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La situation juridique des terres déclarées à la Politique agricole commune (PAC)

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 736 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/05/2023
    • de DESQUESNES François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La pression sur le foncier agricole va croissant ainsi que le démontre le dernier rapport de l'Observatoire du foncier agricole wallon. En moyenne, 22 000 euros/ha pour une prairie permanente et plus de 44 000 pour 1 ha arable.

    L'objectif, que Monsieur le Ministre partage certainement avec moi, du maintien et du développement d'une agriculture familiale et en lien avec son territoire est aujourd'hui menacée par des investisseurs privés qui y voient un simple placement de capital et des terres dont ils espèrent tirer le rendement maximal en faisant réaliser les travaux des champs par des entreprises agricoles et en empochant les aides de la PAC.

    Si le rapport 2022 est détaillé sur les ventes ou cessions de propriété de terres agricoles, il est plus limité sur les baux à ferme puisque seuls les baux nouveaux et notifiés à l'Observatoire sont connus. En 2021, ils ne concernaient que 4 000 ha.

    Monsieur le Ministre dispose-t-il d'une vue complète des 740 000 ha de terres agricoles en Wallonie ?

    Combien sont exploitées directement par leur propriétaire ?

    Combien sont exploitées par un tiers pour le compte du propriétaire ?

    Combien sont exploitées par un bail à ferme ?

    Pour maintenir une agriculture à taille humaine en Wallonie, répondant aux exigences de durabilité et d'enracinement dans la ruralité, il est important de mesurer la maîtrise réelle, par le droit de propriété ou le bail à ferme des terres agricoles par les agriculteurs.

    Partage-t-il cette nécessité ?

    L'information ne pourrait-elle pas être obtenue via la déclaration de superficie ?

    S'il partage ce point de vue, que va-t-il mettre en œuvre pour disposer de cette vision ?
  • Réponse du 22/06/2023
    • de BORSUS Willy
    Selon les chiffres du dernier recensement agricole organisé en novembre 2020, on estime qu’environ 38 % de la superficie agricole utile de la Région wallonne est exploitée en propriété [faire-valoir direct], contre 30 % en 2010 (source : Statbel).

    Cette évolution est assez importante lorsque l’on sait que moins de 1 % de la SAU est vendue chaque année (source : Observatoire du foncier agricole wallon).

    Si l’on examine maintenant le faire-valoir indirect, c’est-à-dire l’exploitation hors propriété, il est difficile de tirer des conclusions par rapport au bail à ferme.

    En effet, l’enquête de Statbel distingue comme mode de faire-valoir indirect :
    - les contrats de plus d’un an ;
    - les contrats de moins d’un an ;
    - le métayage.

    Le bail à ferme n’étant pas le seul contrat de plus d’un an utilisé pour mettre à disposition des terres agricoles (ex : prêt à usage, bail emphytéotique, et cetera), il est impossible d’objectiver l’évolution de son utilisation.

    On sait uniquement que, comme pour la vente, moins de 1 % de terres agricoles sont mises en location en bail à ferme chaque année (source : observatoire du foncier agricole wallon).

    Partant du constat du manque d’informations relatives à ces données et suite aux conclusions des Assises de la terre que j’ai organisées en novembre dernier, j’ai demandé à mon administration de travailler sur de nouveaux indicateurs concernant le faire-valoir indirect dans le cadre des missions dévolues à l’Observatoire du foncier agricole wallon.

    Cette question est à l’heure actuelle à l’étude et j’attends les conclusions prochaines de mon administration sur les moyens à mettre en œuvre pour collecter des données fiables. L’utilisation des déclarations de superficie est une des pistes évoquées.

    Toutefois, le suivi de la maîtrise réelle des terres agricoles par les agriculteurs qui introduisent une demande unique (ou déclaration de superficie et de demandes d’aides) via l’application eDS du guichet PAC-on-web est délicat.

    En effet, 292 952 parcelles agricoles ont été déclarées en 2023. Qui dit parcelles agricoles, ne dit pas nécessairement parcelles cadastrales. Ainsi une même parcelle agricole peut être constituée de plusieurs parcelles cadastrales et celles-ci peuvent avoir différents propriétaires. Donc, pour une même parcelle, le producteur pourrait être amené à déclarer une partie en propriété et une partie en bail ou sous contrat.

    De plus, pour vérifier la maîtrise réelle par l’agriculteur qui déclare, une simple déclaration ne suffit pas. Il faut demander les preuves de cette mise à disposition.

    Il faut savoir que, suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 décembre 2020, l’Administration a l’obligation d’effectuer des contrôles administratifs afin de vérifier que les parcelles sont bien à disposition du producteur de manière légale. Si le demandeur n'a aucun droit légal, il ne peut prétendre disposer légalement de la parcelle et donc recevoir des aides.

    Depuis 2022, et en accord avec la Commission européenne, une preuve appropriée est demandée pour toute déclaration de parcelles non déclarées l'année précédente et lorsque l'administration trouve nécessaire d’avoir une preuve appropriée pour d’autres parcelles, comme c’est le cas pour les conflits parcellaires.

    Après analyse juridique, une liste de documents a été dressée pour prouver cette mise à disposition. Il s’agit de :
    • document visant à démontrer la propriété de la parcelle (que l’agriculteur soit usufruitier, nu-propriétaire, co-propriétaire) :
    o acte notarié ;
    o attestation notariale ;
    o extrait My Min Fin ;
    o avis de précompte immobilier ;
    o acte remembrement ;
    o acte de succession ;
    o compromis de vente ;
    o cession privilégiée ;
    • bail à ferme écrit avec signature ;
    • bail à ferme oral avec preuve de paiement dont la communication précise bien la parcelle concernée ;
    • acte de remembrement ;
    • contrat de vente/achat avec signature ;
    • échange de parcelles avec signature ;
    • contrat de mise à disposition avec signature ;
    • preneurs d’un commodat à titre précaire et gratuit de moins d’un an ;
    • convention LIFE.

    En 2022, les preuves de mise à disposition ont été demandées pour 2979 parcelles. Pour 521 de celles-ci, aucune preuve de mise à disposition n’a pu être fournie, soit pour 17,5 % des parcelles. Pour celles-ci, aucun paiement ne pourra avoir lieu.

    Il faut savoir que les agriculteurs qui exploitent des terres sans en être propriétaires et sans avoir un bail en bonne et due forme, peinent à obtenir une preuve de mise à disposition de la part des propriétaires, ceux-ci craignant de se lier de manière durable à l’agriculteur.

    Vu ce qui précède, l’administration n’étendra pas l’obligation de prouver la mise à disposition hors nouvelles parcelles et parcelles en conflit.