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La portée de l’article L1242-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation dans les actions comme défendeur où les prérogatives du conseil communal peuvent être engagées

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 463 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 19/06/2023
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    En matière d'actions en justice, l'article 1242-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation répartit les rôles entre le collège communal (actions intentées à la commune, actions en référé, actions possessoires ou interruptives de la prescription et des déchéances) et le conseil communal (actions où la commune intervient comme demanderesse).

    Il en résulte que le collège communal est compétent pour les actions intentées à la commune.
    L'interprétation de cet article combiné aux obligations à charge du collège communal prévue par l'article L1123-23 du CDLD pose cependant question quant à la latitude dont le collège dispose effectivement.

    À titre d'exemple, cet article prévoit que le collège communal est chargé des alignements de voiries en se conformant, lorsqu'il en existe, aux plans généraux adoptés par l'autorité supérieure. La plupart des communes sont ainsi dotées d'un atlas, certes ancien, mais qui constitue le plan général de délimitation ou d'alignement visé à cet article et auquel le collège communal est donc tenu de se conformer dans les décisions qu'il prend en matière d'alignement.

    S'il est attrait devant le juge par un propriétaire riverain d'un chemin dont la délimitation figure dans cet atlas ou par le propriétaire de l'assiette d'une servitude publique de passage (sentier) mentionnée sur cet atlas, lequel demande au juge de constater la disparition par prescription dudit chemin ou sentier, le collège communal peut-il, sans enfreindre l'article L1123-23 du CDLD acquiescer à la demande de ce propriétaire sans défendre la voirie communale concernée telle qu'elle figure sur le titre que constitue le plan de délimitation auquel il doit se conformer dans ses décisions ?

    Ce questionnement revêt un enjeu de bien commun, dès lors qu'il ne serait pas compréhensible qu'un collège puisse ainsi consentir à une privatisation sans décision du conseil communal.

    Dans le même ordre d'idée, le collège peut-il, sans enfreindre l'article L1123-23 du CDLD, ne pas défendre la conservation des droits de la commune sur ces mêmes voiries et acquiescer sans explication ou prise de position devant le juge à la citation du demandeur qui postule le constat de non-utilisation trentenaire dudit chemin ou sentier ?

    Toujours dans le même ordre d'idée, le collège peut-il, pour appuyer la citation du demandeur, reconnaitre que si le chemin ou sentier n'a pu être utilisé pendant 30 ans, c'est en raison de l'absence d'entretien dont il s'est rendu coupable malgré l'injonction figurant à l'article L1123-23 chargeant le collège communal de cet entretien ?

    À quelle responsabilité juridique s'exposeraient les membres du collège en cas d'altération du bien commun hors délibération du conseil et en cas de négligence dans l'entretien conduisant à cette possible prescription ?

    Par ailleurs, vu la compétence exclusive du Conseil communal visé à l'article 7 du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale en ce qui concerne la création, la suppression ou la modification des voiries communales, un collège communal qui voudrait ne pas défendre sa voirie en présence du juge devant lequel un propriétaire l'attrait pour constater une prescription, ne doit-il pas préalablement se munir d'une délibération du Conseil communal l'autorisant à agir de la sorte devant le juge ?

    À ce propos, Monsieur le Ministre confirme-t-il le point de vue de la doctrine, relayé par M. Charles Havard dans « Le Manuel pratique de droit communal en Wallonie », où il écrit : « Le collège ne peut, sans l'autorisation du conseil communal plier volontairement devant l'adversaire, car il renoncerait alors aux droits de la commune, ce qui ne peut être consenti que par le Conseil » ?

    Vu les erreurs constatées en pratique, ne serait-il pas judicieux de rappeler cette obligation aux communes, le cas échéant par circulaire ?
  • Réponse du 31/08/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    Dans le cadre de la question posée, le postulat de départ selon lequel l'Atlas des voiries vicinales « constitue le plan général de délimitation ou d'alignement visé à l'article L.1123-23 du CDLD » est erroné selon mon Administration.

    Cet Atlas ne constitue effectivement - à fortiori en matière de sentier vicinal, c'est-à-dire de servitude publique de passage - qu'une source exclusivement indicative. Il ne s'agit nullement d'une source juridique fiable, et encore moins d'un plan de délimitation, eu égard à son caractère imprécis.

    Cette source établit uniquement de manière certaine qu'a existé juridiquement, aux lieux référencés, une voirie publique, dont les limites demeurent généralement imprécises, en un temps déterminé.

    La mention à l'Atlas des voiries vicinales ne permet pas de présumer de la persistance de cette voirie dans le temps, compte tenu de l'absence de mise à jour systématique de cet outil et du fait que la notion de voirie communale constitue avant toute chose, à suivre la jurisprudence de la Cour de cassation et l'ensemble de la doctrine autorisée, une question de fait.

    Dans la mesure où l'Atlas précité ne constitue pas un plan de délimitation, le collège communal peut, selon mon Administration, acquiescer à la demande d'un propriétaire, dans la mesure où celle-ci révèle à suffisance de droit la suppression ou la modification de la voirie communale lorsque celle-ci est située sur une assiette privée et pour autant que le non-usage de cette voirie soit établi de manière certaine par tout moyen de preuve, sur une période de trente ans révolue au 1er septembre 2012.

    Le collège communal ne consentirait pas, ce faisant, une privatisation du domaine public de la voirie, mais, s'agissant d'un acquiescement au sens donné à ce terme par le droit judiciaire, renoncerait à contester et marquerait accord sur la décision judiciaire rendue constatant la disparition de la voirie publique.

    À la question de la régularité de l'absence de défense par le collège communal de « la conservation des droits de la commune sur ces mêmes voiries et [l'acquiescement] sans explication ou prise de position devant le juge à la citation du demandeur qui postule le constat de non-utilisation trentenaire dudit chemin ou sentier », nous répondrions qu'à notre sens, cette décision est susceptible de deux types de recours, somme toute classiques.

    Le premier a trait à la contestation de la décision du collège devant le Conseil d'État, eu égard à la motivation de celle-ci et au caractère manifestement déraisonnable de l'analyse sous-tendant celle-ci (ce caractère déraisonnable portant logiquement sur le poids donné aux éléments de preuves examinés établissant le non-usage trentenaire de la voirie).

    Le second concerne la privation d'un « droit public de passage » et, dès lors, l'évaluation de la question de la disparition de cette voirie (constitutive d'une servitude publique de passage sur fonds privé) et porte sur la critique du caractère probant des éléments de preuve fournis, établissant le non-usage trentenaire, lequel relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et, en premier chef, du juge de Paix territorialement compétent.

    Pour rappel, la suppression d'une voirie communale par prescription extinctive, dont le constat est aujourd'hui toujours possible, pour autant que le non-usage soit établi et que le délai de prescription soit échu au 31 août 2012, ne nécessite pas de délibération du Conseil communal.

    Mon Administration ne rejoint pas l'idée selon laquelle le collège communal en charge du suivi d'une procédure judiciaire relative à la suppression d'une voirie communale devrait obtenir une délibération de son Conseil pour ne pas défendre l'existence d'une voirie communale dont il estimerait qu'il est établi qu'elle a disparu, l'examen impartial des éléments de preuve de cette situation incombant au juge de Paix saisi, indépendamment des moyens de défense produits par le collège.