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L'impact pour la Wallonie de l'accord de prolongation du nucléaire

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 1277 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 07/07/2023
    • de FONTAINE Eddy
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le Gouvernement fédéral et Engie ont récemment annoncé avoir trouvé un accord sur la prolongation pour 10 ans supplémentaires des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3, ainsi que la fixation du coût de la facture de gestion des déchets nucléaires.

    La Ministre fédérale de l'Énergie commentait à cet égard que « cet accord est important pour notre futur énergétique et pour les ménages belges ». Au regard de cet impact sur les ménages, cette conservation d'une partie de notre capacité d'approvisionnement via le nucléaire devrait probablement impliquer une absence de conséquences négatives sur les prix, et plus particulièrement sur les factures des Wallonnes et Wallons.

    Cette prolongation aura probablement des conséquences sur les travaux mis en oeuvre en matière de reconversion d'emploi, de reconversion du bassin hutois, travaux qui étaient initiés dans l'hypothèse d'un démantèlement de la centrale de Tihange.

    Quel sera l'impact estimé de la prolongation de ces deux réacteurs sur les factures des ménages wallons?

    Monsieur le Ministre a-t-il sollicité le régulateur de l'énergie à ce propos?

    Cette prolongation signifie également la disponibilité pour les 10 prochaines années d'une source énergétique non fossile dans notre mix énergétique.

    Dans quelle mesure cette prolongation contribuera-t-elle aux objectifs wallons en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Cela sera-t-il comptabilisé?

    Concernant l'enfouissement des déchets, la Wallonie a-t-elle été consultée vis-à-vis de cette problématique?

    Devrons-nous réaliser des investissements en termes d'infrastructures de stockage?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de HENRY Philippe
    La compétence de la sécurité d’approvisionnement énergétique et en particulier la gestion du parc de centrales nucléaires en Belgique est exclusivement de compétence fédérale. Nous avons effectivement pris connaissance de la décision de prolonger de 10 ans les centrales de Doel 4 et Tihange 3, mais nous n’avons pas connaissance du détail de l’accord qui en précise toutes les modalités. J’invite l’honorable membre dès lors pour obtenir plus de précision sur l’impact de cette décision du prix de l’électricité pour tous les Belges à poser cette question au Parlement fédéral via un de ses collègues.

    Je vais néanmoins répondre à cette question en rappelant certains principes et donnant des ordres de grandeur.

    Les prix (de gros) en vigueur en Belgique dépendent du marché européen CWE. Doel 3 et Tihange 4 ne représentent que 0,5 % des capacités sur ce marché (2 GW sur 400 GW). Ces réacteurs ont un impact très faible sur le prix de gros.
    Deux rapports ont calculé l’impact de la prolongation : selon l’enquête commandée par Engie même à Energyville (2020) : seulement entre 3,5 euros et 7 euros moins chers par ménage et par an avec la prolongation D4/T3. L’université de Gand (2021) confirme ces résultats dans une étude. Différence autour de 1-2 euros/MWh avec la prolongation de Doel 4 et Tihange 3. Pour avoir une analyse plus fine, il faudrait connaitre le détail de l’accord de prolongation avec peut-être des dispositions spécifiques qui impactent ces évaluations.

    Par ailleurs, le Fédéral, via son appel à Capacités (CRM) a permis l’émergence de nouvelles capacités de production qui permettront de mieux réguler durant la transition, et donc de contrôler les prix.

    Je suis par contre plus inquiet de la volatilité du prix du gaz ETS sur le prix pour les consommateurs. Lors de la crise des prix de l’énergie, on a connu simultanément une haute du prix du gaz, et en même temps l’indisponibilité de nombreux réacteurs français. Au cours du printemps et été 2022, seul 24 à 28 des 56 réacteurs français étaient en fonctionnement. On parle cette fois de +- 30 GW sur les 400 GW de CWE, cela a un impact notable. Dans ce contexte, le régulateur régional CWAPE n’a pas la capacité d’évaluer les impacts spécifiques sur la Wallonie, avec une réelle prédominance des questions géopolitiques.

    Concernant les objectifs wallons de réduction de gaz à effet de serre, l’objectif 2030 de réduction de -55 % par rapport à 1990 résulte de la combinaison de l’objectif spécifique dans le non-ETS (-47 % par rapport à 2005) et ETS (-62 % par rapport à 2005). La question de la prolongation des réacteurs ne concerne que l’ETS qui est régulé à l’échelle européenne. L’atteinte de l’objectif wallon reposait déjà sur l’hypothèse du phasing total du nucléaire, sans la prolongation.

    Concernant l’enfouissement potentiel des déchets, il n’y a actuellement aucune installation de stockage définitif construite. Néanmoins, l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF), a obtenu en avril 2023 une autorisation pour la construction et l’exploitation d’une installation de stockage en surface à Dessel. Des travaux prospectifs sont menés par le Fédéral concernant l’enfouissement définitif, mais à ce stade, seul le site de Mol est envisagé. Il me paraît évident que le Gouvernement wallon sera consulté si d’autres options devaient être envisagées.