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L'impact de l’intelligence artificielle (IA) sur l’évolution de la fonction publique

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 439 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 11/07/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    L'intelligence artificielle (IA) fait avancer les discussions en matière de politique d'emploi et fait émerger des questions essentielles sur le futur de ce marché.

    En réponse à une question écrite, le Gouvernement flamand a déclaré qu'il menait des recherches, en collaboration avec des entreprises spécialisées, sur l'application possible de l'IA dans le domaine de la gouvernance publique.

    Plusieurs applications envisagées par le Gouvernement flamand sont, parmi d'autres, d'améliorer l'efficacité des opérations internes et externes. M. Jo Brouns, Ministre flamand de l'Emploi, a dit qu'un « cadre conceptuel » est depuis un certain temps en cours pour générer des informations pertinentes via l'utilisation de l'IA notamment pour répondre aux questions parlementaires.

    Quelle est l'analyse de Madame la Ministre concernant l'utilisation de l'IA par le Gouvernement et ses fonctionnaires ?

    Quelles applications possibles envisage-t-elle au sein de la fonction publique wallonne ?

    Le Gouvernement wallon enquête-t-il également sur les applications de l'IA dans la fonction publique et dans sa gouvernance ?
    Si oui, avec quelles entités spécialisées coopère-t-il ?

    Comment les tendances de l'utilisation de l'IA dans le secteur de la fonction publique dans la Région wallonne sont-elles évaluées ?

    Comment la Wallonie peut-elle se positionner pour faire face aux opportunités et risques concernant l'IA dans un avenir proche ?
  • Réponse du 30/08/2023
    • de DE BUE Valérie
    L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) est un sujet au cœur de l’actualité. En effet, si l’IA, ensemble d’outils numériques, suscite de l’engouement, mais aussi des craintes, elle connaît des avancées technologiques majeures dans tous les secteurs. Pour les services du Gouvernement et de l’administration, elle permettrait notamment l’accomplissement automatisé de certaines tâches routinières et dégagerait du temps permettant aux agents d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, la qualité du travail et l’optimisation de la gestion quotidienne.

    De nombreuses utilisations sont envisageables au sein de nos administrations. Citons, à titre d’exemples, les domaines de la mobilité et l’aménagement urbain (la gestion du trafic, maintenance prédictive de la voirie, gestion des déchets, de l’éclairage public, du nettoyage urbain…) ; le contrôle et la lutte contre la fraude ; la personnalisation de l’accompagnement dans la recherche d’emploi ; l’identification du non-recours aux droits ; la recherche documentaire, la traduction de textes. Les possibilités sont multiples.

    D’autres applications peuvent être envisagées en matière d’amélioration de la qualité des services rendus, que ce soit par l’anticipation de leurs besoins via des recommandations basées sur le profil ; l’identification précoce d’entreprises en difficulté en besoin de soutien ; la réduction de délais ; l’accomplissement de tâches matériellement impossibles à accomplir vu les ressources humaines disponibles ; le soutien et l’aide à la décision ; un meilleur traitement ou la réduction, pour l’usager, de la complexité administrative.

    Enfin, l’engagement des administrations dans le développement de solutions basées sur l’IA constituerait un levier de compétitivité économique et d’optimisation d’emploi des ressources publiques, matérielles comme humaines. À la faveur de l’automatisation d’une activité, les agents publics peuvent être redéployés sur leurs cœurs de métier, sur d’autres missions, sur les cas complexes ou pour apporter une assistance personnalisée à des publics en difficulté.

    À l’instar de ses voisins, la Wallonie ne vit pas une révolution de l’IA publique, mais connaît un déploiement progressif bien qu’encore expérimental. Au travers des prototypes, encouragés dans le cadre du plan de relance, et du programme Digital Wallonia 4ia, des initiatives pilotes sont menées au sein de l’administration, avec le soutien du SPW Digital, pour vérifier le potentiel application de l’IA. Quelques cas d’usages à titre d’exemples : amélioration de l’efficacité des call-centers de Wallonie en aidant les agents de première ligne à répondre plus correctement et plus rapidement aux usagers grâce à une préanalyse des questions reçues par l’IA ; optimisation de la mobilité par la prédictibilité du trafic routier (décongestion du trafic) ; amélioration de l’efficacité du traitement des dossiers administratifs en automatisant des tâches et la classification des documents.

    Les premiers retours d’expériences démontrent qu’il faut faire preuve de beaucoup d’attention. Les solutions testées n’ont pas toujours la meilleure réponse, ni même une réponse adéquate au problème posé. Elles ne sont qu’un moyen parmi d’autres à challenger en regard du contexte et du niveau de maturité des services concernés. Recourir à des solutions basées sur l’IA ne constitue pas une fin en soi. Ces solutions ne résoudront pas à elles seules les défis auxquels l’administration est confrontée. En outre, le potentiel considérable de ces systèmes ne doit pas faire perdre de vue leur complexité et la technicité de leur conception qui ne s’improvise pas. L’importance de s’inscrire dans une logique de l’innovation expérimentale fondée sur l’essai-erreur est donc cruciale.

    Il faut certes prendre le train de la modernité et se préparer à l’intelligence artificielle, non parce que l’évolution technologique est en marche, mais bien parce que ces possibilités technologiques ouvrent des perspectives nouvelles pour améliorer nos services. Il faut, néanmoins, tenir compte de la montée en compétences des administrations avec un apprentissage par expérimentations et de l’adaptabilité effective des solutions aux réalités du terrain.
    Ces nouvelles opportunités doivent être évaluées à l’aune des dimensions humaines, techniques, organisationnelles et juridiques. Au niveau humain, l’enjeu premier est la sensibilisation des agents et l’acceptabilité de solutions IA en en gardant la maîtrise. La formation ainsi que le recrutement d’experts expérimentés constituent aussi une difficulté vu la rareté des profils spécialisés et la concurrence féroce dans ce secteur. La qualité, l’interopérabilité et le partage de données constituent également des déterminants essentiels de la capacité de l’administration à concevoir de solutions basées sur l’IA. Malgré de nombreux progrès réalisés ces dernières années dont certains dans le cadre du plan de relance, il subsiste encore des freins au partage généralisé, en interne, des données produites au sein des administrations. En outre, il faut tenir compte d’un cadre légal complexe et parfois contradictoire (régional, fédéral et surtout européen - AI Act, Data Governance Act, Data Act-) accentué par les contraintes du RGPD pour l’utilisation des données à caractère personnel à des fins de conception de solutions d’IA. Enfin, l’enjeu de l’éthique exige la mise en place de systèmes de mesure et d’acceptation sociétale avec la nécessité d’une évaluation des impacts des applications de l’IA dans un dialogue ouvert et transparent avec toutes les parties prenantes.

    Sur le plan stratégique, une réflexion devra être conduite sur le pilotage de la stratégie de l’IA publique wallonne en s’appuyant sur les avancées portées par la vision 2030, le contrat d’administration, Digital Wallonia 4ia et ses différents axes. Cette stratégie globale devra renforcer les liens entre les niveaux de pouvoirs pour exercer un effet de levier à l’échelle régionale et produire des retombées au niveau national, européen, voire international. Elle devra également s’inscrire dans le cadre réglementaire européen que la Wallonie se doit d’implémenter, avec la possibilité d’expérimenter un cadre de législations « bac à sable IA » à créer et qui permettrait de tester des solutions innovantes, d’identifier les obstacles à leur déploiement, tout en veillant à l’adéquation de la législation et à sa bonne application lors de sa mise en œuvre.

    Cette approche permettra au Gouvernement et à son administration de s’engager dans une stratégie claire et acceptée empruntant le chemin de déploiements raisonnés, éthiques, soutenables et responsables. Celle-ci est à construire avec l’ensemble des parties prenantes, en particulier les partenaires sociaux et les représentants des usagers-citoyens.