/

Le feu bactérien

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 670 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 16/05/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Connue comme l'une des maladies les plus dangereuses des pommiers, poiriers et autres arbres fruitiers, le feu bactérien est dû à la bactérie Erwinia amylovora, capable dans les cas extrêmes de toucher l'arbre de façon mortelle. Les conséquences économiques du feu bactérien peuvent être énormes dans un secteur qui exporte énormément.

    Une alerte a été émise en Flandre à l'attention des arboriculteurs fruitiers. Ils devront être particulièrement attentifs lors de la période de floraison en raison d'une recrudescence de la bactérie. La Province de Limbourg est particulièrement exposée.

    Le risque est-il présent aujourd'hui en Wallonie ? Faut-il s'alarmer ?

    Observe-t-on l'évolution de cette maladie au fil du temps sur notre territoire ?

    Quels outils sont mis à la disposition des arboriculteurs par la Région pour combattre le phénomène ?
  • Réponse du 13/06/2023
    • de BORSUS Willy
    Le feu bactérien est une maladie endémique en Wallonie. Il est aussi présent dans plusieurs exploitations dans toutes les provinces de Wallonie, essentiellement dans des vergers de poiriers, mais parfois aussi dans de jeunes vergers de pommiers dont la floraison est tardive (mai-juin). Un certain risque existe donc chaque année, plus ou moins élevé selon les conditions climatiques. La période de floraison est la plus à risque, mais les infections peuvent aussi survenir en été, surtout par temps de grêle. Le feu bactérien est favorisé pas des conditions humides et chaudes. Cela explique probablement le fort taux de signalement rapporté par le Sillon belge dans le Limbourg en 2021 (65 cas), année fort humide, et le peu de signalements en 2022 (3 cas), année fort sèche (1). L’année 2023 est également assez humide et des avertissements ont donc été émis début mai par le « Proef Centrum voor de Fruitteelt » vzw (PCFruit) pour deux maladies bactériennes des vergers favorisées par l’humidité : le feu bactérien et le Pseudomonas (2). Le feu bactérien a de nombreux hôtes (poirier, pommier, aubépine, cotonéaster, et cetera) ; une des voies de propagation commune sont les insectes qui passent d’une plante contaminée à une autre saine (3).

    L’élément essentiel est l’éradication des foyers.

    La situation n’est probablement pas plus alarmante en ce qui concerne le feu bactérien que d’autres années humides. La maladie est présente, mais il n’y a pas d’explosion. Du côté des encadreurs (centre pilote CEPIFRUIT), la vigilance est de mise lors de leurs contrôles des parcelles en suivant des modèles de risque de feu bactérien et les avis éventuellement communiqués par le PCFRUIT (en Flandre) durant les floraisons.

    Plusieurs éléments mènent cependant à conseiller plus de vigilance :
    - la bactérie est présente en Wallonie dans et autour de pépinières. Dans le cadre des contrôles sanitaires gérés par le SPW, elle a été détectée en 2022 dans une pépinière et deux fois dans des zones tampons de quarantaine (H. Klinkenberg, communication personnelle), alors que l’année était défavorable, car fort sèche. Au cours d’une étude en 2001-2002, le CRA-W a isolé la bactérie à 42 reprises dans des vergers de poiriers et des haies d’aubépines répartis dans toute la Wallonie ;
    - les conditions climatiques en 2023 sont plus favorables qu’en 2022. On peut aussi craindre qu’un réchauffement climatique associé à une certaine pluviosité favorise la maladie sur le long terme ;
    - les contrôles des environs des pépinières ont globalement diminué. La bactérie Erwinia amylovora, responsable du feu bactérien, a cessé d’être un organisme de quarantaines sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne en fin 2019 (4). Elle était auparavant réglementée dans et autour de toutes les pépinières belges. Dans l’UE, elle est actuellement un organisme réglementé non de quarantaine (ORNQ) qui doit uniquement être absent des pépinières ; les environs des pépinières ne doivent donc plus systématiquement être contrôlés. La bactérie est toujours de quarantaine dans certaines zones protégées de l’UE (aucune de ces zones n’est en Belgique) et seules les pépinières belges qui exportent vers ces zones protégées doivent encore être contrôlées dans une zone tampon de quarantaines de 1 km autour des pépinières (4) ;
    - suite au changement de la réglementation européenne, il existe des flous réglementaires susceptibles de favoriser la maladie. Les cahiers des charges du SPW pour la lutte intégrée (5, 6) pallient la diminution des exigences européennes en exigeant d’éradiquer le feu bactérien dans la zone de 500 mètres autour de tout verger ou pépinière. Dans le cas du secteur ornemental (5), qui inclut l’arboriculture, on demande au producteur de surveiller les 500 mètres autour de ses vergers, mais il n’existe plus de contrainte réglementaire pour les agriculteurs ou particuliers non concernés par la lutte intégrée situés dans ces zones. Le programme de plantation de haies en Wallonie « Yes we plant » inclut des espèces sensibles potentiellement vectrices du feu bactérien (aubépine, pommier sauvage, sorbier). Les distances d’implantations appliquées vis-à-vis de vergers et pépinières (500 mètres) ne figurent pas clairement dans un cahier des charges. Dans le Limbourg, une forte proportion des signalements en 2021 concernait des haies d’aubépines mal entretenues (1). Ces situations réglementaires floues expliquent sans doute les « lacunes dans la législation » qui inquiètent les producteurs flamands et sont relayées par la Mme la Députée provinciale, Inge Moors (1).

    Le feu bactérien est un ORNQ contrôlé chaque année en pépinière par le SPW. Les plants sont inspectés au cours de la dernière saison végétative complète, et tous les matériels de multiplication et les plantes fruitières présentant des symptômes, ainsi que toutes les plantes hôtes environnantes (1,5 mètre de rayon), sont immédiatement arrachés et détruits. Le feu bactérien est un organisme de quarantaine en pépinière et zone tampon si la production est destinée à l’exportation vers une zone protégée de l’UE. Dans ce cas, les contrôles sont réalisés deux fois par an, en juin-juillet puis en aout-septembre, et portent également sur du matériel sans symptôme (H. Klinkenberg, communication personnelle). Les détections et identifications de quarantaine sont réalisées par le laboratoire accrédité de l’AFSCA à Gembloux.

    Un financement de trois ans de la Région wallonne a été accordé au CRA-W au début des années 2000 notamment pour faire le point de la situation en Wallonie, adopter des techniques d’identification, et différencier les symptômes très similaires du feu bactérien et du Pseudomonas.

    Des services d’identification du feu bactérien existent au CRA-W (Guichet consultation) et à LLN (Clinique des Plantes, Corder) pour répondre aux demandes de diagnostic des producteurs, administrations communales ou des particuliers.

    Par ailleurs, en partenariat avec le GAWI, le CRA-W a accès à un outil d’aide à la décision dénommé « RIMPRO » qui, sur la base de données météorologiques très locales et à l’aide d’une modélisation, permet d’identifier les périodes durant lesquelles les risques d’infections sont les plus probables. Dans ce cas, le GAWI lance des avis d’avertissements aux producteurs concernés.

    (1) https://www.sillonbelge.be/10955/article/2023-05-03/une-recrudescence-de-feu-bacterien-inquiete-les-fruiticulteurs-limbourgeois
    (2) https://www.pcfruit.be/nl/node/3712
    (3) https://gd.eppo.int/taxon/ERWIAM/datasheet
    (4) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R2072
    (5) https://agriculture.wallonie.be/files/20182/21888/Lutte%20int%c3%a9gr%c3%a9e.pdf
    (6) https://agriculture.wallonie.be/files/20182/21846/cahiers%20des%20charges%202019%20_%20tout%20sauf%20ornement.docx