier l’emploi de technologies en Indoor. Mais les retours nous montrent qu’il faut être prudent et que le secteur horticole wallon pourrait adopter cette technologie dans des cas très particuliers et comme source de diversification, et ce, à condition que l’énergie consommée soit décarbonée, par exemple en valorisant des énergies perdues de l’industrie.