/

La prévention des risques de suicide chez les aînés

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 439 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 23/05/2023
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    La réalité des personnes âgées ayant choisi de se donner la mort est trop peu regardée, un sujet encore tabou et sous-estimé. Pourtant, une meilleure prévention pourrait aider à repérer le risque suicidaire. Ils ne sont pas loin d'un décès naturel lié à leur grand âge et, mais, ils choisissent parfois de mettre fin à leurs jours pour éviter de vivre dans la souffrance psychique ou physique. Sans oublier toutes les conduites suicidaires occasionnant la mort, comme des accidents de la route, l'arrêt volontaire de traitement, le syndrome de glissement où les personnes se laissent mourir…

    En Belgique, le taux de suicide chez les personnes de plus de 80 ans serait le plus élevé, avec 32 suicides pour 100 000 habitants. Et, chez les plus de 65 ans, on compterait deux ou trois tentatives de suicide seulement pour un suicide « réussi », chez les jeunes de moins de 25 ans, ce sont 100 à 200 tentatives pour un suicide « réussi ».

    Quelle est, à ce jour, l'évolution du taux de suicide chez les aînés en Wallonie ?

    Qu'en est-il de la prise en charge dans les structures d'hébergement afin de prévenir et lutter contre cette réalité ?

    Existe-t-il des structures d'accompagnement pour les personnes âgées ainsi que leurs familles, pour notamment permettre de déceler les signes avant-coureurs ?
  • Réponse du 15/06/2023
    • de MORREALE Christie
    Comme l’honorable membre le mentionne, le suicide des personnes âgées est un sujet sous-estimé et tabou. Les politiques de prévention des risques sont ainsi d’autant plus difficiles à mettre en œuvre.

    Rappelons que, selon les statistiques de 2020, 1 % des décès chez les plus de 75 ans est dû au suicide. Néanmoins, selon les chiffres de Statbel (2021), on observe un taux 6 fois plus élevé de suicides chez les hommes de plus de 85 ans que chez les femmes de plus de 85 ans. Le taux de suicide par 100 000 habitants ajusté pour l’âge chez les plus de 85 ans est proche de 10 chez les femmes et de 60 chez les hommes (Source https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/sante-mentale/comportements-suicidaires#deces-dus-au-suicide.).

    Plusieurs facteurs explicatifs peuvent être relevés. Les aînés doivent faire face à de nombreux deuils : des pertes physiologiques et fonctionnelles, la perte de proches, la perte de l’estime de soi lorsque la personne voit ses rôles sociaux diminués. Le changement de lieu de vie est aussi considéré comme un facteur de rupture. À cela s’ajoutent des inégalités d’ordre socio-économique (le sentiment de solitude et/ou des difficultés financières) mais aussi des facteurs psychologiques comme la capacité à faire face aux changements et à s’autodéterminer tout au long de la vie. Le fait de présenter une maladie chronique ou une dépendance (alcool, stupéfiants) constitue aussi des facteurs prédisposants.

    Cependant, la dépression est le facteur de risque le plus puissant dans la prédiction du suicide chez les personnes âgées. Les études montrent que 71 à 95 % des personnes âgées qui se suicident présentent au moins un diagnostic psychiatrique, particulièrement les troubles anxio-dépressifs. Les hommes ayant un profil gériatrique qualifié de « fragile » présentent plus de difficultés à accepter une dégradation de leur état de santé et de leur capacité d’autodétermination. Ils ont aussi moins tendance à avoir recours à la médication et à un soutien psychologique. Raisons pour lesquelles le taux de suicide est plus élevé chez les hommes de 85 ans et plus que chez les femmes. Le risque étant encore plus élevé lors du décès de leur conjointe.

    Contrairement aux stéréotypes liés à l’âgisme, la dépression ou la tristesse ne sont pas inhérentes à la vieillesse. La tendance à confondre la tristesse et la dépression amène les professionnels à sous-estimer la dépression chez les personnes âgées. Le fait de mieux prévenir et traiter la dépression chez les personnes âgées permettrait de diminuer les risques de mortalité lié au suicide.

    Dans son interpellation, l’honorable membre questionne les structures d’accompagnement prévues pour ce public cible et leur famille. Comme elle le sait, depuis avril 2020 - en réponse aux effets de la crise sanitaire sur la santé psychologique des Wallonnes et des Wallons - le Gouvernement a décidé de mettre en place des mesures urgentes et d’étendre les compétences des SPAD au secteur des maisons de repos et de soins. Ces interventions réalisées pendant la crise sanitaire ont permis une réelle prise de conscience du manque d’accompagnement psychologique des aînés. Actuellement, 16 équipes de SPAD+ se déplacent sur l’ensemble de la Wallonie. Depuis juin 2020, celles-ci ont été renforcées par 48 équivalents temps plein pour un budget de 189 000 euros par an et par SPAD.

    D’autre part, plusieurs opérateurs subventionnés par la Wallonie accompagnent les personnes âgées et leurs familles. Je voudrais citer les services de santé mentale généralistes et les quatre initiatives spécifiques personnes âgées qui se situent à Herstal, Malmedy, Namur et Louvain-la-Neuve. Un Service de santé mentale (SSM) est une structure ambulatoire qui, par une approche pluridisciplinaire, répond aux difficultés psychiques ou psychologiques de la population du territoire qu’il dessert. Les initiatives spécifiques sont des projets de ces SSM qui visent une population spécifique ou soutiennent une approche méthodologique particulière, dans ce cas elles visent à accompagner les personnes âgées.

    Je voudrais également rappeler le travail effectué par Un pass dans l’impasse, qui est subventionné pour plusieurs missions et est reconnu en tant que centre de référence en santé mentale spécifique suicide. Une des activités de l’ASBL via son centre d’accompagnement et de prévention du suicide concerne l’accompagnement de personnes présentant un risque suicidaire ou les proches de ces personnes. En 2022, 4.8 % des patients étaient des personnes de plus de 65 ans. Une autre activité de l’ASBL concerne la formation et la sensibilisation des professionnels de l’aide et du soin. Elle met également à disposition des outils, des conseils et des recommandations à propos du suicide et de la prévention du suicide à destination des professionnels et du grand public.

    Dans les établissements d’hébergement et d’accueil pour aînés, les directions sont aussi de plus en plus sensibles à l’engagement de psychologues et d’éducateurs afin de faciliter l’intégration de la personne tout au long de son séjour. Enfin, dans le cadre des Fonds sociaux européens (FSE) nous avons obtenu un budget de 777 159,60 euros pour renforcer les compétences psychosociales des professionnels des maisons de repos. Il s’agira notamment de mettre en place des formations en e-learning sur la prévention et la détection des troubles anxio-dépressifs mais aussi de tester la mise en place de psychologues-coordinateurs, comme il existe des médecins coordinateurs, permettant ainsi de plus rapidement détecter les situations à risque et d’interpeller les acteurs de la 1re ligne.