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Le défi de la décarbonation pour les grandes entreprises et le cadre de compensation des coûts des émissions indirectes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 1203 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 15/06/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Dans les éléments de réponse du Ministre de l'Économie à ma question N° 457 du 2 mars 2023, celui-ci mentionnait toute une série de mesures ayant été prises afin de soutenir les acteurs industriels dans leur transition et face aux défis de la décarbonation.

    Le Ministre Borsus y mentionne la mise en place de deux roadmaps pour une industrie bas-carbone tel que (1) le projet en cours dans le cadre du Plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) sous l'égide de la cellule de veille stratégique de Wallonie Entreprendre et (2) d'un Plan stratégique pour l'hydrogène, piloté par le Service public de Wallonie Territoire, Logement, Patrimoine, Énergie (SPW TLPE). Il était aussi question de la centralisation des données par le SPW TLPE (Énergie) ainsi que par l'Agence wallonne de l'air et du climat (AWAC).

    Il s'agirait ici de mieux comprendre aussi l'adaptation/réforme des mécanismes déjà existants notamment les accords volontaires de troisième génération ainsi que le cadre de compensation des coûts des émissions indirectes (carbon leakage).

    Quelles sont les progressions concernant l'adaptation des mécanismes mentionnés ci-dessus ?

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre concernant notamment les accords volontaires de troisième génération ?

    Quid de l'adaptation du cadre de compensation des coûts des émissions indirectes (carbon leakage) ?

    Quels sont les retours des acteurs économiques concernés ainsi que celui des organisations non gouvernementales en la matière ?

    Quels sont les perspectives et défis concernant le travail de l'administration vis-à-vis de la centralisation des données par le SPW TLPE (Énergie) ainsi que par l'AWAC ?

    Quels sont les retours de ses administrations en la matière ?
  • Réponse du 04/08/2023
    • de HENRY Philippe
    Le défi de la décarbonation des entreprises wallonnes est un point d’actualité qui fédère l’ensemble du Gouvernement. C’est un chapitre important du Plan Air Climat Énergie adopté récemment, et qui mentionne les nombreuses actions pour soutenir les entreprises qui s’engagent sur la voie de la neutralité carbone, entre autres, mais pas seulement, via des projets du Plan de relance wallon.

    Tout d’abord, concernant les compensations pour le coût des émissions carbone indirectes, je me permets de rappeler que cette mesure a été initiée par le Ministre Borsus, vers lequel je renvoie l’honorable membre pour davantage de détails. Il s’agit en effet d’une aide d’état à la compétitivité de nos entreprises industrielles les plus intensives en électricité.

    Pour ce qui concerne la troisième génération d’accord volontaire, prévue pour prendre ses effets au 1er janvier 2024, le travail de consultation et de conception effectué ces 2 dernières années a abouti à une révision des outils législatifs et réglementaires existants :
    - la réforme AMUREBA relative aux audits énergétiques, pierre angulaire des conventions carbone, qui est passée en première lecture en février ;
    - l’avant-projet de décret neutralité carbone qui contient le cadre légal des conventions carbone, passé en 2e lecture ce début juillet ;
    - les textes relatifs aux contreparties (adaptation du décret électricité et de l’arrêté promotion de l’énergie verte) adoptés en première lecture doivent être notifiés à l’Europe ;
    - l’arrêté d’exécution relatif aux conventions carbone (contenu de la convention-type, encadrement des conventions et critères méthodologiques) qui est également en cours de discussion.

    La réforme des accords volontaires opère des synergies entre les différents mécanismes d’aide aux entreprises en matière de climat et d’énergie et a pour ambition :
    - d’assurer une vision holistique et long terme de la décarbonation de nos entreprises, sur base de plans d’actions phasés récurrents ;
    - de redynamiser l’ambition et les moyens pour passer à l’action, et les aligner avec les engagements internationaux de la Wallonie ;
    - d’implémenter les outils pratiques de pilotage de cette transition dans les entreprises et assurer le rapportage vers le Gouvernement afin d’améliorer la pertinence de son accompagnement face aux besoins sur le terrain ;
    - d’optimiser les synergies avec les autres mesures ou impositions du Gouvernement, pour assurer la simplification administrative des démarches ;
    - d’offrir de la visibilité et de la sécurité juridique aux différents acteurs (entreprises, prestataires, administrations) ;
    - de permettre enfin l’émergence de nouvelles technologies de rupture ainsi que l’évolution du cadre légal et de l’infrastructure physique correspondante.

    L’objectif des conventions carbone est d’accompagner les entreprises vers la neutralité carbone en 2050, et de contribuer collectivement de manière significative à l’atteinte des objectifs climatiques wallons, sans pour autant brider la croissance individuelle des entreprises. L’idée est d’assurer la continuité avec les accords historiques en construisant sur les points forts du mécanisme existant.

    Les consultations relatives au décret neutralité carbone et à l’arrêté Amureba sont encourageantes. Pour Amureba, le secteur a exprimé le besoin urgent d’une telle réforme, plus en phase avec les besoins de terrain. Les acteurs consultés apprécient la possibilité d’intégration de l’audit dans un système de management de l’énergie plus vaste et la simplification administrative opérée. Les conventions et communautés carbone rejoignent les besoins de terrain. Peu de modifications ont été demandées. La mise en œuvre est détaillée dans l’arrêté qui sera prochainement soumis à consultation.

    Depuis le Clean for Energy package, et encore plus avec le Green Deal et le Fit for 55 package, l’Europe améliore la cohérence et les synergies de ses actions en matière énergie, climat et finances (ETS, énergie, aides d’état, taxonomie ESG, corporate governance, et cetera).

    Le 1er défi est d’accepter que le climat et l’économie ne sont pas forcément antinomiques.

    En effet, la lutte contre le changement climatique mène à un réel atout de compétitivité et de qualité de vie et pas à une simple promotion marketing de type « greenwashing ». Le 2e défi est de faire converger (lisibilité, cohérence et synergie) les mécanismes d’accompagnement de nos entreprises dans leur transition, même lorsque ces mécanismes ressortent des compétences de plusieurs ministres. Enfin, le 3e défi consiste à optimiser les ressources et à simplifier les démarches.

    Le point de base est de collecter des données de qualité et de développer des indicateurs clés pertinents pour mettre à disposition des entreprises les bons outils de pilotage de leur transition énergétique et climatique. Il convient ensuite d’apporter une réelle valeur ajoutée à l’analyse de ces données et de l’évolution de ces indices, pour assurer la pertinence des conseils qui en découlent, et la qualité des plans d’actions et de leur suivi, et enfin, offrir une assistance au montage des projets les plus complexes (rupture technologique).

    Pour monter et accompagner les projets de passage à l’action, c’est le temps et les compétences humaines qui manquent. Collecter des données est une chose, les analyser et les utiliser pour améliorer les processus et le passage à l’action en est une autre.

    Les administrations wallonnes (EER, TLPE, AWAC) sont aussi demandeuses d’optimisation des moyens et ressources vers le but commun de décarbonation tracé par le Plan Air Climat Énergie. Les administrations soulignent que les aides à l’investissement en matière d’utilisation durable de l’énergie doivent être liées aux les audits et études énergétiques.

    Concernant les compensations « carbon leakage indirect », mon administration collabore activement avec celle de l’économie pour sa mise en œuvre. Conformément au nouveau cadre européen en matière d’aides d’état, cette compensation est conditionnée à l’appartenance à des sous-secteurs (codes NACE) prédéfinis par l’Europe et à l’engagement de l’entreprise dans une démarche d’efficacité énergétique (obligation d’audit, mise en œuvre des recommandations découlant de cet audit et l’atteinte des benchmarks CO2 de l’ETS). En Wallonie, la quasi-totalité des entreprises concernées participe actuellement aux accords de branche et je l’espère aux conventions carbone dans le futur. Les liens entre les 2 mécanismes peuvent être étendus aux allocations gratuites de quotas ETS, en cours de réforme, sur des bases fortement similaires.

    Les 3 administrations TLPE, EER et AWAC travaillent main dans la main à la simplification administrative, pour s’assurer qu’une seule et même communication vers l’administration (le rapport d’audit annuel des accords volontaires) serve de base aux 3 démarches, ce qu’apprécient fortement les fédérations d’entreprises concernées.

    Cette volonté de renforcement des synergies pour simplifier et mettre en cohérence les démarches administratives, est également entamée dans d’autres thématiques parallèles entre les équipes du SPW TLPE, de l’AWAC et de l’EER, avec extension à l’outil de financement wallon qu’est Wallonie Entreprendre. Tout comme les auditeurs, facilitateurs, clusters et pôles collaborent pour accompagner concrètement les entreprises sur le terrain.