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Rôle des pouvoirs publics dans la hausse de la pression immobiliière et la crise du logement.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2006
  • N° : 122 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 27/12/2006
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Tout le monde est conscient que le logement est un des grands enjeux du futur. Trouver un logement décent pour tous doit être le leitmotiv absolu de tous les niveaux de pouvoir. C'est en travaillant tous en ce sens et à cette fin que l'on pourra résoudre la crise du logement.

    Et elle s'annonce sévère. D'abord, parce que la population augmente. La demande de logements suit donc aussi une courbe ascendante. Par ailleurs, la modification de la structure des familles ou des ménages accentue cette tendance à la hausse. Même avec des hypothèses socioéconomiques peu ambitieuses, il est question d'un besoin de 100.000 logements à l'aube de 2015. C'est tout bonnement énorme.

    Qui dit logement, ne dit pas seulement logement acquisitif. Le Belge a peut-être une brique dans le ventre, il veut être propriétaire, il veut même construire. C'est culturel, diront certains. Génétique, diront d'autres. Mais les terrains se font rares et, dans certaines régions, il n'est même plus possible de construire faute de réserves foncières suffisantes. La structure des revenus rend ce rêve - hélas ! - parfois irréalisable. Outre un vent en poupe pour des raisons diverses, la location se révèle aussi être une solution à bien des problèmes.

    Les pouvoirs publics ne sauraient toutefois accepter le constat d'impossibilité. Il n'y a pas de fatalité. La crise du logement pourrait n'être qu'un vague péril si les pouvoirs publics faisaient preuve d'imagination.

    Un consultant privé a démontré que la demande de logement serait essentiellement de type locatif. Hormis le logement social, confronté aux réalités que vous connaissez, les pouvoirs publics font pourtant souvent de l'acquisitif. N'y a-t-il pas un paradoxe ? Les pouvoirs publics contribueraient-ils ainsi bien involontairement à la crise ? Reconnaissons que les promoteurs sont également rares à s'aventurer dans le locatif. Sans doute considèrent-ils le rendement trop faible. Ils préfèrent de loin l'acquisitif moyen ou haut de gamme. Ils évitent, presque comme la peste, les logements sociaux ou à loyer modéré.

    En ce qui concerne le logement social, c'est l'organisation même du logement social en Wallonie qui exclut les opérateurs privés. Sans tabou mais aussi sans tomber dans la polémique stérile, n'est-il pas temps de sortir des schémas de pensée classique en recherchant comment le secteur privé peut s'intégrer dans la politique de logement social dans le but, non pas de privatiser le domaine, mais bien d'accroître les moyens disponibles et donc le nombre de logements mis sur le marché ?

    Les communes, pour ne citer qu'elles, sont souvent propriétaires de terrains. Passons le cas des CAS et autres organes publics. Souvent, pour des raisons budgétaires, elles tiennent des raisonnements à court terme, à savoir, elle valorise au maximum leurs réserves foncières. Ce faisant, avant qu'il ne soit concrétisé, elle grève déjà la rentabilité d'un projet immobilier, qu'il soit acquisitif ou locatif. De facto, les prix montent. Le comportement de promoteur immobilier de certaines d'entre elles a tendance donc à alimenter le mécanisme de pression immobilière. Ne serait-il pas intéressant, dans le chef de la Région et pour amplifier ses propres efforts en matière de logement, que cette dernière incite les communes à mettre sur le marché des terrains à un prix le plus abordable possible. Des mécanismes favorisant cette logique sont-ils à l'étude pour les communes qui soutiennent la démarche ? A l'inverse, des sanctions pourraient-elles être envisagées dans le cas contraire ?

    Le recours à l'emphytéose pour mettre sur le marché des terrains communaux destinés à la promotion immobilière (à vocation acquisitive ou locative) est-il encouragé par les soins de Monsieur le Ministre ?

    La même question se pose avec le droit de superficie qui permet à des candidats acquéreurs de devenir propriétaires (voire bailleurs). Cette formule recueille-t-elle le soutien de Monsieur le Ministre ?

    Le conventionnement des loyers entre un promoteur privé, une commune mettant un terrain à disposition dudit promoteur et un candidat locataire, est-il envisageable ? La mise à disposition gratuite d'espaces bâtissables est-elle recommandée par la Région wallonne ?
  • Réponse du 26/03/2007
    • de ANTOINE André

    La question de l'honorable Membre tombe à point, me permettant ainsi de résumer quelques réformes depuis ma prise de fonction à la tête du département du Logement, ainsi que les projets pour l'année 2007.

    Depuis ma prise de fonction j'ai, conformément à la déclaration de politique régionale, mis essentiellement l'accent sur le secteur locatif et sur la réforme des sociétés de logement. Les missions des sociétés de logement ont été élargies (art. 131, 2° bis, C.W.L.) pour permettre de les intéresser en qualité de maître d'ouvrage à des opérations immobilières plus complexes, visant des équipements et des services, en plus du logement. Le système même de financement de la création de logements sociaux est revu, en exécution des décisions prises dans le cadre du plan de redéploiement des sociétés de logement de service public et du Plan stratégique transversal n° 3 " inclusion sociale ", qui prévoit notamment un financement alternatif. L'équilibre financier des investissements en logements sociaux sera mieux assuré.

    La mobilisation du patrimoine inoccupé est un autre volant de l'accès au secteur locatif, à un prix inférieur à celui du marché.

    Le système de subventionnement des A.I.S. a été revu, suivant un mécanisme incitatif « à la performance», incitant les AIS ainsi à augmenter le nombre de logements pris en gestion. P

    J'ai mis sur pied un système d'aides aux sociétés de logement de service public aux AIS et aux APL pour la réhabilitation/restructuration de logements inoccupés, à prendre en gestion auprès de propriétaires privés: un budget de près de 2 millions d'euros en avances et subventions en 2005 ; près de 7 millions d'euros en 2006.

    L'incitant fiscal existe enfin, au niveau régional, par l'exemption du précompte immobilier pour les propriétaires mettant ainsi en gestion leur bien (décret du 27 avril 2006 modifiant l'article 255 du Code des impôts sur les revenus 1992).

    Les partenariats public-privé sont promus en Région wallonne.

    Je voudrais insister sur ce dernier point, ne partageant pas votre avis selon lequel « c'est l'organisation même du logement social en Wallonie qui exclut les opérateurs privés ». J'ai lancé un appel à projets dès le début de l'année 2006 pour la mise en place de partenariats public-privé entre des sociétés de logement de service public et des opérateurs privés, dont l'un des paramètres est la valorisation des terrains détenus par le secteur public.

    Plus de trente projets ont été déposés: un comité de sélection composé de représentants de la Confédération Construction wallonne, de la D.G.A.T.L.P., de la Cellule d'Informations Financières, de la S. W.L., des S.L.S.P. et du Cabinet) a retenu 12 projets, qui sont ceux les plus rapidement réalisables. Le travail du Comité « PPP» a été reconnu excellent par la CCW, qui en apprécie la qualité et l'expertise.

    Une aide financière est accordée pour faciliter le montage technique, juridique, financier de ces projets.

    Dans le cadre du programme bisannuel 2007-2009 de création de logements, certains de ses projets verront leurs premières réalisations.

    La plus grande liberté a été laissée quant à la forme à prendre par ces partenariats: on y retrouve notamment des mécanismes de l'apport d'un terrain, en contrepartie duquel l'opérateur recevra des logements à louer.

    Il peut aussi y avoir recours à des formules telles que l'emphytéose ou le droit de superficie.

    La formule de démembrement de droits réels (emphytéose ou superficie) peut être appliquée dans le montage d'opérations immobilières. Les réglementations en tiennent compte. Des communes et des CPAS la pratiquent par la mise à disposition de terrains ou de bâtiments pour créer des logements locatifs. J'insiste d'ailleurs sur l'avantage de ces formules qui permet « d'étaler» le prix du terrain ou du bâtiment à rénover. Des partenariats « public-public» peuvent être promus: la commune, par exemple, peut offrir des terrains ou des bâtiments à restructurer en en réduisant le prix, participant ainsi à l'effort régional, et à une politique calculée sur le long terme.

    Pour ce qui est des communes et de leurs réserves foncières, le Fonds Srunfaut a été réactivé, qui permet d'équiper des terrains, soit par le biais de subventions, soit d'avances remboursables,
    permettant notamment des opérations de vente de terrains à prix coûtant.

    Des communes, par ailleurs, ont bien compris tout l'intérêt de mettre à disposition des terrains, - que la Région peut équiper, - pour un prix non spéculatif. Attirer et stabiliser dans une commune de nouveaux citoyens, c'est aussi augmenter l'assiette fiscale.

    Concernant l'accès à la propriété, la vente de parcelles de terrain équipées est un des axes que j'ai développés. De plus, la construction de logements moyens et sociaux pour la vente est également relancée en 2007.

    Le programme de 500 logements moyens et sociaux en 2007 (sur les 1.560 estimés de 2007 à 2009 via le financement alternatif) permettra aux communes et régies autonomes, ainsi qu'aux S.L.S.P. qui y participeront, d'en vendre une partie dès la 7ème année, permettant ainsi une politique de location-vente.

    L'honorable Parlementaire se souviendra que l'accès à la propriété est facilité également par l'octroi de prêts hypothécaires à taux sociaux, par le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie ou par la Société wallonne du crédit social et les guichets de crédit social.

    L'accès à la propriété, enfin, est favorisé pour l'acquéreur d'un logement appartenant à une personne morale de droit public, par l'exemption du droit d'enregistrement (décret du 27 avril 2006 modifiant l'article 52 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe).

    Cette mesure fiscale, avec l'exemption du précompte immobilier rappelée plus haut, constitue l'opération « double zéro ».

    Le système de conventionnement, qu'aborde l'honorable parlementaire, est également une possibilité. Le régime actuel de l'arrêté du Gouvernement wallon du 21 janvier 1999 instaurant une prime à la création de logements conventionnés à loyer modéré par des personnes physiques ne donne pas de résultats. Sa réforme est à l'examen. L'intéressement du secteur privé, dans une politique sociale, passe par une intervention régionale dont la hauteur est nécessairement liée au montant du loyer à payer par le locataire et au loyer de l'argent investi par le promoteur privé.

    Je signale également que les communes peuvent mettre en œuvre les ZACC, développant ainsi de nouvelles possibilités.