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La situation des loutres en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 629 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 15/06/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Depuis 2012, on observe de plus en plus de loutres en Belgique, et ce, après des décennies d'absence. La qualité des habitats disponibles le long des cours d'eau, la qualité de l'eau ainsi que la présence des proies sont essentielles à sa préservation.

    En Wallonie, WWF-Belgique collabore avec les différents acteurs impliqués dans la gestion des cours d'eau dans le cadre des « contrats de rivières », afin de restaurer l'habitat de la loutre et d'améliorer les populations de poissons dans la vallée de la Meuse dans le Limbourg et dans la basse Semois.

    En 2011, le Plan loutre était adopté pour une durée de 10 ans pour la Wallonie et le Grand-Duché du Luxembourg. L'objectif de ce plan visait à planifier et mettre en place des actions afin de maintenir ou/et augmenter les conditions favorables de vie des populations de loutre et de même pour leurs habitats. Citons à titre d'exemple la pose de clôtures le long des cours d'eau ou encore la restauration de la ripisylve ainsi que la lutte contre les plantes invasives.

    Depuis lors, pas mal d'actions ont été menées notamment du point de vue de l'analyse de la qualité des eaux.

    Diverses actions ont été entreprises par WWF, en concertation avec les acteurs et actrices de l'agriculture et de la pêche : creusement de mares, destruction de vieux barrages, végétalisation des berges, amélioration de la qualité de l'eau. Malgré cela, WWF relève que seulement 50 loutres sont présentes sur le territoire de la Belgique et les questions relatives à la préservation de leur habitat ainsi qu'à la qualité de l'eau sont toujours d'actualité.

    Madame la Ministre était déjà interpellée à ce sujet en janvier 2022 et apportait déjà quelques éléments de réponse.

    Madame la Ministre pourrait-elle dresser un état des lieux des actions qui ont été menées depuis la fin du Plan loutre (2021 donc) afin de préserver l'habitat de celles-ci et de préserver leurs conditions de vie ?

    Puisque la problématique semble toujours d'actualité, une réflexion est-elle menée au sein de son administration afin d'envisager d'autres pistes pour résoudre le problème ?

    Elle faisait référence en janvier 2022 (à l'occasion d'une question écrite n° 167 (2021-2022) qui lui était posée) à un bilan provisoire qui mettait en évidence que les inventaires ainsi que les analyses sur la qualité de l'eau avaient été correctement réalisés.

    Pourrait-elle dresser un bilan définitif à ce jour ?

    Peut-elle dresser un inventaire des loutres qui se trouvent en Région wallonne ?

    Elle a dit avoir comme ambition de « soutenir la mise à jour du plan d'action et pour la période 2022-2031 dégager des moyens pour animer de façon proactive la mise en œuvre d'action de restauration des habitations et d'amélioration de la qualité de l'eau ».
    Qu'en est-il actuellement ?

    Le Plan loutre a-t-il été mis à jour comme ambitionné et des moyens ont-ils été dégagés ?
  • Réponse du 09/08/2023
    • de TELLIER Céline
    La loutre d’Europe n’a jamais disparu du sud de la Wallonie, mais sa situation reste préoccupante. Lors du dernier rapportage européen en 2018, le DEMNA a pu confirmer sa présence dans les bassins de l’Our, de l’Ourthe et de la Semois. Son existence sur d’autres bassins hydrographiques est également plausible étant donné les témoignages sporadiques rapportés par divers observateurs, mais elle n’a pas pu y être validée avec certitude, faute de preuves irréfutables (photos de loutres, empreintes fraîches). Le nombre de 50 individus en Belgique avancé par le WWF est sans doute optimiste, bien que les conditions d’habitat de nos rivières wallonnes répondent en bonne partie aux besoins de la loutre. Toute notre attention doit être portée au maintien et à l’amélioration des conditions d’habitat, pour contribuer au développement de cette espèce.

    Dans les populations de faible densité, comme c’est le cas chez nous, les loutres sont très discrètes et dès lors très difficiles à détecter de visu. C’est la raison pour laquelle mon administration a entrepris, cette année, un important travail de détection de cette espèce sur une dizaine de cours d’eau wallons jugés propices au mustélidé au moyen de la recherche d’ADN environnemental. Ce travail mené en partenariat avec l’Institut de Recherche sur la Nature et la Forêt flamand (INBO) fait suite aux premiers relevés menés avec succès sur la Semois en 2022 par mon administration, le Contrat de Rivière Semois-Chiers et le WWF. L’objectif est de valider la présence de l’espèce dans des cours d’eau sur lesquels elle est connue depuis le début des années 2000, ainsi que dans de nouvelles zones potentielles de colonisation. En effet, la loutre ayant été réintroduite aux Pays-Bas, des individus de cette population ont déjà rejoint des cours d’eau de Flandre et pourraient arriver en Wallonie par le bassin de la Meuse, notamment via la Gueule et la Berwinne qui font partie des cours d’eau surveillés par la recherche d’ADN environnemental.

    Les résultats des analyses seront connus d’ici quelques mois, au terme de la campagne de prélèvements. Ils permettront d’apporter les données nécessaires au rapportage vis-à-vis de la directive « habitats » et de prioriser les actions à mener, en particulier au sujet de la fragmentation de l’habitat. Par exemple, l’installation de passages à pied sec pour la loutre sous des ponts surplombés par des voiries à forte densité de trafic routier, l’aménagement de frayères et de mares, la protection des berges par aménagement de ripisylves, la disponibilité en caches potentielles dans l’habitat de la loutre pourront être favorisée dans les secteurs-clés identifiés pour la conservation de l’espèce, sur base de l’ensemble des données collectées par mes services.

    En sus des actions menées dans le cadre du projet Life loutre, depuis 2005, mes services ont, avec l’appui d’une sous-traitance avec l’ULiège, poursuivi la collecte d’informations sur la qualité des habitats pour la loutre.

    Tant la qualité des habitats que la qualité de l’Eau constituent les piliers indispensables des actions à mener pour la conservation de la loutre en Wallonie dans les prochaines décennies. C’est pourquoi différentes actions que je mène visent au maintien et à l’amélioration de la qualité de l’eau et des habitats.

    Le travail de caractérisation des habitats mené sur plus de 800 km de berges wallonnes doit permettre d’appuyer la réalisation d’aménagements utiles à la loutre. Les données ont été mises à disposition des contrats de rivières et des parcs naturels impliqués dans la protection de l’espèce avec, selon les besoins, des propositions d’aménagements établies par le SPW et ses partenaires. Le WWF a aujourd’hui choisi de financer une partie des travaux dont l’utilité a été mise en évidence par ces analyses et c’est tout à son honneur de contribuer à la préservation de la loutre.

    J’ai aussi initié un appel à projets qui vise notamment à soutenir des mesures portant sur la reméandration de cours d’eau. Ces travaux de reméandration, de diversification des écoulements ou de création d’habitats piscicoles améliorent la continuité transversale et montrent une bonne évolution des indicateurs biologiques. Ces travaux sont menés dans un contexte de gestion intégrée, équilibrée et durable des cours d’eau.

    Par ailleurs, globalement, la qualité de l’eau s’améliore progressivement en Wallonie, grâce notamment à des d’actions menées dans le contexte de la Directive Cadre sur l’Eau. La qualité de l’eau, ainsi que la biomasse piscicole, sont des aspects à prendre en compte pour permettre l’accueil de la loutre. Ceci dit, il est surprenant de voir avec quelle aisance cette espèce, très plastique, a pu recoloniser des cours d’eau du nord du pays comme l’Escaut, a priori beaucoup moins propices en termes de qualité d’eau et d’habitat que beaucoup de cours d’eau wallons.

    Pour le surplus, le plan loutre n’a pas été formellement mis à jour dans la mesure où les actions d’inventaire et la transmission de recommandations aux gestionnaires de cours d’eau constituent les actions à mener prioritairement pour cette espèce.

    Par ailleurs, à ma demande, mes services ont initié un marché de services pour appuyer la rédaction ou l’actualisation et la mise en œuvre d’actions en faveur d’espèces menacées. Tenant compte des disponibilités budgétaires et de l’urgence à agir, les premiers lots portent sur l’actualisation et la poursuite de plans d’action pour certaines espèces de reptiles et de papillons menacés et sur le lancement d’un plan d’action en faveur des oiseaux des plaines agricoles.