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L'impact des zones tampons pour les agriculteurs

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 591 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/05/2023
    • de SCHONBRODT László
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Actuellement nous sommes dans la période d'épandages. Un agriculteur doit respecter des “zones tampons” où il ne peut pas répandre ses pesticides : 6 mètres pour un cours d'eau, 50 mètres pour une crèche ou un hôpital, et cetera, mais pour une zone d'habitation c'est 1 mètre. C'est relativement peu et parfois pas respecté, car il y a peu ou pas de contrôles.

    Pour Nature et Progrès, il faut aujourd'hui des mesures pour réduire l'impact des dérives des pesticides au niveau des masses d'eau, mais aussi des habitations. Nature & Progrès demandent d'élargir les zones tampons.

    Compliqué du côté des agriculteurs vu l'urbanisation en Belgique et toujours pas de stop béton, c'est évidemment autant d'espace non exploité et donc avec des pertes financières pour des agriculteurs déjà parfois en difficulté financière.

    La FWA semble plutôt sceptique. Quant à la FUGEA, elle explique être prise entre le respect des mesures et les réalités de terrain : "D'un côté, on est pour une nouvelle manière de fonctionner, plus respectueuse de l'environnement et de la santé des citoyens. Mais en même temps, les agriculteurs sont dans une situation délicate : économiquement et avec la météo des derniers mois."

    "Si le Gouvernement, dans son nouveau plan, veut nous imposer de nouvelles mesures concernant les zones tampons, d'accord. Mais il faudra qu'il réfléchisse à comment aider les agriculteurs qui ne pourront plus utiliser une partie de leurs terres."

    C'est finalement là, le nerf de la guerre, on pourrait le faire, mais il faudrait donc compenser les pertes pour les agriculteurs.

    Qu'a pris Madame la Ministre comme décision concernant les zones tampons et la compensation pour les agriculteurs ?
  • Réponse du 20/07/2023
    • de TELLIER Céline
    L’ISSEP a présenté les résultats de la seconde phase du Biomonitoring humain qui a été initié en 2020. Connaitre l’exposition de la population wallonne à un certain nombre de substances chimiques et polluants présents dans l’environnement, l’eau, l’alimentation ou des produits de la vie courante est en effet primordial.

    Disposer de valeurs de référence permet de comparer la situation wallonne avec celle des autres États européens par exemple, mais nous permettra aussi à terme d’identifier des facteurs de corrélation et d’évaluer les résultats des politiques publiques menées.

    Concernant les pesticides, force est de constater que nous restons fortement exposés, à tout âge et dès le plus jeune.

    Suite aux résultats de la phase 1 du biomonitoring, j’avais multiplié les rencontres avec les agriculteurs, qui manipulent ces produits chimiques toxiques au quotidien. Un volet du biomonitoring leur sera aussi consacré.

    La transition de notre agriculture est essentielle, non seulement au vu des bouleversements climatiques, mais aussi pour la préservation de la santé de tous et toutes.

    Dans le cadre de la PAC, nous avons donc soutenu la mise en place d’incitants tels que les écorégimes visant la réduction d’intrants, les cultures favorables à l’environnement ou encore le maillage écologique.

    Au travers de ces mesures, l’agriculteur est dédommagé pour la mise en place de bandes ou cultures sur lesquelles aucun pesticide n’est appliqué. Il en est de même pour une série de mesures agroenvironnementales dont les montants ont été revalorisés.

    Au-delà de la PAC, différents projets du plan de relance soutiennent la transformation des pratiques agricoles dans la mise en place de pratiques agroécologiques, notamment à travers des Groupements d’Agriculteurs en Agroécologie. Là aussi, les solutions fondées sur la nature sont à l’honneur en donnant davantage de place à la biodiversité pour réduire l’érosion des sols et l’utilisation des pesticides. De très nombreux agriculteurs se sont associés aux projets et ce sont autant de techniques alternatives à l’emploi de pesticides qui sont testées.

    Je citerai également des projets qu’on pourrait qualifier de « barrières naturelles » aux produits toxiques comme le programme Yes we plant ou l’obligation du Couvert végétal permanent entre les cours d’eau et les cultures. Nous avons déjà eu l’occasion à plusieurs reprises dans cette Commission de traiter de la question de mise en œuvre de ces 6 m de couvert végétal permanent et de rappeler que cette obligation avait dû être mise en place faute de respect des bandes tampons prévues de longue date dans la législation.

    D’autant plus que ces bandes aménagées avec des haies, des miscanthus ou sylphies, des céréales laissées sur pied, des bandes enherbées peuvent également jouer un rôle de protection contre l’érosion, limiter les coulées boueuses, me transfert de l’azote, et cetera.

    Je privilégie toujours le dialogue et la mise en place d’incitants pour encourager aux changements des pratiques, et c’est ce que nous avons encore fait au travers de la PAC ou des mesures que je viens d’énoncer.

    De façon plus globale, le Gouvernement a validé la troisième mouture du Plan wallon de réduction des pesticides. Le PWRP 3 se décline en 16 mesures et 29 actions. Parmi les mesures, un accent est mis :
    • sur le dialogue et sur le développement d’un conseil réellement indépendant envers les agriculteur.rice.s pour leur proposer des solutions ciblées ;
    • sur la santé des utilisateurs professionnels de pesticides, dont l’exposition à ces produits sera objectivée à l’aide d’un complément au biomonitoring en cours, comme demandé par les syndicats agricoles ;
    • sur l’exposition aux produits phytopharmaceutiques des populations riveraines de certaines cultures afin d’évaluer l’efficacité des mesures de protection employées.

    Au-delà des bandes tampons, la mise en place de bandes aménagées et de remparts physiques tel que des filets ou des haies restent privilégiés, car clairement identifiable et contrôlable.

    C’est l’objectif d’une des mesures du PWRP visant à « Poursuivre l'amélioration du dialogue, des échanges d'informations entre les agriculteurs et les riverains et la mise en place de mesures volontaires d'atténuation et de prévention des risques liés à l'application de PPP », prévue avec la SOCOPRO et le concours des communes.

    Comme l’honorable membre le mentionne, la législation actuelle prévoit des bandes tampons de tailles différentes en fonction des produits employés et des publics à protéger. Ceci est compliqué tant pour l’agriculteur que pour le contrôle.

    Dans le but de clarifier certains aspects de l’AGW « pesticides » du 11 juillet 2013, un travail important de vérification de la lisibilité et de la contrôlabilité a été entrepris par l’Administration, avec la collaboration des organismes d’encadrement CORDER et PROTECT’eau. Le projet prévoit également l’amélioration de la protection de certains publics cibles justement par la mise en place d’une bande tampons riverains continue. Le texte est en cours de finalisation et tient compte de l’évolution législative européenne.

    En effet, parallèlement à ce travail, la Commission européenne a réalisé une évaluation de la Directive-cadre Pesticides 2009/128/CE et a proposé de remplacer cette Directive par un Règlement sur l’Utilisation durable des pesticides (SUR), afin que les transpositions de chaque Etat membre soient plus égalitaires. Dans cette proposition de Règlement SUR, la Commission européenne vise notamment à interdire l’application de tout type de PPP (chimique ou non) dans les « zones sensibles ». En l’état actuel des discussions, les zones sensibles correspondent aux :
    • zones fréquentées par le public ou les groupes vulnérables ;
    • zones d’habitats et de travail/services ;
    • zones urbaines couvertes par un cours d’eau ou une étendue d’eau ;
    • zones non productives de la politique agricole commune selon la BCAE 8 (« Bonnes conditions agricoles et environnementales – Part minimale de terres arables consacrée à des surfaces et des éléments non productifs).
    • zones « écologiquement sensibles », telles que les zones de captage …

    Ce projet de règlement SUR est à l’heure actuelle au stade de première lecture au niveau européen et les zones visées seront sans doute ajustées pour tenir compte des réalités territoriales et économiques, mais ceci confirme la volonté du législateur, volonté que je partage, de protéger plus fortement encore le public de l’exposition aux pesticides.

    Il convient donc de tenir compte de cette évolution législative en accompagnant le secteur agricole par la réduction effective de l’emploi des pesticides, mais aussi dans le soutien à la mise en place la plus systématique possible de barrières physiques naturelles protectrices des riverains.