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Les perspectives concernant la communication sur la "sécurité économique" de la Commission européenne

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 846 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 30/06/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La Commission et le Haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité viennent de présenter une communication visant à combler les vulnérabilités de l'économie européenne, notamment en contrôlant les investissements européens à l'étranger, en se dotant d'une « stratégie de sécurité économique » complète.

    Le texte vise à compléter des législations adoptées ces dernières années et les intégrer dans un ensemble cohérent, qui pourrait annoncer des restrictions sur le secteur très sensible des semi-conducteurs de pointe.

    Après avoir avancé une série de législations qui cherchent à augmenter la résilience de l'économie européenne, l'exécutif européen propose une stratégie globale, qui cherche à réduire quatre types de fragilités identifiées.

    L'exécutif prévoit, entre autres, d'établir, avec les États membres, une liste de technologies sensibles et les risques qu'elles présentent pour pouvoir agir en conséquence. Il annonce aussi des mises à jour des règlements sur le screening des investissements étrangers en Europe, et sur le contrôle des exportations de biens à double usage.

    La Commission prévoit, en outre, d'avancer une proposition en vue de contrôler les investissements que les Européens font à l'étranger.

    Pour examiner les risques qui peuvent résulter d'investissements sortants, l'exécutif entend mettre en place un nouveau groupe d'experts des États membres et conduire des consultations avec les entreprises et parties prenantes concernées. Sur cette base, la Commission prévoit une initiative législative pour la fin de l'année.

    Ces orientations, présentées, feront l'objet d'une discussion des chefs de gouvernement lors du sommet européen des 29 et 30 juin.

    Monsieur le Ministre pourrait-il nous dire quelle est son appréciation de cette communication de la part des institutions européennes ?

    Quelle est l'analyse de l'administration wallonne à l'égard des différentes initiatives ?

    Soutient-il la proposition visant à contrôler les investissements que les Européens font à l'étranger ?

    Qu'en est-il des discussions au niveau interfédéral ?

    Quelle est la position de la Région wallonne à cet égard ?

    Qu'en est-il concrètement du nouveau groupe d'experts des États membres ?
  • Réponse du 19/07/2023
    • de BORSUS Willy
    La Commission européenne a effectivement présenté plusieurs axes de travail le 20 juin dernier pour « réduire les risques et protéger la sécurité économique de l'Union ». Il s'agit surtout, à ce stade, de lancer le débat sur de potentielles initiatives législatives ou révisions de textes existants, notamment sur le contrôle des exportations et des investissements. Le clivage actuel sur ces sujets nécessitera un débat approfondi avec les États membres et le Parlement européen. Cette réflexion, qui s’inscrit dans la nouvelle stratégie industrielle européenne, marque la fin d’une certaine naïveté européenne face à ses concurrents, vu le contexte géostratégique actuel.

    La sécurité économique et l'autonomie stratégique ouverte s'inscrivent dans le concept d’autonomie stratégique et de résilience. Cela couvre un très large éventail de questions allant de la sauvegarde de l'intégrité de notre démocratie et de l'opinion publique contre la désinformation, de l'intégrité de nos institutions et de nos entreprises contre l'infiltration et la manipulation par des États tiers ou des organisations malveillantes, de la lutte contre les attaques hybrides et la coercition économique, de la capacité d'action militaire, et donc aussi la sécurité de l'approvisionnement qui est nécessaire pour notre compétitivité économique dans une économie mondiale ouverte.

    Dans sa communication du 20 juin dernier, la Commission propose de réaliser une évaluation approfondie des risques pour la sécurité économique qui relèvent des quatre catégories suivantes :
    • les risques pour la résilience des chaînes d'approvisionnement, y compris en matière de sécurité énergétique ;
    • les risques pour la sécurité physique et pour la cybersécurité des infrastructures critiques ;
    • les risques liés à la sécurité des technologies et aux fuites de technologies ;
    • les risques d'instrumentalisation des dépendances économiques ou de coercition économique.

    S'agissant de la protection des intérêts de l'Union, la Commission suggère de se baser sur trois grands piliers :

    1. La promotion de la compétitivité : il s'agit de rendre notre économie et nos chaînes d'approvisionnement à la fois résilientes et compétitives au niveau international. La poursuite de l'intégration du marché intérieur, y compris des marchés de capitaux, et les politiques de développement technologique et industriel ciblées sont les bases de ce pilier.

    2. La protection des risques : il s’agit premièrement d’utiliser voire de renforcer les outils existants, à savoir par exemple les instruments de défense commerciale, la réglementation sur les subventions étrangères, le mécanisme de filtrage des investissements étrangers qui est mis en œuvre depuis le 1er juillet dernier en Belgique. Deuxièmement, la Commission entend s’attaquer à la fuite de technologies sensibles en développant de nouveaux outils. La Commission propose notamment un plus grand contrôle des investissements des entreprises EU dans les pays tiers et des exportations de l'UE. Selon la Commission ces fuites affecteraient la propriété intellectuelle et la compétitivité de l’UE ou pourraient donner à des adversaires potentiels des avantages spécifiques en matière d'action militaire, d'espionnage ou de répression. À cet égard, l’approche de la Commission européenne semble mesurée, puisqu’il est proposé, dans un premier temps, d’établir un groupe d’experts avec les États membres pour analyser la question et de mener des consultations auprès des entreprises et autres parties prenantes. Les éventuelles mesures seront examinées sur cette base. Il apparaît nécessaire de disposer d’éléments objectivés quant aux risques potentiels, avant d’adopter des mesures de contrôle des investissements vers l’extérieur. La question doit également être analysée en tenant compte des impacts potentiels d’une telle mesure sur la présence de groupes étrangers et leurs activités de R&D en Europe, sur l’attractivité de l’UE pour les investisseurs et le développement international de nos entreprises.

    3. Le renforcement des liens avec certains pays tiers qui partagent nos préoccupations en matière de sécurité économique et ont des intérêts communs. Cette démarche permettra à l’UE de diversifier ses chaînes d'approvisionnement.

    Ce dossier a depuis été discuté lors du Conseil européen les 29 et 30 juin. Les Chefs d’État ont conclu qu'il est nécessaire de renforcer la résilience et la sécurité économiques de l'Union afin de défendre les intérêts de l'Union au niveau mondial tout en préservant une économie ouverte. Il appelle de ses vœux une approche qui apporte des réponses proportionnées, précises et ciblées aux défis en matière de sécurité, sur la base d'une évaluation des risques. Au niveau économique, le Conseil attend le rapport pour renforcer la compétitivité de l'Union et augmenter la productivité et la croissance, qui doit être présenté en mars 2024 ; il demande également qu'un rapport indépendant de haut niveau sur l'avenir du marché unique soit présenté lors de sa réunion de mars 2024. Finalement, le Conseil invite la Commission à présenter une boîte à outils pour faire face aux défis démographiques et notamment à leur incidence sur l'avantage concurrentiel de l'Europe.

    Cette communication nécessite une série de clarifications techniques qui seront abordées ultérieurement dans le groupe d’experts qui n’est pas encore en place. Celui-ci devra être composé sur la base de l’expertise utile sollicitée par la Commission européenne.

    En ce qui concerne la sous-question liée à la position de mon administration, celle-ci s’inscrira pleinement dans les règlements européens. Mon administration a par ailleurs pour mission de soutenir et de promouvoir les partenariats stratégiques, technologiques et industriels porteurs de valeur pour l’économie wallonne, hormis dans les pays où cela est interdit par l’Union.

    Compte tenu de la montée des tensions géopolitiques et d’une intégration économique mondiale accrue, il pourrait s’avérer nécessaire d’adopter une approche précise et proportionnelle permettant de trouver le juste équilibre entre la garantie de la sécurité économique, d'une part, et la garantie que l'UE reste ouverte et attrayante pour les investissements, d'autre part.