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Le développement d’un cadre législatif pour la filière des batteries

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 791 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 12/06/2023
    • de DI MATTIA Michel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La filière européenne des batteries est en plein essor, mais elle fait face à de nombreux défis, tels que la quantité limitée de matières premières, la dépendance à des pays tiers et la durabilité de la chaîne de production. D'ici 2030, la demande de matières premières critiques augmentera considérablement pour répondre aux besoins de la transition verte, tandis que le recyclage des premières batteries automobiles usagées sera également essentiel.

    L'industrie belge se prépare à jouer un rôle dans cette filière, mais elle rencontre de nombreuses incertitudes. L'approvisionnement en minerais est fortement dépendant de pays tiers, ce qui soulève la question de l'autonomie de l'Union européenne.

    De plus, le marché interne actuel ne dispose pas d'une efficacité et d'une structure suffisantes pour garantir le recyclage de tous les matériaux présents dans les batteries.

    Dans ce contexte, au regard des priorités wallonnes en matière de mobilité, quelles mesures compte prendre le gouvernement pour encourager et faciliter le développement durable de la filière des batteries en Wallonie ?

    Qu'en est-il aujourd'hui des appels à projets ?

    Monsieur le Ministre va-t-il développer à l'échelle régionale des initiatives favorisant le recyclage complet des batteries automobiles usagées et améliorer la structuration du marché interne ?

    En collaboration avec l'État fédéral, un travail est-il en cours pour développer un cadre législatif de la filière des batteries en Belgique ?

    Concernant singulièrement le transport de matériaux dangereux et l'impact sur la production de batteries au lithium, des mesures sont-elles étudiées par le Gouvernement pour assurer la compatibilité entre les projets de restriction des PFAS (composés perfluorés) au niveau européen et la production de batteries ?
  • Réponse du 06/07/2023
    • de BORSUS Willy
    Dans cette logique de soutien à l'émergence d'une filière industrielle dans le secteur du recyclage des batteries, Wallonie Entreprendre a lancé un appel à projets. Concrètement, cet appel vise à identifier, engager et soutenir un ou plusieurs acteurs économiques porteurs de projets de production, de reconditionnement et/ou de recyclage des batteries ou de cellules de batteries destinées au stockage d’énergie pour les applications stationnaires ou mobiles.

    Le Gouvernement wallon a confié à Wallonie Entreprendre une enveloppe de 25,5 millions d’euros dédiée au financement (capital et prêts) de projets en lien avec cet objectif. Wallonie Entreprendre a décidé d’investir un montant au moins équivalent en fonds propres, qui pourra être revu en fonction de la qualité, du risque et des demandes des projets sélectionnés. Le présent appel à manifestation d’intérêt permettra ainsi de consacrer un budget d’investissement public d’au moins 50 M€ dans le secteur industriel des batteries.

    Pour les industriels, la production et le recyclage de batteries restent toutefois des activités à risque, car celles-ci exigent une grande part d’innovation. Et c’est précisément la raison d’être de cet appel à projets qui vise à créer un cadre et les conditions idéales de déploiement pour ce type d’activités à la fois pour la production, mais aussi pour la réutilisation ou le recyclage de batteries de stockages fixes ou mobiles, en ce compris pour les sous-produits (composants, métaux rares, et cetera). L’inclusion de la réutilisation et du recyclage doit notamment permettre aux industriels producteurs de rencontrer les obligations en matière de reprise, soit en investissant directement dans des outils ad hoc, soit en nouant des partenariats de proximité.

    L’objectif est ici d’implémenter des installations industrielles en Wallonie en participant au financement d’actifs corporels qui contribueront à renforcer la création de valeur ajoutée et d’emplois. Les projets qui concerneraient une partie de la chaîne de valeur liée à la production ou au recyclage des batteries sont aussi éligibles, à condition toutefois qu’ils s’insèrent comme l’un des maillons au sein d’un écosystème complet. De même, les initiatives industrielles qui viseraient le traitement des déchets dangereux issus des batteries lithium-ion (un secteur actuellement très peu développé) seront aussi examinées.

    La Wallonie a préparé et lancé son appel à manifestation d’intérêt à un moment particulièrement opportun compte tenu notamment :
    - de la volonté européenne d’électrification du parc automobile et du recours aux sources de production d’énergie renouvelable (et donc d’augmentation du besoin de stockage pour gérer le caractère intermittent des énergies renouvelables) ;
    - des mesures importantes prises par nos voisins, l'Allemagne et la France, pour promouvoir la mobilité électrique, notamment en fixant des objectifs ambitieux pour la transition vers les véhicules électriques. Il était certain encore que la demande de batteries pour alimenter ces véhicules allait augmenter. Cela crée des opportunités pour les usines liées directement ou indirectement à la fabrication de batteries proches de l’Allemagne et de la France.

    Eu égard aux moyens financiers colossaux dont disposent nos voisins pour attirer des giga-factories, j’ai voulu, avec le Gouvernement wallon, positionner la Wallonie de manière intelligente en agissant au mieux avec les moyens disponibles. Il peut en effet être judicieux de se concentrer sur la fabrication de certains composants nécessaires, l’assemblage et sur les industries connexes pour la création de valeur ajoutée, l’encouragement de l'innovation, la maîtrise de la technologie, et particulièrement, la création d'un écosystème industriel.

    Enfin, je tiens à préciser que j’ai mis l’emphase sur le recyclage pour m’inscrire dans la volonté de faire de notre Région une région de pointe dans la circularité et le développement durable.

    Ainsi, nous portons actuellement une attention particulière à développer et consolider une filière circulaire dans le domaine des batteries, notamment à travers Circular Wallonia. Le renforcement des pratiques circulaires innovantes dans le secteur des batteries est au cœur des actions qui sont menées par la Taskforce Métallurgie au sein de Circular Wallonia. Un travail spécifique sur la chaîne de valeur des batteries est coordonné par Mecatech. Il porte sur trois axes :
    1. Cartographier les expertises wallonnes : identifier les centres de recherche, les universités et les industriels déjà actifs dans le secteur des batteries. Cette étude a par ailleurs permis de mettre en avant les atouts de la Wallonie et notamment une expérience reconnue en matériaux avancés et en revalorisation des déchets, une capacité manufacturière agile, capable de s’adapter à des fabrications innovantes et un emplacement logistique au cœur de l’Europe ;
    2. Connecter les acteurs wallons et internationaux : l’AWEX et le Pôle MecaTech ont coorganisé une première mission dans les pays nordiques en avril 2022 ;
    3. Monter dans les projets européens, afin de préparer les acteurs de la chaîne de valeur Batteries à l’internationalisation.

    La Wallonie poursuit aussi son positionnement sur des leviers européens sur la base de ses forces et de ses potentiels en s’appuyant sur la Stratégie régionale de spécialisation intelligente. Ainsi, la Wallonie est engagée au sein de l’Alliance européenne des matières premières (ERMA) dont l’objectif est de garantir l’accès aux matières premières critiques et stratégiques (notamment liés aux batteries et à la transition énergétique), aux matériaux avancés et au savoir-faire en matière de transformation pour les écosystèmes industriels de l’UE. L’alliance implique toutes les parties prenantes concernées, y compris les acteurs industriels tout au long de la chaîne de valeur, les États membres et les régions, les syndicats, la société civile, les organisations de recherche et de technologie, les investisseurs et les ONG. La Région est aussi engagée au sein du PIEEC (Projet important d’intérêt européen commun ou IPCEI en anglais) relatif aux batteries, afin d’anticiper les investissements industriels et de s’attaquer aux risques de la croissance de la filière. À travers ce projet, l’ambition de l’Union européenne est de devenir un leader stratégique de la fabrication et de l’innovation des batteries. Notre participation à cette initiative permet de positionner des acteurs wallons au sein de la chaîne de valeur pour les cellules de batteries en Europe – du traitement des matières premières au recyclage en passant par la production de cellules de batteries.

    Nous sommes attentifs à préserver et développer le continuum entre la R&DI et l’industrie. Les prévisions du marché du recyclage montrent que les recycleurs vont devoir accroître leurs capacités de recyclage, pour affronter l’augmentation des besoins de traitement des batteries au lithium arrivant en fin de vie à partir de 2027 : la R&DI du recyclage est donc à renforcer pour optimiser l’écoconception, les produits finis, les coûts opératoires et pour renforcer l’autonomie de l’Europe en matière d’approvisionnement. La « Stratégie de Spécialisation Intelligente » (S3) confirme ce soutien au développement d’une telle filière en Wallonie, particulièrement à travers deux des 5 Domaines d’Innovation Stratégiques : « matériaux circulaires » et « Systèmes énergétiques et habitat durables ». Plusieurs Initiatives d’Innovation Stratégiques sélectionnée dans ce cadre vont pouvoir contribuer à développer l’innovation dans ce domaine. Je peux citer en particulier l’initiative WIN4C qui fédère les acteurs et actions dans le domaine de la circularité des matériaux.

    En outre, dans le cadre du plan de relance de la Wallonie, la mesure 1.71 est en cours de finalisation. Un de ses volets vise à renforcer les investissements dans les chaînes de valeur liées à la transition énergétique, en particulier la production de batteries ou de ses composants. Il s’agira d’un appel à projets permettant l’accès à des aides à l’investissement pour les entreprises. Cette mesure est cogérée par Walenergie et le SPW EER. Par ailleurs, un appel complémentaire à celui-ci va bientôt être lancé sur base du fonds RePowerEU pour lequel la filière des batteries sera éligible.

    La Wallonie possède déjà quelques acteurs et atouts dans le domaine. Nous pouvons citer le centre de recyclage de voitures électriques du groupe Comet Traitements, installé à Châtelet et Obourg, qui est un maillon important dans cette chaîne du recyclage des batteries et véhicules électriques. Il s’agit du premier centre de ce type en Belgique ; ou encore, Nanocyl, l'expert industriel des nanotubes de carbone multiparois avec une stratégie industrielle se concentrant sur les défis actuels des marchés de l'énergie, du transport et de l'électronique ; Hydrometal traite sur son site de nombreux matériaux secondaires contenant des métaux non ferreux tels que des sulfates de plomb et des acides résiduels provenant du traitement des batteries au plomb. Hydrométal a pour ambition de devenir rapidement un acteur majeur du recyclage des batteries Li-ion. D’autres projets sont en cours de développement comme celui d’ABEE ou d’Envirolead.

    Le nouveau cadre législatif de la filière des batteries vient d’être adopté au niveau européen le 14 juin dernier. La Belgique suit de près ces évolutions et adapte sa réglementation conformément aux directives reçues. Ces compétences relèvent toutefois de ma collègue Céline Tellier, et j’invite l’honorable membre à se diriger vers elle.

    La proposition d’interdiction des polluants PFAS formulée à la fin de cet hiver est dans une phase d’évaluation par l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) avant soumission à la Commission européenne. Il est encore trop tôt pour prendre des mesures locales, mais la volonté répétée de la Wallonie est de supporter des projets durables et respectueux de l’environnement. C’est pourquoi elle soutient la recherche via ses centres de recherche et ses universités dans le domaine des nouveaux matériaux ou dans la gestion et le traitement des polluants, visant à proposer aux industriels actifs dans les domaines potentiellement impactés des solutions pour aller vers des produits toujours plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Une fois encore, j’invite l’honorable membre à se diriger vers ma collègue Céline Tellier pour ces aspects.

    Comme il peut le constater, la chaîne de valeur des batteries, dont celles des véhicules électriques, est un point d’attention important du Gouvernement qui continuera de soutenir l’innovation auprès des acteurs wallons de la filière pour en assurer le développement.