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Les inquiétudes relatives à la désindustrialisation en Europe

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 696 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 23/05/2023
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Reconnue comme un des principaux moteurs économiques de l'Europe, l'Allemagne fait pourtant face, aujourd'hui, à une crise d'angoisse. En effet, alors qu'il y a quelques semaines à peine, Max Viessmann, CEO de l'entreprise éponyme spécialisée dans les systèmes de chauffage, et d'autres magnats de l'industrie allemande promettaient la continuité au sein du Mittelstand, ce tissu d'industries de tailles moyennes exportatrices, réputé pour être la colonne vertébrale du made in Germany.

    Pourtant, le 25 avril, l'héritier du groupe a provoqué une onde de choc, en annonçant la vente d'une part importante de Viessmann à son concurrent américain Carrier Global.

    Cette décision contribue à renforcer la crise d'angoisse qui frappe l'Allemagne d'un risque de désindustrialisation du pays au profit notamment des États-Unis, de la Chine et de la zone Est-Asie.

    Plusieurs facteurs contribuent notamment à renforcer cette perception. À commencer par l'augmentation des coûts de l'énergie, l'Allemagne ne prenant plus du gaz russe à bon prix doit trouver des alternatives pour faire face à ces surcoûts qui réduisent les aspects compétitifs de son industrie.

    Par ailleurs, de l'autre côté de l'Atlantique, les USA ont mis en place un programme de subventions, l'Inflation Reduction Act qui par le biais de subventions, invite les entreprises à investir aux USA et faire du « made in USA » et renforce une forme de politique protectionniste favorisant le principe de production locale - consommation locale. Viessmann n'est pas un cas isolé, des sociétés comme Volkswagen, Siemens ou encore Bosch investissent dans la construction d'usines outre-Atlantique.

    L'Allemagne est un partenaire économique important pour la Région wallonne, selon l'AWEx, il occupe le second rang en termes d'exportation et le 1er pour la Belgique. Si une érosion du tissu économique allemand se confirme, cela ne resterait pas sans conséquence pour notre économie.

    Un proverbe disait que si l'Amérique éternue, le reste du monde s'enrhume, cette maxime prévaut également pour l'économie qui nous lie à nos voisins de l'est.

    Ainsi, mes questions visent à savoir si Monsieur le Ministre a été informé d'un risque d'érosion du marché allemand.

    Quelles mesures sont prises en vue de réduire l'impact éventuel qu'aurait une désindustrialisation de l'Allemagne sur notre économie ?

    Est-ce que ce point est pris en considération avec ses homologues fédéraux et régionaux et aussi au niveau européen ?
  • Réponse du 15/06/2023
    • de BORSUS Willy
    La hausse des coûts de l’énergie a bien entendu affecté l’industrie manufacturière allemande, notamment chimique et métallurgique, très énergivore.

    En outre, l’Inflation Reduction Act des États-Unis (370 milliards de dollars) risque d’orienter certains investissements en technologies vertes vers les USA. La réponse du Gouvernement allemand est d’investir de manière très importante dans des technologies stratégiques, c’est-à-dire l’intelligence artificielle, les innovations dans le secteur de l’automobile (voitures électriques), et les semi-conducteurs. Le Gouvernement allemand a également annoncé des dépenses additionnelles dans les domaines de la santé et de la transition énergétique. En outre, des budgets supplémentaires ont été prévus pour garantir la souveraineté dans certains domaines et sociétés d’importance systémique.

    Le seul élément pour la Wallonie n’est pas la vente de l’une ou l’autre entreprise ou partie d’entreprise allemande - comme le département de pompes à chaleur de Viesmann - ou certains investissements envisagés outre-Atlantique, mais aussi et surtout la réponse et les réformes mises en place par notre voisin en termes d’investissements dans les secteurs innovants mentionnés plus haut.

    Ces domaines sont en phase avec la Stratégie régionale de Spécialisation intelligente du Gouvernement wallon et les Domaines d’innovation stratégiques (DIS) que nous avons identifiés pour les prochaines années, notamment les Innovations pour des modes de conception et de production agiles et sûrs (intelligence artificielle, développement de matériaux avancés, etc.), les Innovations pour les systèmes énergétiques et habitats durables, les Innovations pour une santé renforcée, et cetera.

    En lien avec la stratégie wallonne susmentionnée, l’AWEx a diversifié ses actions en Allemagne en privilégiant différents secteurs clés pour le pays comme par exemple, l’année passée, avec le salon IFAT, dédié aux technologies de l’environnement qui a permis de souligner l’importance de la Wallonie en matière de développement et recyclage de batteries.

    Une mission exploratoire dans le domaine de l’hydrogène a également été mise sur pied. On peut également citer à titre d’exemple cette année : la participation wallonne à la Hannover Messe et au salon Hydrogen & Fuel Cells à Hanovre en avril dernier, la mission AI/Cybersecurity prévue fin 2023 en Allemagne et République tchèque, ou encore la future participation au salon DMEA (Digital Health) à Berlin en 2024.

    Lors de la Visite d’État de nos Souverains à l’Allemagne, qui aura lieu en décembre cette année, la Wallonie aura également l’occasion de se profiler comme un partenaire reconnu et fiable de l’Allemagne au vu de l’expertise et de la qualité de nos sociétés et acteurs économiques.

    En ce qui concerne nos échanges commerciaux avec l’Allemagne, je souligne que nos exportations vers ce marché continuent à rester robustes. Depuis des années, l’Allemagne est en effet le deuxième marché d’exportation, après la France. Nos exportations ont totalisé 9 387,18 millions d’euros en 2022, ce qui représente une croissance de 13,5 % par rapport à l’année 2021.

    Notre premier secteur d’exportation vers l’Allemagne sont les produits des industries chimiques et produits pharmaceutiques, suivi par les métaux communs et les ouvrages en ces métaux et les matières plastiques et caoutchoucs et les ouvrages en ces matières.

    Avec des importations totalisant 6 545,16 millions d’euros en 2022, l’Allemagne est devenue notre deuxième fournisseur (+20,7 % en 2021 et +18,7 % en 2022). Les catégories de produits d’importation sont à peu près les mêmes que pour nos exportations : les produits des industries chimiques et produits pharmaceutiques représentent le premier secteur, suivi par les métaux communs et les ouvrages en ces métaux ainsi que les machines et équipements mécaniques, électriques et électroniques.

    Au niveau européen, rappelons aussi l’objectif du Net Zero Industry Act, qui est de produire 40 % des biens nécessaires à la décarbonation dans l’Union européenne, au lieu de les importer. Cela passera notamment par l’accélération des projets industriels dans le solaire, l’éolien ou les électrolyseurs.