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L’intégration de nouvelles directives dans le Plan Air Climat Energie à l'horizon 2030 (PACE 2030)

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 1282 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 11/07/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Les directives européennes du 10 mars 2023 sur l'efficacité énergétique et du 30 mars 2023 sur les énergies renouvelables ne semblent pas avoir été traduites dans le PACE 2030 puisque le Gouvernement wallon n'en avait pas connaissance au moment de son approbation.

    Comment ces importantes directives vont-elles être intégrées ?

    Quels sont les changements substantiels qu'elles induiront pour le PACE 2030 ?

    Monsieur le Ministre peut-il les énumérer ?

    Quelle est sa méthodologie prévue ? Peut-il la détailler ?

    De nouvelles consultations et concertations seront-elles nécessaires ?
  • Réponse du 07/08/2023
    • de HENRY Philippe
    L’activité européenne a été assez intense ces dernières années et les délais entre les diverses procédures se sont télescopés. Une série de grandes étapes ont été franchies rapidement à commencer par les orientations du Pacte vert de la Commission européenne, et ensuite l’adoption de la loi climat européenne en juin 2021, rehaussant les ambitions de l’Union en termes d’objectif de réduction de gaz à effet de serre (-55 % en 2030 par rapport à 1990). La traduction de cette nouvelle ambition se décline au fur et à mesure dans le paquet « Fit for 55 » dans de nombreuses compétences, auquel est venu également se rajouter une nouvelle ambition énergétique avec RePowerEU en 2022.

    Le nouveau Plan Air Énergie Climat wallon (PACE 2030) adopté par le Gouvernement wallon le 21 mars 2023 constitue la matérialisation de l’engagement de la DPR de rehausser les objectifs climatiques de la région. Il constitue également la base de la contribution de la Wallonie au Plan national Énergie Climat (PNEC). Selon le Règlement gouvernance de l’UE, les États membres doivent rendre une mise à jour du PNEC, conforme aux nouvelles ambitions climatiques, dans sa version définitive pour le 30 juin 2024. Les États membres, y compris la Belgique, ont remis en 2019 un PNEC à l’horizon 2030, mais calibré sur des ambitions climatiques moindres.

    L’élaboration de ces documents (PACE 2030 et PNEC) et le dimensionnement des mesures prennent du temps et ont démarré avant que le paquet « Fit for 55 » ne soit publié. Le paquet « Fit for 55 » comprend de nombreuses propositions d’adaptation législatives en climat, en énergie et en transport afin de rendre possible l’atteinte de l’objectif de réduction des émissions de 55 % en 2030 par rapport à 1990. Le paquet contient notamment en effet des propositions de révision de la directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et de la directive relative à l’efficacité énergétique.

    Néanmoins à ce jour (le 14 juillet 2023), aucune de ces deux directives n’est encore publiée officiellement ; tous les chiffres indiqués ci-dessous doivent donc être pris avec une certaine prudence.

    Selon les dernières informations disponibles, la directive relative à l’efficacité énergétique pourrait être publiée en septembre et entrer en vigueur en octobre quant à celle relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, elle a encore évolué au mois de juin à la suite des tractations menées par la France, mais pourrait être adoptée en octobre.

    Il est donc exact que le Gouvernement wallon n’avait pas connaissance de ces textes au moment de la conception du PACE 2030 et de son adoption ainsi que de sa traduction en contribution de la Région wallonne au PNEC belge, actuellement en discussion au niveau national. De plus, si certains éléments se dégagent rapidement au cours des négociations, les éléments cruciaux comme les objectifs ne sont la plupart du temps tranchés qu’en toute fin de processus.

    Pour la directive relative à l’efficacité énergétique, les principales modifications à prendre en compte impliqueront des changements importants. Il s’agit de :

    • L’ambition globale est revue à la hausse et se traduit par un effort global 11.7% supérieur à ce que les états membres ont annoncé dans leurs Plans Énergie Climat de 2019. Les changements seront substantiels à tout le moins en termes d’ambition. Il est dès lors urgent d’agir, mais sur le fond, pas dans le désordre et la précipitation. Les outils sont disponibles et clairement identifiés par secteurs dans le PACE. Il appartient au gouvernement présent et sans doute à celui qui nous succédera de les activer correctement, en boostant l’ampleur et la vitesse d’implémentation et en travaillant de manière coordonnée dans tous les secteurs afin d’amener rapidement la réduction de consommation au niveau escompté.

    • Un principe essentiel est celui de la primauté des économies d’énergie au moyen d’une analyse systématique des coûts-bénéfices avant toute décision d’investissement public ou privé d’une certaine ampleur dans l’infrastructure énergétique.

    Pour ce faire, je préconise que toutes nos décisions soient désormais évaluées sur base des critères suivants :
    - conformément au principe « efficacité énergétique d’abord », toute décision doit d’abord être analysée à l’aune de son potentiel d’économie ;
    - l’action doit s’inscrire dans la durée, via des mesures structurelles cohérentes optimisant le retour sur les moyens disponibles, qu’ils soient publics ou privés ;
    - la sobriété doit être encouragée dans tous les secteurs, et l’efficience devenir la norme ;
    - un accent tout particulier doit être mis sur la collecte de données permettant de mesurer l’impact des mesures prises et de le relativiser avec les moyens impliqués.

    • La priorité doit être donnée à la lutte contre la précarité énergétique pour ne laisser aucun citoyen sur le carreau de la transition énergétique. Le diagnostic est sans appel : un ménage wallon sur trois est exposé. Nous devons mettre en œuvre des mesures structurelles pour leur permettre d’accéder à un logement et à des conditions de vie décentes. Rénover leur logement pour réduire leurs charges énergétiques, mais aussi pour améliorer leur santé et leurs conditions de vie est donc ma priorité, et ce à travers une série de dispositifs et d’aides concrètes comme MEBAR, les primes à la rénovation, les crédits à 0 %, et cetera.

    • L’obligation de démontrer annuellement des économies d’énergie supplémentaires chaque année pour en moyenne 1.5 % de la consommation finale. Ceci correspond en fait à un doublement de ce qui figure actuellement dans le PACE, qui prévoyait pourtant un sérieux renforcement des économies effectivement engrangées ces dernières années.

    • L’exemplarité des pouvoirs publics imposera jusqu’au niveau le plus local, écoles et hôpitaux compris, de démontrer chaque année une réduction de leur consommation de 1.9 %, accompagnée de la rénovation au standard zéro émission de 3 % de leurs bâtiments. Il n’existe pas encore, à ce stade, de cadastre centralisé des efforts publics. Cependant, le Groupe opérationnel « Bâtiments publics » de l’Alliance Climat Emploi Rénovation (ACER) travaille sur l’identification des actions à mettre en place pour massifier les rénovations énergétiques et leur monitoring. Cela devrait nous permettre notamment de développer avec nos collègues des pouvoirs locaux un outil de gestion globale de l’ensemble de leurs consommations (allant au-delà de leurs bâtiments) pour démontrer le respect de la réduction annuelle de 1.9 %.

    • Pour induire la transition bas carbone de notre économie à moindre coût, l’audit et la mise en œuvre de ses recommandations rentables à trois ans vont devenir obligatoires pour une grande partie des entreprises, ainsi que la communication de leurs stratégies et résultats. Les data centers devront également publier leurs indicateurs de performance chaque année. Les incitants ne seront plus accessibles que pour les plus petites d’entre elles ou pour des actions à temps de retour bien plus long.

    Pour la Directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, les principales modifications à prendre en compte sont les suivantes :

    • L'objectif de l'Union concernant la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie en 2030 a été relevé à au moins 42,5 %. En outre, les États membres s'efforcent collectivement d'atteindre l'objectif de l'Union de 45 % à la même date. Les États membres fixent également un objectif indicatif pour les technologies innovantes en matière d'énergies renouvelables d'au moins 5 % de la nouvelle capacité installée d'énergies renouvelables d'ici 2030.

    • Les dispositions relatives à la bioénergie sont revues afin de renforcer les critères de durabilités de la biomasse, notamment en maintenant l'approche basée sur les risques et en introduisant des « zones interdites » dans les pays qui manquent de législation nationale et de systèmes de surveillance et d'application pour garantir que les critères de durabilité sont remplis. Le concept de forêt ancienne a été introduit, mais uniquement tel que défini dans le pays où la forêt est située.

    • Dans le secteur des transports, les États membres seront tenus d'imposer soit, une part d'énergie renouvelable d'au moins 29 % d'ici 2030, soit une réduction de l'intensité des gaz à effet de serre d'au moins 14,5 % d'ici 2030. Un nouvel objectif combiné contraignant est ajouté pour les carburants renouvelables d'origine non biologique (RFNBO) et les biocarburants et biogaz avancés à un niveau de 5,5 % d'ici 2030, avec une part minimale contraignante des RFNBO dans le transport de 1 % d'ici 2030. Enfin, les États membres dotés de ports maritimes s'efforceront désormais de faire en sorte qu'à partir de 2030, la part des carburants renouvelables d'origine non biologique dans la quantité totale d'énergie fournie aux le secteur maritime est d'au moins 1,2 %.

    • Un nouvel article vise l’industrie et les États membres sont encouragés à augmenter la part des sources renouvelables dans le secteur industriel d'un pourcentage indicatif de 1,6 point de pourcentage en tant que moyenne annuelle calculée pour les périodes 2021 à 2025 et 2026 à 2030. Le même article oblige les États membres à veiller à ce que les RFNBO dans l'industrie représentent au moins 42 % de l'hydrogène utilisé dans le secteur d'ici 2030 et 60 % d'ici 2035. L'article 22 bis exige également que la Commission élabore une stratégie de l'Union pour l'hydrogène importé et domestique.

    • À la suite de la publication du Plan REPowerEU afin d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, une modification importante porte sur l’octroi des autorisations et permis. Ces dispositions imposent aux états membres de réaliser une cartographie des zones nécessaires afin d'atteindre au moins leurs contributions nationales à l'objectif de l'Union à l'horizon 2030. Les États membres doivent aussi mettre en place des « zones d'accélération » dédiées aux énergies renouvelables, avec des procédures d'autorisation particulièrement courtes et simplifiées. La procédure d’octroi des permis et autorisations est elle-même revue et devra inclure l’autorisation de raccordement au réseau. De plus, de nouveaux articles sont introduits pour assurer la participation du public ; permettre la désignation de zones d'infrastructures dédiées pour le développement de projets de réseau et de stockage ; accélérer le processus d'octroi des permis pour le rééquipement ; accélérer le déploiement des installations solaires et des pompes à chaleur. Enfin, un nouvel article précise que les énergies renouvelables devront être considérées comme relevant de l’intérêt supérieur au titre de la santé publique et de la sécurité. Ces dispositions vont entraîner une mise à plate de la procédure d’octroi des permis et une révision législative importante.

    • Un nouvel article impose aux états membres de définir un taux national indicative part d'énergie renouvelable produite dans le secteur des bâtiments en 2030 qui soit conforme à un objectif indicatif d'au moins 49 % au niveau de l'Union.

    • L’objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le secteur du chauffage et du refroidissement devient contraignant et vise au moins 0,8 point de pourcentage en moyenne annuelle calculée pour les périodes 2021 à 2025 et au moins 1,1 point de pourcentage en moyenne annuelle calculée pour de 2026 à 2030. En outre, les États membres s'efforcent également d'augmenter leur part nationale d'énergies renouvelables dans leur secteur du chauffage et du refroidissement des points de pourcentage indicatifs supplémentaires indiqués à l'annexe 1a.

    Les modifications induites par ces deux directives sont donc importantes même si elles sont de natures assez différentes. Toutefois, une bonne partie d’entre elles seront transposées ou mises en œuvre dans les délais prescrits par les textes eux-mêmes.
    - Pour la Directive relative à l’efficacité énergétique, la date de transposition serait fixée à deux ans après l’entrée en vigueur, ce qui nous mènerait à octobre 2025 même si certains éléments doivent être mis en œuvre plus tôt.
    - Pour la Directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, la date de transposition serait fixée à dix-huit mois après l’entrée en vigueur, ce qui pourrait mener au mois d’avril 2025.

    La manière dont toutes ces dispositions seront intégrées aux plans wallons doit encore être analysée de manière approfondie. Pour ce qui concerne des transpositions législatives, les délais s’appliqueront et il incombera au prochain gouvernement de les respecter. En ce qui concerne les objectifs, la situation est plus compliquée, car la Commission pourrait estimer qu’ils doivent déjà être pris en compte dans les PNEC 2023-2024.

    Du côté de l’efficacité énergétique, la réduction de la consommation finale prévue dans le PACE est déjà en ligne. En revanche, le mécanisme d’obligations d’efficacités énergétiques annuelles additionnelles est drastiquement renforcé pour passer progressivement de 1 TWh/an à 1.9 TWh/an dès 2028.

    Du côté des objectifs en énergie renouvelable, la situation est particulièrement compliquée, car les objectifs s’appliquent soit à l’Union européenne dans son entièreté, soit aux États membres et certains sous-objectifs sont contraignants. La révision de l’objectif global européen à la hausse n’entraîne pas automatiquement une augmentation des objectifs nationaux, en effet, la Directive veut que les états membres fixent une contribution nationale. Toutefois, si la somme de ces contributions nationales ne permet pas d’atteindre l’objectif 2030, la Commission pourra donner des recommandations aux états membres. Pour la Belgique, il sera alors nécessaire de répartir cette recommandation entre les entités.

    Comme toujours, la répartition des contributions des entités est délicate, car elle confronte des niveaux d’ambition très différents. De plus, quelle que soit l’ambition de la contribution wallonne, elle est inévitablement mathématiquement diluée par le poids relatif des entités fédérées. Cette question est liée à la problématique globale du « burden sharing » qui porte également sur les aspects climatiques.

    En conclusion, nous n’attendons pas l’adoption de ces directives et leur publication officielle pour poursuivre le travail, mais vu l’ampleur des ambitions, la réforme attendue est profonde et nécessitera une forte adhésion non seulement des citoyens et des entreprises, mais aussi des responsables politiques à tous les niveaux de responsabilités que ce soit pour soutenir la réduction de la consommation ou pour le déploiement accéléré des énergies renouvelables et des infrastructures de réseau nécessaires.