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La consigne numérique en France

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 690 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 07/07/2023
    • de CLERSY Christophe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Nos voisins français réfléchissent à la mise en place d'un éventuel dispositif de consigne afin de favoriser le réemploi et le recyclage. Dès 2021, avait été identifié l'intérêt d'étudier l'opportunité et la faisabilité d'une consigne dématérialisée des emballages de boisson.

    C'est dans ce cadre que l'Agence de la transition écologique (ADEME) vient de publier son rapport sur la question.

    Le document est plutôt négatif notamment en lien avec les risques de fracture numérique et avec la confidentialité des données.

    Les auteurs pointent en outre de sérieuses questions sur la faisabilité technique à court terme de la mise en place de la consigne digitale notamment sur le volet de la sérialisation industrielle des emballages ou encore les risques de fraudes et de dérives.

    Quels sont les engagements de Madame la Ministre et que met-elle en oeuvre afin que le déploiement de la consigne en Wallonie évite ces écueils ?

    Cela influence-t-il sa décision quant à l'implantation d'une potentielle consigne numérique en Wallonie ?

    Quelles sont les options retenues par le Gouvernement suite à l'étude qu'elle a sollicitée sur la question en Wallonie ?
  • Réponse du 07/09/2023
    • de TELLIER Céline
    Les conclusions du rapport final de l’ADEME, publié en juin 2023, sur la faisabilité de la consigne dématérialisée pour les emballages de boissons en France, pointent en effet plusieurs difficultés liées à la mise en œuvre à court terme d’un système de consigne digitale. Parmi celles-ci, on peut notamment noter le manque de retours d’expériences en France et à l’étranger (aucune expérimentation à grande échelle), l’absence de solution technique mature pour la sérialisation des canettes, l’activation des QR codes uniques et le stockage des données, ainsi qu’une série de questions non résolues à ce stade (niveau d’adhésion de la population, fracture numérique, confidentialité des données, risques de fraudes et de dérives, adaptation des dispositifs de collecte…).

    Pour ces raisons, l’ADEME juge (i) que le système de consigne digitale n’offre pas de garanties suffisantes pour permettre un positionnement affirmé sur sa faisabilité et (ii) que la mise en place de ce système nécessiterait 2 à 3 ans de réflexion supplémentaire pour éclairer la prise de position par le biais d’études et d’expérimentations.

    Les résultats de l’analyse de faisabilité de l’ADEME viennent utilement compléter les réflexions et les travaux qui sont en cours en Belgique et en Wallonie sur le sujet, dans le cadre notamment de l’analyse des conditions de faisabilité de la mise en œuvre d’un système de consigne pour les canettes et les bouteilles en Belgique, qui a été confiée au bureau d’étude RDC Environnement. Le rapport intermédiaire rendu fin juin 2023 par RDC indique également que des enjeux, qui ne relèvent pas nécessairement de la faisabilité technique et économique, mais qui sont plutôt de nature sociétale, comportementale et organisationnelle doivent aussi être pris en considération, car certains d’entre eux présentent un caractère limitant, voire bloquant. Ainsi, ces deux rapports pointent clairement les faiblesses d’une consigne se structurant à 100 % autour du digital, et un risque élevé de non-faisabilité sur le court terme.

    La fracture numérique, qui est encore très importante en Belgique (40 % des Belges sont à risque d’exclusion numérique, 32 % ont de faibles compétences numériques et 8 % sont des non-utilisateurs d'internet) fait clairement partie des facteurs limitants à prendre en considération.

    Sur base des informations disponibles, des difficultés et risques identifiés, j’ai soumis, le 13 juillet 2023, au Gouvernement wallon une note d’orientation relative à la mise en place d’un système de consigne en Belgique. Cette note de synthèse avait pour objet de faire le point sur :
    • l’état d’avancement des réflexions et des travaux menés (i) dans les trois Régions du pays et au niveau interrégional (ii) dans les pays limitrophes et (iii) au niveau des producteurs et distributeurs d’emballages (Fost Plus, Comeos et Fevia) ;
    • le modèle de consignation à favoriser, au regard notamment des premiers résultats des analyses d’impacts environnementaux et socio-économiques, ainsi que de la politique de déchets en vigueur.

    Compte tenu des éléments figurant dans cette note, le Gouvernement a décidé :
    1. de prendre acte de l’état d’avancement des réalisations et des travaux menés actuellement dans les trois Régions du pays et au niveau interrégional ;
    2. d’acter le fait que la mise en place d’un système de consignation en Belgique doit poursuivre l’objectif prioritaire d’améliorer durablement et significativement la propreté publique en Région wallonne, compte tenu des quantités de déchets sauvages encore beaucoup trop élevées et des coûts de gestion qu’ils représentent, et des sollicitations croissantes des communes, des citoyens et des agriculteurs pour améliorer la situation en la matière ;
    3. de me demander de poursuivre les analyses d’impacts et les contacts avec les autres Régions en vue de la mise en place d'un système de consigne en Belgique, en tenant compte des principes, des orientations et des recommandations énoncés dans la note, qui plaident à ce stade en faveur de l’introduction d’une consigne classique, pour autant que les citoyens aient toujours la possibilité d’utiliser le système du sac bleu pour se défaire de ses déchets d’emballages de boissons non réutilisables.
    4. d’approfondir l’analyse des impacts socio-économiques et environnementaux des trois systèmes de consigne pour les acteurs concernés (producteurs, distributeurs, intercommunales de gestion des déchets, communes, consommateurs et citoyens) et de présenter les résultats de cette analyse au Pôle Environnement, par le biais notamment du facilitateur à la consigne.
    5. de me charger de tester auprès des principaux acteurs concernés (COPIDEC, UVCW, Fevia, Comeos, Test-Achat, Agence du Numérique) la faisabilité et la praticabilité des trois scénarios.

    Ces décisions du Gouvernement s’appuient notamment sur les recommandations et les orientations relatives au choix du modèle de consigne, qui sont détaillées dans la note et qui sont reprises ci-dessous :

    La mise en place d’un système de consigne sur les canettes et bouteilles en plastique en Belgique, à très court terme (2025), doit veiller à ce que certains principes de base soient pleinement respectés. Parmi les plus importants, on peut citer :

    - la nécessité que le système de consigne retenu permette une amélioration pérenne et significative de la propreté publique, ceci étant l’objectif premier recherché (au-delà d’une éventuelle amélioration des performances des systèmes de collecte existants), à un coût environnemental et socio-économique acceptable ;
    - le besoin que le système de consigne retenu rencontre un maximum de confiance et d’adhésion de la part de tous les consommateurs et utilisateurs, ces conditions étant absolument nécessaires pour que le système soit le plus efficace possible, dans le temps et dans l’espace ;
    - le fait que chaque citoyen puisse rapidement et facilement récupérer le montant de la consigne, quel que soit son statut/condition (âge, niveau scolaire, handicaps, touriste…), l’endroit et les circonstances dans lesquels il/elle se trouve, et dans le respect de la vie privée.

    Ainsi, sur base des informations, des résultats préliminaires de l’analyse de faisabilité réalisée par le bureau RDC et des autres points d’attention énoncés dans la note au Gouvernement, il apparaît que la mise en place d’un système de consigne classique (non digitalisée) avec obligation de reprise en magasin (avec ou sans machine de déconsignation) offre davantage de garanties que les principes de base énoncés ci-avant soient respectés, compte tenu des avantages que présente ce système, qui est déjà connu et éprouvé depuis longtemps.

    Parmi ces avantages, on peut notamment citer, sans être exhaustif :
    - effets préventifs et curatifs jugés plus efficaces en matière d’amélioration de la propreté publique. Le système classique encourage davantage la collecte des bouteilles en PET et des canettes parmi les déchets sauvages ;
    - facilité de mise en œuvre et d’utilisation par rapport à la fracture numérique (40 % des Belges sont à risque d’exclusion numérique), sans compter la présence de zones blanches ou grises avec une faible couverture mobile et/ou internet ;
    - accessibilité aux personnes ayant des compétences numériques limitées, qui ne sont pas exclues du système ;
    - résultats des analyses coûts/bénéfices assez favorables ;
    - système connu, éprouvé et plus mûr pour une mise en œuvre à court terme : en Belgique, un système de consigne classique a déjà été mis en place pour les bouteilles en verre. Par conséquent, les consommateurs ont déjà une idée claire de ce qu'est un système de consigne classique par rapport au système digital ;
    - alignement et cohérence avec les systèmes mis en place (ou en voie de l’être) dans les Régions et pays limitrophes. S'engager dans une consigne classique permettra à la Belgique de profiter des synergies et des économies d'échelle pour les producteurs des bouteilles et canettes découlant de l'harmonisation des systèmes ;
    - préservation de la bonne qualité du flux de déchets collectés (non mélangés et moins souillés), facilitant ainsi le recyclage des plastiques « bottle-to-bottle » pour des usages alimentaires (moins d'étapes de préparation pour le recyclage comme le prélavage, et recyclage en boucle fermée facilité) ;
    - pas de dédoublement des poubelles publiques par des poubelles « intelligentes » et de distribution de « home-scanner », en réponse aux craintes de l’UVCW et des communes de devoir supporter des charges financières supplémentaires ;
    - pas de conflit avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Le système ne requiert pas le partage d'informations personnelles. Par conséquent, il n'y a pas de risque (ou de perception de risque par le consommateur) de mauvaise utilisation des données personnelles.

    Par ailleurs, le développement de ce scénario de référence permettra également de :
    - répondre aux attentes répétées des citoyens, des communes et des agriculteurs (51 % des communes wallonnes ont rejoint l’Alliance pour la Consigne ; selon les résultats de l’enquête de Test Achats de 2021, 74 % des Belges sont favorables à l’introduction d’une consigne sur les canettes et bouteilles en plastique et 89 % des personnes interrogées se disent prêtes à rapporter les emballages consignés dans des points de collecte tels que les supermarchés) ;
    - mieux tenir compte des réalités des grandes villes telles que Bruxelles ou Charleroi (fracture numérique, densité de population, barrières linguistiques, forte rotation des nouveaux arrivants…) et des réalités de certaines petites zones rurales (zones blanches, facilités pour les petits commerçants…) ;
    - tenir compte davantage des avis des experts-sociologues, qui jugent que la consigne classique serait relativement plus acceptable pour les citoyens, l’adhésion au système étant un élément clé dans la réussite de la mise en place d’une consigne, indépendamment des aspects économiques ;
    - mettre en place la consigne rapidement, eu égard aux nombreuses incertitudes qui existent encore au sujet de la consigne numérique (sérialisation, stockage des données, risques de fraude, atteinte à la vie privée, protection des données…).

    Toutefois, complémenter progressivement la mise en place d’une consigne classique par une approche numérique, dans certains cas, lieux et circonstances (consommation hors domicile par exemple) avec une maîtrise des coûts, tel que souligné dans les propositions du bureau RDC pourrait être envisagée à moyen terme, en particulier si la consigne numérique n’est plus liée à la personne.

    Les prochaines étapes envisagées dans le cadre des travaux qui doivent encore être menés par le bureau d’étude RDC et le facilitateur à la consigne sont les suivantes :
    1. Organiser une réunion technique entre RDC et l’ensemble des intercommunales wallonnes de gestion des déchets, afin de préciser les impacts financiers des trois scénarios de consigne, notamment sur le fonctionnement des centres de tri des P+MC et des investissements consentis en la matière, sur base des informations et données disponibles et partagées (septembre 2023) ;
    2. Organiser une réunion de restitution des résultats de l’analyse de faisabilité aux principales parties prenantes (Fost+, Comeos, Fevia, UWE, UVCW, COPIDEC, Test Achat, associations environnementales), en réservant une attention aux effets des scénarios sur les évolutions technologiques et la prise en compte de la fracture numérique (octobre 2023) ;
    3. Débriefing entre les Ministres régionaux de l’Environnement afin de faire le point conjointement sur l’état d’avancement des travaux et des orientations dans les trois Régions (octobre 2023) ;
    4. Présenter l’état d’avancement des travaux et des résultats obtenus à la Commission environnement du Parlement wallon (par le facilitateur à la consigne) (octobre-novembre 2023) ;
    5. Déposer une seconde note d’orientation au Gouvernement wallon sur le sujet (octobre-novembre 2023).